Critique de « La charrue »: l’affaire de famille très française du réalisateur Philippe Garrel


Scénariste, réalisateur et comédien occasionnel Philippe Garrel tourne son premier long métrage, Marie pour mémoirealors qu’il n’avait que 19 ans. C’était au milieu de la tourmente de mai 1968, et depuis lors, il a réalisé un nouveau long métrage toutes les quelques années, devenant un incontournable des festivals et des maisons d’art, en particulier dans sa France natale.

Travaillant avec des acteurs inconnus ou confirmés, dont Catherine Deneuve et Jean-Pierre Léaud, ses histoires intimes de troubles émotionnels – souvent la même histoire racontée encore et encore, à différentes époques, en couleur ou en noir et blanc – ont fait de lui un auteur fiable mais aussi un goût acquis. Si vous n’aimez pas les films français sur l’amour, le sexe, la famille, l’adultère et l’angoisse, alors vous n’aimerez probablement pas Garrel.

La Grande Ourse

L’essentiel

Intimement familier.

Lieu: Festival du Film de Berlin (Compétition)
Jeter: Louis Garrel, Damien Mongin, Esther Garrel, Lena Garrel, Francine Bergé, Aurélien Recoing, Mathilde Weil
Directeur: Philippe Garrel
Scénaristes : Jean-Claude Carrière, Arlette Langmann, Philippe Garrel, Caroline Deruas Peano

1 heure 34 minutes

Son travail a toujours eu un penchant autobiographique, et l’un de ses meilleurs films, celui des années 1970 La Cicatrice Intérieure, mettait en vedette sa petite amie de l’époque, Nico de The Velvet Underground. Mais son dernier long métrage, qui est le 26e d’une longue et fructueuse carrière, semble, à bien des égards, plus personnel que jamais.

Avec les trois enfants du réalisateur dans les rôles principaux, La Grande Ourse (Le Grand Chariot) joue comme un film héritage à peine déguisé dans lequel le cinéaste imagine comment la vie pourrait continuer après sa propre mort. Pour prendre le titre au pied de la lettre : Qui reprendra la charrue après le passage du patriarche ? C’est une question intrigante, mais à laquelle Garrel répond en ressasser ses thèmes préférés plutôt que d’offrir quelque chose d’entièrement nouveau.

Peut-être sa meilleure invention ici a-t-elle été de transformer son alter ego à l’écran, joué par Aurélien Recoing, en un marionnettiste de longue date travaillant en France guignol tradition (ce que nous appelons un spectacle Punch and Judy), au lieu d’en faire un réalisateur de cinéma. Il y a aussi un côté autobiographique à cela – le père de Garrel, l’acteur Maurice Garrel, était également un marionnettiste de formation – et c’est une tournure intelligente qui rend La Grande Ourse à propos d’un métier artistique mourant qui, à l’instar du cinéma, pourrait un jour cesser d’exister.

C’est aussi les moments les plus forts du film, où l’on voit les trois enfants du marionnettiste, Louis (Louis Garrel), Martha (Esther Garrel) et Lena (Lena Garrel), mettre en scène des spectacles pour enfants qui regardent avec terreur et joie, dans des scènes qui rappellent le célèbre guignol séquence de Truffaut Les 400 coups (une séquence qui était elle-même une métaphore pour les films). Non seulement les descendants de Garrel se révèlent être des marionnettistes convaincants, mais ils interprètent ces scènes avec une énergie et un abandon moins présents lorsque leurs personnages ne font que vivre et se morfondre.

Il y a une raison à tout ce désespoir : leur père tombe malade et meurt au premier acte, puis leur grand-mère (Francine Bergé) est atteinte d’une grave démence. La question de savoir qui reprendra les rênes du Grand Chariot, qui est le nom de leur théâtre familial, trouve rapidement une réponse lorsque Louis décide d’abandonner les marionnettes pour jouer régulièrement et devient rapidement une star, un peu comme l’actuel Louis Garrel. C’est donc à ses sœurs de garder le guignol montrer vivant, mais cela s’avère plus difficile que prévu car ils se retrouvent face à une audience en baisse et à des dettes croissantes.

Cette histoire aurait pu suffire à faire La Grande Ourse un portrait plutôt captivant des liens familiaux et de la dévotion artistique, mais Garrel décide de changer de vitesse pendant une grande partie de la seconde moitié du film en se concentrant plutôt sur Louis et son ami peintre, Pieter (Damien Mongin), qui ont temporairement rejoint le théâtre en remplacement.

Déjà en couple avec Hélène (Mathilde Weil), qui est sur le point d’accoucher, Pieter décide de quitter sa petite amie pour une jeune marionnettiste, Laura (Asma Messaoudene), bouleversant sa maisonnée. Bientôt, Louis se précipite galamment pour draguer Hélène, et soudain nous regardons le genre de chaises musicales romantiques vues dans trop de films français, y compris ceux de Garrel lui-même.

Au-delà d’une brève scène où l’on voit les plans de Martha et Lena pour diriger le théâtre tourner au désastre, Garrel se concentre davantage sur le quadrilatère amoureux, ce qui est regrettable car il a fait cette histoire suffisamment de fois, c’est pratiquement devenu une marque de fabrique. Et tandis que les marionnettes offraient un commentaire intrigant sur le métier de Garrel en tant que directeur d’art et d’essai, l’histoire de l’affaire condamnée du peintre semble très dépassée.

À tout le moins, vous pouvez dire que Garrel est fidèle à lui-même jusqu’au bout – une position sans prisonnier qu’il décrit plutôt avec dérision lors d’une scène funéraire pour son alter-ego, dans laquelle les seuls participants sont ses trois enfants et une paire de vieux ventilateurs. En s’engageant sans réserve dans son métier depuis maintenant un demi-siècle, Garrel n’a probablement pas gagné beaucoup de nouveaux admirateurs, mais ceux qui ont toujours aimé son travail continueront à le faire pour les mêmes raisons.

Ironie du sort, son fils Louis est non seulement devenu un acteur respecté et convoité en France, mais un réalisateur à part entière dont le dernier long métrage, L’innocent, est un succès au box-office nominé aux César qui vient d’être distribué aux États-Unis. Jouer une version de lui-même dans La Grande OurseLouis met de côté la marionnette de son père pour des aventures théâtrales plus commerciales, ce qui ajoute encore une autre couche de vérité à cette entreprise très autoréflexive.

On aurait pu intituler ce film en plaisantant Suivre les Garrels, il s’agit tellement d’une famille très unie dont le métier est l’art et la performance plutôt que la mode et l’influence. En effet, la frontière entre la fiction et la réalité semble ici suffisamment mince pour que l’une se fonde constamment dans l’autre. C’est sûrement ce qui fait La Grande Ourse une œuvre mineure mais quelque peu mémorable d’un réalisateur qui a laissé sa marque non seulement sur ses propres enfants, mais sur une marque de cinéma qui pourrait disparaître avec lui.

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