Dans la grotte préhistorique de Tautavel, découverte des plus anciennes traces de domestication du feu


L’exhumation de microcharbons de bois sur le site de la caune de l’Arago, au nord-ouest de Perpignan, pourrait repousser de 160.000 ans la date de la première utilisation du feu par l’Homme.

Étions-nous en avance sur notre temps, plus que nous le pensions ? Depuis la découverte de traces de feu – par hasard – des chercheurs dans la grotte de Tautavel, dans les Pyrénées-Orientales, la question fait débat. Officiellement, selon le CNRS, «les premières traces de la domestication du feu par l’Homme en Europe remontent à – 400.000 ans». Toutefois, cette découverte récente de fragments de charbon reculerait cette date à 560.000 ans. La grotte de Tautavel était un poste d’observation idéal pour les chasseurs de la préhistoire. À 80 mètres de hauteur, ces derniers pouvaient ainsi surveiller les déplacements du gibier dans la plaine.

Si la découverte est exaltante, les chercheurs restent néanmoins sur leurs gardes. Interrogé par Le Figaro, Christian Perrenoud, géo-archéologue et directeur des fouilles à la Caune de l’Arago, apporte plus de précisions: «On ne sait pas si c’est un incendie favorisé par l’Homme ou simplement d’origine naturelle. Dans une grotte composée de fer, il faut faire un échantillonnage très serré sur toute la stratigraphie pour déterminer si ces microcharbons étaient en corrélation avec des occupations humaines».

En d’autres termes, il est encore bien trop tôt pour déterminer l’implication volontaire de l’homme de Tautavel dans un incendie. «Les microcharbons peuvent avoir été amenés à l’intérieur de la grotte suite à un incendie naturel. Un individu peut avoir ramené une branche enflammée et l’a abandonné dans la grotte».

Découvertes dans la partie centrale de la grotte, «à environ vingt mètres de l’entrée», les traces de charbon vont faire l’objet d’analyses plus précises. «C’est un scoop si c’est vraiment lié à l’occupation humaine, si c’est vraiment démontré», souligne Christian Perrenoud. Parce qu’à Tautavel, le passage de l’Homme au temps de la préhistoire est quant à lui bien prouvé. «En faisant les mesures, on constate qu’il y a trois pics de susceptibilité magnétique très importants, dont un qui correspond vraiment à l’occupation humaine avec la connaissance du feu, il y a 260.000 ans».

Pour l’heure, une dizaine de personnes sont mobilisées pour approfondir les recherches. Elles porteront sur des ossements déjà déterrés. «À certains endroits, ils sont un peu bruns. Si l’on va un peu vite dans les recherches, on dira qu’ils sont brûlés. Mais la coloration brune peut aussi être induite par des acides organiques. Il faut que l’on détermine si les taches brunes proviennent d’un effet de feu ou plutôt d’une coloration induite par des acides organiques». Des analyses seront aussi faites dans des lacs : «En déterminant la quantité de microcharbons, il est possible de déterminer la fréquence des paléoincendies».

Damien Deldicque lors du prélèvement de sédiments dans le niveau à forte susceptibilité. Christian Perrenoud

Avant d’obtenir le fin mot de l’histoire, «il faudrait de nouveau fouiller ces niveaux archéologiques et ajouter des structures», continue le géologue. On pourrait alors justifier qu’il y a eu une utilisation prolongée et intentionnelle du feu dans la grotte». Selon lui, les recherches s’achèveront «au mieux au terme de l’année prochaine, le but n’étant pas de fouiller à pleine vitesse. On verra ce que les analyses disent, pour avoir une certitude quant à l’utilisation du feu».

Que la date de domestication soit repoussée ou non dans le temps, la méthode utilisée par les chercheurs peut être qualifiée de novatrice. D’après le CNRS, elle sera à nouveau appliquée sur d’autres sites pour ainsi révéler d’autres secrets sur l’usage du feu au Paléolithique.

Depuis 1964 et les premières campagnes de fouille, 152 restes humains et des outils ont été identifiés dans la grotte de Tautavel. Ils justifient l’emplacement de campements permanents ou temporaires, et même d’ateliers de dépeçage. En 2015 et en 2018, sur ce même site, deux vieilles dents ont été déterrées – une incisive d’adulte puis une dent de lait -respectivement âgées de 550.000 et 560.000 ans.

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