Il faut 130.000 euros pour sauver le dernier musée de l’Éventail parisien


Menacée d’expulsion, la maîtresse des lieux de cet historique adresse parisienne, l’éventailliste et maître d’art Anne Hoguet, 75 ans, pourrait bénéficier d’un répit grâce une cagnotte solidaire.

Une collection unique en péril: criblé de dettes, avec la crise sanitaire en coup de grâce, l’unique atelier-musée français de l’éventail, l’un des plus petits musées parisiens, est sous la menace d’une expulsion. À la fois musée et atelier au charme désuet, cette entreprise du patrimoine vivant compte parmi ses derniers clients des maisons de couture mais aussi des productions de films, comme Marie-Antoinette de Sofia Coppola.

Une seule employée: la propriétaire des lieux, l’éventailliste et maître d’art Anne Hoguet, 75 ans, quatrième génération du nom et sans héritier, brisée par la perspective de la dispersion de la collection familiale dont le niveau muséal a été reconnu par plusieurs classements. L’an dernier, l’artisanat de l’éventail a été inscrit au Patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.

Anne Hoguet redoute la saisie d’une collection historique

«C’est un crève-cœur… Au fil du temps, le musée a accumulé des dettes. D’ici fin mars, je dois payer 117.000 euros au bailleur. Le Covid a été la double peine: je n’ai ni client, ni visiteur», a confié à l’AFP Anne Hoguet. «J’ai reçu une seule fois l’aide de 1500 euros pour les indépendants et mon bailleur m’a accordé des exonérations, mais la dette principale est toujours là…», se désole-t-elle.

Aujourd’hui elle redoute la saisie de sa collection: quelque 2500 éventails depuis le XVIe siècle. La disparition de ce patrimoine lui fend le cœur: «C’est mon arrière-grand-père qui a créé l’entreprise en 1879. Mon père a racheté en 1960 le dernier atelier parisien d’éventails. J’ai hérité de ce patrimoine familial auquel j’ai consacré ma vie. Tout en continuant la production, j’ai ouvert le musée il y a près de trente ans. J’ai proposé à la ville d’en faire un musée municipal, mais cela n’a pas été possible».

Installé boulevard de Strasbourg, au cœur du Paris des théâtres, l’atelier-musée Hoguet situé au 3e étage sans ascenseur d’un immeuble haussmannien, s’étend sur moins de 200 m2 au riche décor Henri II, offrant un étonnant moment hors du temps. Rien n’a changé depuis le XIXe siècle: les murs sont tapissés de drap bleu brodé de fleurs de lys au fil d’or, avec plafond à caissons. Conservés dans leur état d’origine, une multitude de meubles de métier regorgent de soie, de plumes et de nacre.

«De grande qualité, la collection Hoguet est unique avec d’extraordinaires éventails dont plusieurs sont classés. On découvre les fusions artistiques à travers l’histoire autour de cet objet ancestral, à la fois de société et d’intimité», souligne Pascal de La Vaissière, ancien conservateur du patrimoine, chargé d’un premier inventaire il y a une dizaine d’années. Puis il précise: «Le musée regroupe aussi le savoir-faire des éventaillistes et des tabletiers qui travaillent la nacre et les incrustations, les deux métiers nécessaires à la fabrication complète de l’éventail.»

Sur la cagnotte Leetchi déjà 43.000 euros

Alertée, la ville de Paris tente de trouver une solution: «Cet atelier-musée, qui a reçu des subventions municipales, est un musée privé de grand intérêt qui raconte une histoire de Paris. C’est un très joli patrimoine artistique et artisanal», reconnaît Karen Taïeb, adjointe à la Maire de Paris en charge du patrimoine.

Karen Taïeb plaide la cause de la mairie de Paris en ajoutant: «Nous avons obtenu une indulgence du bailleur pour allonger les délais. La dette ne peut toutefois pas être effacée. Nous avons contacté trois maisons de couture pour leur proposer de devenir mécènes.»

Accessoire de mode mais aussi outil ancestral pour transmettre des ordres en temps de guerre au Japon, l’éventail a fait son retour avec Karl Lagerfeld, longtemps client de la maison Hoguet. Sous Louis XV, un code amoureux a été créé, toujours en vigueur: l’éventail placé près du cœur manifeste l’intérêt. Maintenir l’éventail sur l’oreille gauche exprime au contraire un camouflet sans appel. Pour sauver ce vestige et ce vertige de l’amour et des manières de séduction qui y sont attachées, le 6 mars, une cagnotte a été lancée sur Leetchi pour aider le musée. Elle a déjà collecté quelque 43.000 euros. Le tiers de la dette…

Anne Hoguet, la passion de l’éventail

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