Le Musée d’art moderne de Genève décroche les œuvres de Claude Lévêque, accusé de viol sur mineurs


Cible d’une enquête ouverte en 2019 concernant des accusations de pédophilie, le plasticien de 67 ans n’est plus exposé au MAMCO.

Il présentait il y a six mois encore son installation La Tendresse des loups dans l’église Saint-Joseph du Havre ; aujourd’hui, Claude Lévêque est sous le coup d’une accusation pour «viols et agressions sexuelles sur mineurs de moins de 15 ans». L’enquête, ouverte en mai 2019, a été rendue publique début janvier par Le Monde, puis confirmée peu après par des enquêtes de Médiapart et de Libération, porteuses de nouveaux témoignages. Malgré les dénégations de l’artiste, l’affaire secoue depuis les circuits de l’art contemporain.

Visé par une enquête préliminaire du parquet de Bobigny, Claude Lévêque est accusé par le sculpteur Laurent Faulon, aujourd’hui âgé de 51 ans, de l’avoir abusé et violé entre ses 10 et 17 ans. Les deux frères de Laurent Faulon auraient également été victimes de ces rapports commis dans un contexte d’emprise dans les années 1980. Ces accusations graves valent à cette figure reconnue du monde de l’art contemporain d’être devenue du jour au lendemain persona non grata.

Claude Lévêque a rompu – d’un commun accord – avec son galeriste Kamel Mennour, et d’autres initiatives, moins concertées, sont prises aujourd’hui par des institutions artistiques. À Genève, le directeur du Musée d’Art moderne et contemporain Lionel Bovier, informé dès 2020 de la plainte visant Claude Lévêque, a pris la décision de retirer les œuvres de l’artiste exposées de ses murs. «De mon point de vue, le discrédit qui est aujourd’hui jeté sur son travail sera absolument irrémédiable si les accusations se révèlent fondées, a expliqué le patron du MAMCO au Monde. Je ne pourrai plus jamais regarder ce travail sans y trouver des indices des crimes qui lui sont reprochés. Par conséquent, le musée que je dirige ne montrera ni ne diffusera son travail dans le futur.»

Conte cruel de la jeunesse, 1987 – 2017 (détail), dispositif autour de l’univers de Bérurier Noi, créé pour l’exposition L’Esprit français, contre-cultures 1969-1989. Marc Domage/ADAGP Claude Lévêque Courtesy the artist and kamel mennour, Paris

«Tout le monde savait»

La réaction de l’institution genevoise s’est doublée d’un sentiment d’indignation générale dans le milieu artistique au regard des révélations de la presse sur l’omerta qui s’exerçait parmi les collaborateurs du plasticien. «Je n’ai peut-être pas d’artiste femme, mais j’ai un pédophile», a expliqué à une jeune artiste un galeriste parisien, au milieu des années 1980 selon Le Monde. La sidération succède pourtant à des interrogations de longue date autour des fréquentations juvéniles de Claude Lévêque et des œuvres d’une partie de son répertoire touchant au thème de l’enfance.

Interrogée par Le Monde , une gestionnaire anonyme de collection qui connaissait Claude Lévêque et qui a tenu à rester anonyme a confirmé la réputation de l’artiste : «C’était comme un nuage flottant autour de lui. Tout le monde savait qu’il aimait s’entourer de jeunes éphèbes, et un bon nombre craignait le pire. Mais comment agir contre un homme qui a une telle aura, quand on n’a que des rumeurs, et qu’on n’est pas témoin de ses manœuvres ? Contre un artiste qui exerce une telle fascination, car il a produit une œuvre incroyable ? »

L’incompréhension et la colère face à cette organisation du silence sont partagées par la critique et commissaire d’exposition Claude Chênel. «Comment une telle carrière est possible, alors que depuis des années, “ça se savait” ? Jusqu’au pavillon français à la Biennale de Venise ? La rage. Il faut continuer à tirer les leçons de tels faits», lance-t-elle sur Twitter.

Les interrogations gagnent désormais les pouvoirs publics. À Montrouge, Illumination, commande de la municipalité installée sur le toit de l’espace culturel du Beffroi en 2020, restera en place. Le maire UDI Étienne Lengereau entend respecter la présomption d’innocence ainsi que la propriété intellectuelle de l’artiste, selon le Journal des Arts . Pour l’heure, aucun démontage des œuvres exposées dans l’espace public – d’Uckange (en Moselle) à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) – ne semble envisagé.

Le plasticien, qui avait commencé sa carrière dans les années 1980, avait été choisi en 2019 par l’Opéra de Paris pour concevoir deux installations célébrant les 350 ans de l’Opéra Garnier et les 30 ans de l’Opéra Bastille. Exposé à l’Élysée ainsi qu’au Louvre Lens, Claude Lévêque avait représenté la France à la Biennale de Venise de 2009.

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