La facture économique de l’annulation des festivals pèse très lourd


Pas de Deep Purple au Hellfest, ni de Céline Dion aux Vieilles Charrues. Une étude de France festival, intitulée SoFEST ! et réalisée par Emmanuel Négrier et Aurélien Djakouane, estime à 2460, le nombre de festivals musicaux français annulés entre avril et août 2020 en raison du coronavirus. Si aucune étude ne vient compiler les retombées économiques de cette France des festivals, plusieurs indicateurs montrent combien le secteur compte dans les économies locales.

Les 100 manifestations les plus courues, de l’Interceltique de Lorient au Hellfest en passant par Bourges, Marciac ou les multiples festivals de Paris, ont accueilli à elles seules plus de 7,5 millions de festivaliers en 2019 selon une étude Tous les festivals. Et un Français sur huit participerait chaque année à un tel rassemblement. Aujourd’hui, Marmande (Lot-et-Garonne) est associée à Garorock, comme Clisson (Loire-Atlantique) est imprégnée du Hellfest ou Carhaix-Plouguer (Finistère) dépend des Vieilles Charrues. La situation est terrible pour ces territoires où les festivals constituent de réelles locomotives économiques.

Pour aller plus dans le détail, Ouest France a dressé un bilan de la situation dans sa région, dont l’été est normalement rythmé par de nombreux rendez-vous festifs. Jérôme Tréhorel estime à 5 millions d’euros l’impact financier sur la ville de Carhaix-Plouguer. Quelques centaines de kilomètres plus au sud, à Clisson, la situation est la même : «Avec l’annulation du Hellfest, nous estimons à 9 millions d’euros le manque à gagner pour le territoire», témoigne Xavier Bonnet, maire de la commune de 6900 habitants. «Une année sans activité pour les Vieilles Charrues c’est 1,7 million d’euros de pertes», déclare Jérôme Tréhorel, directeur général du festival à France Info. Sans événement, pas d’argent. Le festival rapporte habituellement près de 18 millions d’euros, mais son annulation prive le territoire de toute retombée économique.

Des répercussions locales

Un coup dur que subissent de plein fouet les emplois indirects, dont les commerçants à proximité : «les festivals représentent plus du tiers de notre vente annuelle de bière», indique au quotidien régional Matthieu Breton, directeur de la brasserie Coreff à Carhaix. Outre l’impact économique, il regrette le côté festif des Vieilles Charrues, qui mobilisent des acteurs passionnés depuis des années, sans cesse accompagnés de petits nouveaux venus prêter main-forte.

Les festivals associatifs très affectés

Comme beaucoup de festivals du Grand Ouest, la structure des Vieilles Charrues est entièrement associative. Jérôme Tréhorel explique qu’«ils ont les reins moins solides» que les événements privés à but lucratif.

Et cela inquiète les travailleurs qui gravitent autour de l’industrie festivalière. À Kervignac (Morbihan), la société Reoliñ propose une aide informatique pour faciliter l’organisation des festivals. Parmi ses clients, on retrouve les Vieilles Charrues, les Nuits sonores (Lyon) ou le festival de métal Motocultor (Morbihan). «Sur la saison 2021, les événements à petit budget risquent de se passer de nous. Certains nous appellent déjà pour implorer des ristournes. On fait ce qu’on peut, mais on a aussi des factures à payer…», raconte son fondateur, Xavier Garcia, à Ouest France.

L’inquiétude pour les prochaines éditions

Pour ne pas avoir à augmenter de façon abrupte le prix des billets des prochaines éditions, les festivals comptent sur des aides d’entreprises mécènes locales. Mais le directeur des Vieilles Charrues est réaliste : «Beaucoup sont dans le rouge et risquent de ne pas nous accompagner l’an prochain», confie-t-il au journal breton.

Le Grand Ouest est représentatif d’une situation qui concerne l’ensemble du territoire français. L’exemple du village gersois de Marciac, connu mondialement pour son festival de Jazz, le confirme.

Avec ses huit restaurants, deux hôtels et deux supermarchés, on comprend vite que l’offre commerciale n’est pas adaptée à ses 1250 habitants mais bien aux 250.000 visiteurs qui le traversent pendant trois semaines. L’annulation de Jazz in Marciac pourrait entraîner une perte de 20 millions d’euros pour l’ensemble des acteurs du territoire.

Si la plupart des collectivités ont voté cette année le maintien de leurs subventions pour les festivals. En revanche rien n’indique qu’elles le feront et surtout qu’elles le pourront pour les prochaines éditions si la crise se prolonge.

En attendant d’y voir plus clair, les festivals préparent leur édition 2021. La plupart essaient de proposer les mêmes programmations, mais rien n’est gagné, notamment pour les artistes internationaux. Lenny Kravitz vient par exemple d’annuler sa venue à Marciac. Un peu plus à l’est, dans le Tarn, Alain Navarro, met tout en œuvre pour pouvoir fêter dignement les 25 ans du festival Pause Guitare à Albi. Le directeur artistique espère qu’un maximum de festivaliers garderont leurs billets de 2020, réutilisables en 2021. Et l’association qui organise Pause Guitare a lancé un appel aux dons. Avec un peu de chance, on devrait pouvoir y écouter l’an prochain Philippe Katerine, Angèle, Francis Cabrel et peut-être Roger Hodgson de Supertramp, s’il est autorisé à se rendre en France d’ici-là.

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