Deux tableaux de Gauguin soupçonnés d’être des faux dans des grands musées américains


La chasse aux faux Gauguin ne fait que commencer. Après une belle prise en janvier, Fabrice Fourmanoir, collectionneur passionné, vient de tomber sur deux proies d’exception : L’Invocation et Femmes avec un cheval blanc, exposées respectivement à la National Gallery de Washington et au Musée des Beaux-Arts de Boston. Les peintures sont supposées avoir été réalisées par le maître français en 1903 aux îles Marquises, quelques mois avant la mort de l’artiste, ce que remet en question Fabrice Fourmanoir.

Selon ses propos rapportés dans le Washington Post , les tableaux auraient été commandés et vendus par le marchand d’art de Gauguin, Ambroise Vollard, dans les années 1900. Le Parisien aurait ainsi profité d’une soudaine demande pour l’œuvre du peintre.

Ses doutes sont pris au sérieux par les musées américains, car le collectionneur, sans bagage institutionnel, a de l’expérience dans la traque des faux Gauguin. En janvier, le détective amateur, a révélé que la sculpture L’Idole marquisienne du Getty Museum de Los Angeles était un faux. Le musée l’avait achetée à plus de 3 millions de dollars et a finalement dû la déclasser. Une première pour un tableau d’un peintre aussi important.

Des indices dans les œuvres

Pour étayer ses récentes affirmations, le passionné de Gauguin détaille des incohérences dans les toiles. Dans le Washington Post, il questionne notamment la croix surplombant le village des Marquises en arrière-plan de L’Invocation, alors que le peintre n’était pas en très bons termes avec l’évêque catholique du secteur. Il estime aussi que la femme nue, en premier plan, est «disgracieuse» et «vulgaire» et que Gauguin ne l’aurait pas représentée avec ses poils pubiens.

Dès 1977, un critique d’art du Washington Post, Paul Richard, avait lui aussi émis des doutes sur cette toile, lui prêtant de «curieux défauts» : «Son pinceau est maladroit, ses couleurs boueuses, ses jeunes filles des mers du Sud, crûment dessinées», écrivait-il. «Si L’Invocation était d’un autre peintre, son authenticité pourrait être remise en question, car il semble un curieux pastiche d’images dérivées des premières œuvres de Gauguin.»

La croix blanche présente en arrière-plan de L’Invocation rappelle étrangement celle représentée dans Femmes avec un cheval blanc. Des motifs réutilisés qui pourraient être l’œuvre de faussaires non inventifs. Bridgeman Images/Leemage

Dans Femmes avec un cheval blanc, c’est la végétation qui pose problème à Fabrice Fourmanoir. Elle serait caractéristique de Tahiti, plus que des Marquises selon l’expert autoproclamé ayant vécu en Polynésie. Son œil de passionné note aussi la légèreté extrême de la signature du peintre postimpressionniste.

Des observations discutables, mais qui ne sont pas négligées par les musées. Femmes avec un cheval blanc a été léguée à celui de Boston en 1948 et L’Invocation a été donnée à la National Gallery en 1976. Mais leurs origines peuvent difficilement être prouvées.

«Nous prenons très au sérieux les questions d’attribution et de provenance et nous avons examiné attentivement L’Invocation, en discutant avec des universitaires et en l’incluant dans des projets de recherche, indique Anabeth Guthrie, porte-parole de la National Gallery au Washington Post. Les derniers travaux de Gauguin présentent des défis particuliers – il était souvent malade et vivait aux Marquises – et il existe peu de documents fiables concernant sa production là-bas», reconnaît-elle avant d’ajouter que les deux musées discutaient de nouvelles analyses scientifiques des œuvres en question.

Peut-être Fabrice Fourmanoir comptera-t-il de nouveaux déclassements à son palmarès de chasseur d’impostures. Outre ces deux accusations, le collectionneur affirme que toutes les œuvres de Gauguin réalisées en 1903 (soit 13 toiles exposées dans des musées du monde entier) seraient des faux. Selon lui, cette année-là le peintre n’était pas en état de réaliser des chefs-d’œuvre à cause de problèmes oculaires et de blessures corporelles. La chasse aux faux Gauguin est bel et bien lancée.

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