De nouvelles mesures ont révélé des niveaux croissants de cinq puissants gaz appauvrissant la couche d’ozone, malgré des contrôles internationaux rigoureux sur leur production. Une équipe interdisciplinaire a signalé une multiplication par 2,6 des émissions de cinq chlorofluorocarbures réglementés (CFC) entre 2010 et 2020, ce qui pourrait saper les progrès des objectifs environnementaux actuels.
Les CFC sont les dérivés entièrement halogénés d’hydrocarbures simples et leur utilisation était autrefois répandue comme réfrigérants et propulseurs d’aérosols. Leur impact environnemental dévastateur, notamment à l’origine du trou dans la couche d’ozone, a conduit à une réglementation mondiale stricte dans le cadre du Protocole de Montréal.
«Les CFC sont chimiquement inertes au niveau le plus bas de l’atmosphère, mais dans la stratosphère, ils sont décomposés par des réactions photochimiques», explique James Keeble, chercheur en sciences de l’atmosphère à l’université de Cambridge, au Royaume-Uni. « Le chlore libéré détruit ensuite l’ozone stratosphérique par des réactions catalytiques. »
Mais alors que les dommages causés par l’ozone ont été au centre de la réglementation, les CFC sont également de puissants gaz à effet de serre avec des potentiels de réchauffement planétaire des milliers de fois supérieurs à ceux du dioxyde de carbone. « En termes d’impact sur le climat, les émissions de ces cinq CFC en 2020 étaient à peu près les mêmes que [total] CO2 émises par la Suisse cette année-là», déclare le responsable de l’étude, Luke Western, de l’université de Bristol, au Royaume-Uni.
En termes réels, ces augmentations récentes de CFC sont relativement faibles, mais elles soulèvent la question de savoir si une réglementation plus complète est nécessaire. «Le protocole de Montréal a très bien réussi à réduire la production de CFC à usage émissif», déclare Brad Hall, chercheur en sciences de l’atmosphère au NOAA Global Monitoring Laboratory, aux États-Unis. «Mais il existe des exceptions pour les produits chimiques utilisés comme matières premières et agents de transformation. Des dérogations ont été accordées pour permettre la poursuite de la production de substances autorisées en vertu du protocole telles que les HFC.
Les hydrofluorocarbures (HFC) sont les cousins partiellement halogénés des CFC, qui ne contiennent surtout pas de chlore appauvrissant la couche d’ozone. Leurs propriétés par ailleurs similaires en ont fait des substituts idéaux après l’interdiction et les HFC-125 et 134a (CHF2CF3 et FC3CH2F, respectivement) est devenu le liquide de refroidissement de choix pour les unités de réfrigération et de climatisation. Cependant, sur les cinq CFC identifiés par l’équipe de Western, trois sont des matières premières, des intermédiaires ou des sous-produits rejetés lors de la préparation de ces alternatives. Des réactions d’échange d’halogène successives éliminent les atomes de chlore problématiques, mais jusqu’à 8 % du matériau peut se retrouver sous forme de CFC-113a (CF3CCl3), 114a (CF3CCl2F) et 115 (CF3CCIF2). Après avoir comparé les estimations de la production et des fuites de HFC avec les taux d’émissions mesurés, l’équipe a conclu qu’une proportion importante de ces augmentations découle probablement des processus autorisés en vertu du Protocole de Montréal.
Cependant, les deux autres CFC mesurés par l’équipe de Western, le CFC-13 (CClF3) et 112a (CClF2CCl3) n’ont actuellement aucune utilité pour expliquer ces augmentations. «Le CFC-13 peut être produit lors de la destruction par arc plasma du CFC-12 et des fonderies d’aluminium, mais il semble peu probable que cela soit à l’origine du changement», commente Western. « Le CFC-13 peut être un sous-produit de la production des CFC-11 et 12 et nous savons qu’il y a eu une production non déclarée de ces produits chimiques en Asie de l’Est. Mais cela semble s’être arrêté, alors que les émissions de CFC-13 ont continué d’augmenter.
À l’heure actuelle, ces émissions ont eu un impact relativement faible sur l’atmosphère et la couche d’ozone reste sur la bonne voie pour un rétablissement complet dans les 50 prochaines années. Cependant, les chercheurs de tous les domaines sont désireux de surveiller ces changements. « Si les sources ne sont pas entièrement identifiées et que les émissions continuent d’augmenter, l’impact sera plus important », déclare Keeble. « Les efforts internationaux pour déterminer si les émissions de CFC diminuent comme prévu sont essentiels pour assurer le succès continu du protocole de Montréal et la récupération de l’ozone. »