La méthode de chromo-cryptage encode les secrets avec la couleur


La cryptographie est un nouveau domaine pour Olivier Martin, qui étudie depuis de nombreuses années l’optique des nanostructures à la tête du Laboratoire de nanophotonique et métrologie de la Faculté des sciences de l’ingénieur de l’EPFL. Mais après avoir développé de nouvelles nanostructures d’argent en collaboration avec le Center of MicroNanoTechnology, Martin et le doctorant Hsiang-Chu Wang ont remarqué que ces nanostructures réagissaient à la lumière polarisée d’une manière inattendue, ce qui s’est avéré être parfait pour encoder des informations.

Ils ont découvert que lorsque la lumière polarisée traversait les nanostructures à partir de certaines directions, une gamme de couleurs vives et facilement identifiables était réfléchie. Ces différentes couleurs pourraient se voir attribuer des numéros, qui pourraient ensuite être utilisés pour représenter des lettres en utilisant le code standard de communication électronique ASCII (American Standard Code for Information Interchange). Pour coder un message secret, les chercheurs ont appliqué un code quaternaire utilisant les chiffres 0, 1, 2 et 3 (par opposition au code binaire plus couramment utilisé 0 et 1). Le résultat était une série de chaînes à quatre chiffres composées de différentes combinaisons de couleurs pouvant être utilisées pour épeler un message, et la méthode de chromo-cryptage était née.

Par exemple, en utilisant leur système, la séquence de couleurs orange, jaune, rouge, blanc représentait respectivement les chiffres 1, 0, 2, 0 ; une chaîne de chiffres qui, à leur tour, codés pour la lettre ‘H’ dans le message de test secret ‘Hello!’.

« Chaque code de couleur n’est pas unique, ce qui signifie que le même chiffre – 0, 1, 2 ou 3 – peut représenter une couleur différente. Cela signifie que le système de cryptage est encore plus sûr, car la chance de deviner la séquence de code correcte est plus petit », explique Martin. Les résultats du laboratoire ont récemment été publiés dans la revue Matériaux optiques avancés.

Une réponse surprenante à la lumière

Au cœur de la nouvelle méthode se trouve la réaction unique des nanostructures d’argent à la lumière polarisée. Les différentes teintes observées par les chercheurs ont d’abord été produites en faisant varier la longueur et la position des nanostructures. Ensuite, les chercheurs ont fait briller une lumière polarisée sur eux, ce qui signifie que les ondes lumineuses oscillaient dans des directions contrôlées (verticalement, horizontalement ou en diagonale). Selon la direction de polarisation, la lumière réfléchie par les nanostructures est passée de terne à vive, produisant des couleurs robustes qui ont ensuite été envoyées à travers un deuxième polariseur pour analyse.

Fondamentalement, dans la méthode de chromo-cryptage, seule la combinaison correcte des directions de polarisation révélerait le message secret ; la lumière polarisée dans n’importe quelle autre direction révélerait une série de couleurs correspondant à un message absurde.

Martin explique qu’à leur grande surprise, les nanostructures ont présenté ce que l’on appelle une réponse chirale, car elles réfléchissaient la lumière polarisée dans une direction différente de l’excitation elle-même. En physique et en chimie, la chiralité – ou les propriétés d’un matériau qui découlent de son asymétrie géométrique – est un aspect fonctionnel important et bien étudié des molécules comme les protéines. Mais on ne s’attendait pas à ce qu’il soit vu dans les nanostructures d’argent symétriques.

« La chiralité est un concept souvent mal utilisé et difficile à cerner. L’aspect fondamental de la chiralité dans des géométries simples comme celles présentées par nos nanostructures est une découverte clé de cette étude. »

Combiner la technologie avec l’œil humain

En plus d’encoder des messages, les chercheurs ont démontré qu’ils pouvaient utiliser leur méthode pour reproduire un tableau – en l’occurrence, le tableau de Picasso Paysage méditerranéen — à l’échelle du nanomètre. Pour y parvenir, ils ont remplacé les pixels d’une reproduction numérique du tableau par leurs nanostructures d’argent. Tout comme avec la méthode de chromo-cryptage, l’œuvre d’art n’a été révélée que lorsque la lumière polarisée dans la bonne direction a été projetée sur la « nano-peinture ».

Martin dit qu’il croit que la combinaison de la méthode de la nanotechnologie avec la perception visuelle humaine a beaucoup de potentiel à la fois pour les applications artistiques et les techniques de cryptage, telles que des billets de banque plus sûrs.

« Les nanomatériaux et la couleur sont au carrefour de la haute technologie et de l’art, et je trouve cela très attrayant. En utilisant des nanostructures, vous pouvez encoder une énorme quantité d’informations sur une zone extrêmement petite, il y a donc un potentiel de densité d’informations très élevée. Dans le même temps, une approche du cryptage qui peut être lue et interprétée à l’œil nu, par opposition à un ordinateur, pourrait être avantageuse. »

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