Sally Rooney refuse de vendre les droits de son dernier roman en Israël pour dénoncer un «apartheid»


Le phénomène littéraire irlandais ne publiera pas Beau monde, où es-tu «par solidarité avec un mouvement boycottant Israël».

La romancière à succès créée la polémique. Sally Rooney, originaire de Castlebar, dans le nord-ouest de l’Irlande, est considérée comme un jeune prodige dans le monde anglo-saxon. Ses intrigues abordent la notion de consentement, les différences sociales et les relations amoureuses. Ses deux précédents livres, Conversations avec des amis et Personnes normales – vendu à plus d’un million d’exemplaires et dont l’adaptation en série a été primée aux Golden Globes – ont été traduits en hébreu par Katyah Benovits, puis publiés en Israël par l’éditeur Modan.

Mais Sally Rooney a assuré qu’elle ne vendrait pas à la maison d’édition les droits de son troisième roman, Beau monde, où es-tu. «Par solidarité avec un mouvement boycottant Israël pour la façon dont le pays traite les Palestiniens», explique-t-elle dans un communiqué publié par son agent.

«Je comprends que tout le monde ne sera pas d’accord avec ma décision, mais je ne pense tout simplement pas qu’il serait juste pour moi dans les circonstances actuelles d’accepter un nouveau contrat avec une entreprise israélienne qui ne prend pas publiquement ses distances avec l’apartheid et ne soutient pas l’ONU», en précisant que «ce serait un honneur» de voir Beau monde, où es-tu traduit en hébreu. «Mais pour le moment, j’ai choisi de ne pas vendre ces droits de traduction à une maison d’édition basée en Israël», a-t-elle ajouté.

Cette décision a suscité de vives réactions, notamment dans la communauté juive. «Sally Rooney a choisi une voie aux antipodes de l’essence artistique de la littérature», a dénoncé Gitit Levy-Paz, membre de l’Institut politique du peuple juif. «L’essence même de la littérature, son pouvoir d’apporter un sentiment de cohérence et d’ordre au monde, est niée par le choix de Rooney d’exclure un groupe de lecteurs en raison de leur identité nationale», a-t-elle déploré au média En avant .

«Les romans de Sally Rooney sont disponibles en chinois et en russe. Ne se soucie-t-elle pas des Ouïghours ? Ou des journalistes qui défient Poutine ?», a raillé la critique américaine Ruth Franklin sur son compte Twitter. Elle ajoute que «juger Israël selon une norme différente de celle du reste du monde relève de l’antisémitisme».

En guise de riposte, Sally Rooney argumente : «Le système israélien de domination et de ségrégation raciale contre les Palestiniens répond à la définition de l’apartheid selon le droit international», tout en affirmant soutenir le mouvement de boycott visant les entreprises ou institutions «complices» de «graves violations des droits humains».

Cette prise de position dans le monde littéraire connaît des précédents. En 2012, l’écrivaine américaine Alice Walker refusait de laisser paraître une nouvelle édition en hébreu de La couleur pourpre, aussi prix Pulitzer de la fiction en 1983. Kamila Shamsie, romancière anglo-pakistanaise, fait de même en 2018. «Je serais très heureuse d’être publiée en hébreu, mais je ne connais pas d’hébreu qui ne soit pas israélien. Et je comprends qu’il n’y a pas d’éditeur israélien qui soit complètement détaché de l’État», avait-elle écrit dans une lettre adressée à son éditeur israélien.

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