Dusko Popov, l’agent double antinazi qui a inspiré James Bond


PORTRAIT – Pour créer son héros, Ian Fleming avait un modèle. Un vrai espion serbe du MI5. Alors que sort en France Mourir peut attendre, dernière apparition de Daniel Craig dans une Aston Martin, retour sur la vie d’un homme qui jugeait les aventures de 007 comme une «insulte à son intelligence».

En 1941, le jeune officier de marine Ian Fleming est chargé de surveiller un dénommé Popov, Dusko Popov. L’homme est un agent double qui a réussi à infiltrer l’Abwehr, les services de renseignement de l’armée allemande dirigé par l’amiral Canaris.

Au Casino d’Estoril, Popov le flambeur mise 38.000 dollars (environ 600.000 euros d’aujourd’hui) sur un coup de baccara pour déstabiliser un certain Bloch, un juif hollandais. Ce banco est colossal et bien sûr personne ne le suit. Le commander Fleming, devenu romancier une belle dizaine d’années plus tard, n’oubliera jamais cette scène et cet homme capable de toutes les audaces.

Dans son premier roman Casino Royale, l’espion polyglotte Popov deviendra James Bond et Bloch, le Chiffre. La légende serait donc née le 6 août 1941 dans ce Portugal, pays neutre dans un monde en guerre, alors le nid d’espions de l’Europe.

Dusko Popov, né en 1912 en Serbie n’a jamais exhibé le matricule 007. Mais il avait un surnom, «Tricycle», un pseudonyme aux relents érotiques que la bienséance nous empêche ici de décrire.

Ce séducteur aux yeux bleus transparent, fils de bonne famille qui fréquentait la cour du roi de Yougoslavie, apprend toutes les langues européennes, dont le français, dans les meilleures écoles du vieux continent dont il se fit tour à tour renvoyer. En 1940, au début de la Deuxième Guerre mondiale, il rencontre un certain Johnny Jebsen qui lui confie une mission hautement périlleuse : infiltrer l’Abwehr, le service d’espionnage de la Wehrmacht pour le compte du MI5, le service de la sûreté britannique au service de sa gracieuse Majesté.

Il reste d’ailleurs dans les archives de ce service une description plutôt élogieuse de cet intrépide agent prêt à déstabiliser les barbouzes nazis. «On ne peut pas dire que Popov un bourreau de travail, surtout pour les tâches de routine. Il dispose d’un indéniable pouvoir de concentration, mais uniquement quand il le décide. Il est courageux, discret, charmant. Accoutumé à un certain train de vie, il dépense sans compter. Il recherche tout particulièrement la compagnie de jeunes femmes, et conquiert facilement des maîtresses où qu’il se trouve sur le globe», est-il ainsi consigné.

Dusko Popov, l’espion qui s’aimait

Plus fort que James Bond, OSS 117 et autre Bob Sinclar réunis, Popov s’acquitte apparemment de sa tâche d’agent infiltré avec une habileté qui l’honore. Pendant la Guerre, Insaisissable, il est partout et nulle part à la fois : il prévoit l’attaque de Pearl Harbour, se rend en Espagne pour faire croire aux Allemands qu’un débarquement aura lieu dans les Balkans et en Sardaigne, participe à l’opération d’intoxication Fortitude qui poussera l’état-major allemand et Adolf Hitler à penser que le grand débarquement des forces alliées de 1944 se ferait dans le Pas-de-Calais…

À en croire Popov, qui racontera toutes ses missions ultra-secrètes dans ses mémoires intitulées, prétentieusement Tricycle, ses missions auront été plus dangereuses et surtout plus réelles que les aventures inventées par Ian Fleming et reprises au cinéma avec le succès que l’on sait depuis Docteur No en 1962.

En 1974, le beau Serbe balaya d’un revers de la main la fantasmagorie bondienne en volant au passage une formule mafieuse du Parrain par Francis Ford Coppola : « C’est une insulte à mon intelligence. James Bond, dans la vraie vie, n’aurait pas survécu quarante-huit heures. Ce personnage est fantaisiste, irréaliste.» Dusko, en somme, l’espion qui s’aimait…

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