Marine Le Pen promeut BAC Nord contre le «show médiatique de Macron» à Marseille


Dans un tweet posté le 1er septembre, la présidente du Rassemblement national encourage ses partisans d’aller voir le polar phocéen de Cédric Gimenez. Une tentative de récupération de cette fiction qui, selon elle, montre une «terrible réalité» à combattre.

À bas bruit, la polémique enflait. Jusqu’à ce que Fiachra Gibbons, journaliste irlandais à l’AFP, ne verbalise celle-ci lors de la présentation de BAC Nord à Cannes, en juillet. «Tout d’abord félicitations, c’est un super film, très, très, très fort», a-t-il commencé. Avant de déclencher les hostilités : «Mais il y a une chose qui m’a gêné: nous sommes dans une année d’élection. Moi, j’ai vu [ce film] avec un œil d’étranger et je me dis : « Oh, peut-être que je vais voter Le Pen après ça. »» Rires – jaunes – dans la salle de presse.

Gibbons a ensuite férocement attaqué la vision prétendument française de ces territoires décris, selon lui, comme des «zones hors civilisation», reprochant au réalisateur, Cédric Jimenez, de présenter les gens de cités comme «des bêtes». Malgré les justifications du cinéaste, rappelant notamment son passé dans ces quartiers, et rétorquant qu’il espérait que Marine Le Pen ne passerait pas grâce à lui, le sujet a continué de planer. Et la récupération politique n’a pas tardé.

«Le cinéma n’est pas le ministère public»

Le 1er septembre, fustigeant le président de la République et son «show médiatique à Marseille» – ville choisie par Emmanuel Macron pour sa rentrée politique -, la présidente du Rassemblement national et candidate d’ores et déjà déclarée la magistrature suprême a publié un message sur Twitter invitant à aller visionner le film. «Allez le voir !, a-t-elle lancé. Prenez conscience de cette terrible réalité et de l’urgence à reprendre la main.» De quoi conforter les détracteurs du long-métrage.

Car d’aucuns ont pointé l’affiche du film, où des «bacqueux» se tiennent au centre de l’image, vêtus de gilets pare-balles et encerclés par des jeunes de cité, torse nu et visages masqués. D’autres se sont insurgés contre le choix du réalisateur qui épouse, il est vrai, le point de vue de trois flics poussés à franchir les limites de la légalité par leur hiérarchie. Des pudeurs «hors sujet», juge Nicolas Mathieu, lauréat du prix Goncourt en 2018 pour son roman Leurs enfants après eux, dans une critique de l’œuvre publiée sur son compte Instagram.

«Parmi les reproches adressés à cet excellent polar, beaucoup sont disqualifiés d’entrée de jeu par le principe même du genre, rappelle-t-il. Bac Nord ne fait que rejouer à nouveaux frais et avec une assez remarquable efficacité le scénar archi classique du devenir voyou de ceux qui sont censés représenter la loi.» Il ajoute que «le film ne traite pas seulement de la police mais aussi de trois flics, de trois individus de désir et de chair, et qu’une fiction qui n’a pas d’empathie pour ses personnages n’a pas le moindre sens». Avant de conclure : «Qu’il y ait une morale des points de vue, c’est l’évidence. Mais le cinéma n’est pas le ministère public. Sa fonction ne peut pas être de représenter les intérêts de la société.»

Face à cette instrumentalisation de BAC Nord, Marine Le Pen contribue à affaiblir le message, sinon l’ambition de cette réalisation. «Autant te dire que si le film BAC Nord devient le totem de l’extrême droite, il n’y a aucune chance que j’aille le voir», assène notamment un internaute sur les réseaux sociaux.

Avec bientôt un million d’entrées, BAC Nord reste l’un des plus importants succès de l’été. Quant à Cédric Jimenez, qui ne s’attendait certainement pas à cette contre-publicité, le cinéaste travaille déjà sur un nouveau film, Novembre, avec à l’affiche Jean Dujardin. Un film consacré à l’intervention, le 13 novembre 2015, de la brigade de recherche et d’intervention (BRI) au Bataclan.

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