Mobilisation pour sauver le musée de la Résistance à Romans-sur-Isère


À la suite de la décision de la mairie en février de déplacer le musée dans les archives municipales, les associations d’anciens combattants s’organisent pour sauvegarder ce lieu de mémoire créé en 1972.

Ils font front contre la décision de la mairie de fermer le musée de la résistance et de la déportation. Le lieu de mémoire, situé dans une commune de 30.000 habitants, au cœur de la Drôme, a été inauguré en 1973 par un comité constitué de trois associations de résistants. Il contient des archives et objets de la seconde guerre mondiale et partage son espace avec le musée de la chaussure. D’un côté, plus de 4000m2 réservés aux souliers. De l’autre, quelque 250m2 d’espace contenant des archives et objets de la seconde guerre mondiale. Si le musée de la chaussure «a été rouvert en grande pompe», ce n’est pas le cas de la collection sur la résistance, qui n’a plus accueilli de public depuis le 19 mai, suscitant de vives réactions de la part de ses défenseurs.

Selon Chantal Magnat, responsable du musée de Romans-sur-Isère de 1989 à 2020, c’est une «décision brutale qui nous a beaucoup surpris et qui ne trouve pas à nos yeux d’explications légitimes. Chaque année, nous recevions entre 25.000 et 30.000 badauds. La majorité d’entre eux en profitaient pour faire un tour du côté de notre exposition sur la résistance. Les retours étaient très positifs.»

La proposition muséographique de Romans-sur-Isère est obsolète. Les professeurs de la cité scolaire, de Triboulet à Romans, préfèrent emmener leurs élèves à Vassieux.

Marie-Hélène Thoraval, la maire LR de Romans-sur-Isère

Marie-Hélène Thoraval, la maire LR de Romans-sur-Isère depuis 2014, justifie la fermeture du lieu du fait de la baisse de fréquentation de ces dernières années. «Nous comptons au maximum quelques centaines de visiteurs par an dans ce musée.» Elle évoque un manque de cohérence dans le parcours du visiteur: «La majorité des passants sont bien davantage surpris qu’enchantés de trouver sur leur chemin au musée de la chaussure cette parenthèse inattendue sur la résistance.» L’existence d’un autre musée de la résistance au cœur de la ville de Vassieux-en-Vercors, à seulement 30 minutes en voiture de Romans-sur-Isère, assure selon la maire le devoir de mémoire. Le musée du village martyr serait bien plus à même de proposer une expérience éducative aux élèves. «La proposition muséographique de Romans-sur-Isère est obsolète. Les professeurs de la cité scolaire, de Triboulet à Romans, préfèrent emmener leurs élèves à Vassieux.»

Il existe des conventions mises à disposition des élèves des établissements scolaires de la Drôme, à condition de remplir un dossier et d’être sélectionné. Ces actions éducatives permettent à des collégiens de Valence, de Montélimar ou encore de Romans-sur-Isère, de s’y présenter. «Ce qui ne joue pas véritablement sur la fréquentation de ce lieu,» estime une personne proche du musée de Vassieux qui ne souhaite pas être citée.

Atteinte à la mémoire des anciens combattants

Sa retraite étant prévue pour juillet 2020, Chantal Magnat avait pris le temps de former celle qui devait être sa successeur, avant d’apprendre que personne ne prendrait sa suite. «Je n’avais pas senti une quelconque volonté de fermer le musée. J’ai appris la nouvelle en même temps que les sympathisants.» La retraitée, qui habite toujours non loin de la ville, est attristée. «Cet endroit représente beaucoup d’années de travail de la part des anciens combattants.» Son départ à la retraite permet de réduire les dépenses de masse salariale pour la ville, qui saisit là une opportunité économique. Un projet plus en lien avec la chaussure devrait voir le jour prochainement. «Nous travaillons sur un projet de réaménagement du lieu, que nous voulons mettre à la disposition des professionnels de la chaussure, telle que la maison Clergerie notamment, qui pourront bénéficier d’un pôle de ressources sur place,» assure Madame le maire.

L’expérience de la visite d’un musée ne peut pas être la même virtuellement

Jacques Varin, secrétaire général du bureau parisien de l’ANACR

Une manifestation de soutien le 22 août

La documentation de la partie résistance sera transférée aux archives communales et la collection sera digitalisée et consultable sur internet. Un comité de défense du musée, présidé par Jean Sauvageon, s’est constitué en 2021. Jacques Varin, secrétaire général du bureau parisien de l’ANACR depuis une quinzaine d’années, milite pour le maintien de ce musée. «L’expérience de la visite d’un musée ne peut pas être la même virtuellement. Comme le disait Jean Sauvageon, dans ce cas-là, le Louvre peut fermer et nous regarderons la Joconde depuis nos ordinateurs.»

Les méthodes de résistance sont pacifiques. Le groupe a lancé en mai une pétition en ligne, déjà signée par 20840 personnes. «Il y a une manifestation de soutien au musée prévue pour le 22 août,» explique le retraité. Elle aura lieu en amont de la cérémonie officielle à Romans-sur-Isère, devant le monument aux morts, à 11 heures. Le comité de défense invite petits et grands à les rejoindre pour déposer une gerbe à 10h30.

L’histoire de la création du musée en 1972

En 1972, 22 anciens résistants et déportés décident de créer un musée de la résistance. Parmi eux, certains ont participé au mythique maquis du Vercors. Ils appartiennent à 3 associations : l’association nationale des anciens combattants de la résistance (ANACR), à la fédération nationale des déportés internés résistants et patriotes (FNDIRP) et à l’association des pionniers et combattants du Vercors. Le musée s’articule autour d’un mot d’ordre : le devoir de mémoire. En 1974, le musée voit le jour.

Jean Sauvageon, secrétaire général du bureau de l’ANACR à Romans-sur-Isère, raconte le musée, tel qu’il le connaît. «Le visiteur peut trouver dans cette partie du musée divers objets et vêtements qui datent de l’époque,» avant d’évoquer la nature émotionnelle du lieu. «On peut aussi voir, dans une des pièces, un ouvrage de La Mare au diable de George Sand, sur lequel un jeune homme d’une vingtaine d’années, enfermé dans la bibliothèque exiguë d’un établissement scolaire avant d’être mené au peloton d’exécution, avait écrit à ses parents. Sur le chemin de la cour, escorté par les Allemands, il avait crié au proviseur du lycée : surtout n’oubliez pas La Mare au diable !» Un élément clé de la collection, qui sera à présent disponible sur Internet et aux archives de la ville. Les chercheurs pourront encore consulter ces archives, mais plus les élèves en sortie scolaire, si le musée met définitivement la clé sous la porte.

.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*