Un ami de Francis Bacon menace de reprendre 1200 œuvres données à la Tate pour les envoyer en France


Barry Joule estime que sa donation serait plus valorisée dans un musée français que dans la galerie londonienne, qui conserve les pièces dans les réserves.

Un ami de Francis Bacon ayant donné à la Tate Gallery des œuvres issues du studio de l’artiste a menacé de les récupérer car, selon lui, le musée ne les valorise pas suffisamment. En 2004, Barry Joule, homme à tout faire de Francis Bacon à la fin des années 1970, a donné plus de 1200 dessins, photographies et documents issus du studio londonien du peintre, comme le rappelle Le gardien . L’ensemble avait été estimé à 20 millions de livres (23,6 millions d’euros). Mécontent de voir, ce don conservé dans les réserves de la galerie londonienne, Barry Joule estime que sa générosité serait mieux appréciée dans un musée français.

Dans un e-mail adressé le 3 août à Maria Balshaw, la directrice de la Tate, Barry Joule menace de poursuivre l’institution afin qu’elle restitue les œuvres. Ces menaces interviennent après des années d’échanges houleux entre Barry Joule et le musée, lors desquels le donateur déplore que les œuvres n’aient pas fait l’objet d’une exposition majeure. La Tate, de son côté, affirme avoir obéi aux termes du contrat de donation, qui exigeait qu’elle répertorie et présente les œuvres. Depuis 2004, les œuvres archivées sont accessibles au public et certaines ont été exposées à Tate Britain en 2019. L’ensemble a toutefois été étrangement oublié lors de la grande exposition dédiée au peintre en 2008.

Un ultimatum en octobre

Barry Joule juge inacceptable ce manque de considération pour sa donation et l’œuvre de Francis Bacon. Il déplore que les conservateurs de la Tate lui aient d’abord laissé penser que les œuvres, dont une peinture à l’huile, Étude pour la tête de William Blake, se prêterait une exposition de plus grande ampleur. Mais à mesure que le temps a passé, «je me suis continuellement heurté au silence de la Tate, ou alors je n’ai pas eu de réponse ou j’ai été rembarré», déplore-t-il. Désormais, le collectionneur s’apprête à intenter une action judiciaire afin que le don lui soit restitué «si une solution satisfaisante n’est pas trouvée d’ici à octobre 2021».

Barry Joule explique également au Gardien qu’il renonce à un autre legs, un autoportrait de 1936 et neuf autres peintures de la même période, ainsi que d’autres œuvres, lettres, livres et enregistrements audio. Voilà peut-être le pire cauchemar pour les musées, les donateurs retirant leurs legs. Les collectionneurs qui profitent de l’explosion de la valeur de certaines pièces d’art contemporain sont de plus en plus nombreux. Pour éviter une telle issue, la Tate dit avoir proposé une entrevue à Barry Joule en septembre.

D’autres facteurs peuvent expliquer les réticences de la Tate à valoriser ce don. Les ayants droit ont fait part de leurs doutes sur l’authenticité des archives et aucune de ces pièces n’a figuré dans le catalogue répertoriant l’œuvre de Francis Bacon, paru en 2016. Contacté par Actualités Artnet, un porte-parole de l’œuvre cite une publication récente incluant une publication de la chercheuse Sophie Pretorius, qui a conclu que les objets donnés par Barry Joule n’étaient pas cohérents avec le reste de l’œuvre de Bacon. Selon elle, la donation de Barry Joule est «criblée d’exagérations et de contradictions».

«Probablement» l’oeuvre de Bacon

En 2002, le directeur d’alors de la Tate, Nicolas Serota, avait écrit dans une lettre acceptant la donation que la majorité des œuvres provenait «probablement» de l’atelier de Francis Bacon, «la majorité provient d’autres mains». Plus récemment, selon Sophie Pretorius, un conservateur de la Tate a affirmé que l’institution se prononcerait «de façon plus tranchée» sur le rôle joué par Bacon dans l’élaboration de l’ensemble de cette donation, à l’aune de son travail de recherche.

Barry Joule et Francis Bacon se sont rencontrés en 1978 et sont restés amis jusqu’à la mort du peintre en 2004. Barry Joule explique que Francis Bacon lui a donné l’archive peu avant le départ de l’artiste pour l’Espagne en 1992, où il mourra d’une crise cardiaque. L’ami de l’artiste explique avoir choisi la Tate car il s’agissait de la galerie préférée de Francis Bacon. Sa donation de 80 dessins de l’artiste au Musée Picasso avait donné lieu à une exposition événement en 2005. Parmi les potentielles destinations du don s’il venait bel et bien à le retirer de la Tate, la France, donc, où il réside désormais.

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