Un alignement de treize menhirs, érigés il y a au moins 3000 ans, découvert dans le Valais


ARCHÉOLOGIE – Ces pierres dressées apportent un nouveau témoignage de l’effervescence du Néolithique de la plaine du Rhône.

Si le Valais n’était pas éloigné de quelque 700 kilomètres de l’Armorique, on s’imaginerait presque retrouver une trace d’Obélix aux côtés de l’impressionnant alignement de menhirs découvert en juin dans la plaine du Rhône. Du sculpteur gaulois, aucune trace n’a toutefois été mise au jour par les chercheurs suisses de l’Office cantonal d’archéologie. En plus de la distance, la chronologie ne se prêtait guère à un tel rapprochement : bien plus anciens que nos irréductibles résistants du milieu du Iest siècle av. J.-C., les pierres dressées récemment mises au jour dans la commune valaisanne de Saint-Léonard remonteraient au plein cœur du Néolithique. Soit au moins deux millénaires plus tôt.

Au centre du plus grand canton francophone de Suisse, une opération d’archéologie préventive a mené, au début de l’été, à la découverte de 13 menhirs, alignés en rang serré. Cachés de la surface du monde sous plus de deux mètres de terre, ils ont refait surface à l’occasion d’un chantier de construction d’un futur quartier de villas à Saint-Léonard, dans le sud du pays. Une découverte «exceptionnelle», selon la commune : déjà connue en Suisse pour son formidable lac souterrain – formé par l’érosion d’une cavité de gypse, il y a plusieurs dizaines de milliers d’années -, Saint-Léonard peut désormais s’enorgueillir d’avoir abrité une remarquable ligne de médiolithes. Moins imposantes que les vedettes mégalithiques de Stonehenge ou que les fiers alignements de Carnac, les pierres dressées découvertes dans le Valais au début de l’été n’arrivent, certes, qu’à mi-hauteur d’un homme adulte. Mais il n’en fallait pas davantage pour ravir les archéologues régionaux, pour qui l’importance de chaque vestige se jauge à sa valeur historique plutôt qu’aux centimètres accumulés.

Les treize menhirs de Saint-Léonard, dans le Valais (Suisse)

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«Nous avons beaucoup de vestiges néolithiques dans la région, se souvient avec enthousiasme François Mariéthoz, archéologue cantonal adjoint à l’Office valaisan d’archéologie. Des sites d’habitats, des tombes, du mobilier céramique… Du Néolithique moyen jusqu’au Néolithique récent, il y avait une réelle activité dans cette partie de la Suisse», énumère-t-il. Mieux encore, les 13 menhirs de Saint-Léonard s’inscrivent dans un contexte local déjà connu pour son patrimoine préhistorique et ses pierres dressées. L’aire géographique correspond en effet au domaine identifié par les archéologues comme la culture néolithique de Cortaillod, présente en Suisse centrale, occidentale et jusqu’en Haute-Savoie entre le Ve et le IVe millénaire avant notre ère. Des roches gravées avaient en particulier été découvertes sur le terrain de la commune en 1974, pendant qu’à Sion, trois kilomètres plus en aval, les dolmens d’une nécropole néolithique avaient été identifiés dès 1964, au lieu-dit du Petit-Chasseur. La trouvaille des 13 menhirs de Saint-Léonard ne constitue, donc, «pas une réelle surprise» pour François Mariéthoz, compte tenu du riche patrimoine néolithique de la région, même s’il est encore «extraordinaire et très rare». Leur signification, en revanche, est moins évidente.

Une fonction encore indéterminée

Cet ensemble lithique est, pour l’heure, daté du milieu du Ve au IIIe millénaire avant notre ère, même si «rien ne permet non plus d’écarter une éventuelle datation récente au tout début de l’âge du bronze, vers 1000 avant J.-C.», dit François Mariéthoz. Si la chronologie du site s’annonce ainsi affinée, la question de sa fonction reste sans réponse. Devons-nous faire face à une tournée de pierres astronomiques à Stonehenge ? «Ce n’est pas un cercle, mais une ligne droite, explique l’archéologue François Mariéthoz. Cet alignement pourrait avoir un lien avec les sépultures découvertes dans le voisinage. Il pouvait avoir eu un rôle social ou religieux, et servir de marqueur entre des territoires projetés ou réels. Il pouvait par exemple représenter la frontière entre les morts et les vivants, ou entre la terre et l’eau.» Autant de possibles rapports à l’espace qui émergent au cours du Néolithique, à l’époque où les communautés se sédentarisent autour des premiers villages.

Les archéologues ne vont donc pas à sortir de leur chapeau une fonction mystérieuse à un agencement opaque de pierres en érection, mais chercher à comprendre la nature du site. Cette réflexion pourrait osciller dans un sens ou dans l’autre selon les précisions qu’apportera la datation au radiocarbone de charbons de bois extraits de la fouille ; elle est attendue d’ici quelques mois. Déplacés du site de fouille, les menhirs se trouvent, quant à eux, en cours de restauration auprès des services spécialisés du canton du Valais. Documentées avant leur démontage, les pierres se dresseront à nouveau, dès que possible, sur un nouvel emplacement. Après des millénaires d’oubli, il sera alors temps pour le grand public de «découvrir» ces très anciens gardiens du Valais.

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