le retour de Catherine Deneuve, le rageux JoeyStarr et le cinéma vert


Dimanche 11 juillet – Deux ans après son AVC, l’actrice, à l’affiche de De son vivant, a reçu un accueil triomphal sur la Croisette. Dans un autre genre, le biopic du groupe NTM a mis le feu au Grand Théâtre Lumière.

Entourée d’une garde affectueuse et rapprochée, l’actrice avance lentement, glisse un mot à l’oreille de Benoît Magimel, tient la main de la réalisatrice Emmanuelle Bercot. Elle grimpe les marches du Palais des festivals. Une lourde chaîne en or détonne sur sa robe de velours noir. Avec Cécile de France, Magimel et le docteur Gabriel Sara, Catherine Deneuve est venue présenter De son vivant, dont le tournage avait été perturbé en 2019 par son accident cardiovasculaire.

Silence, excitation, tonnerre d’applaudissements. Mademoiselle Deneuve est reçue au Grand Théâtre de Lumière comme une reine. Le dernier passage à Cannes de l’actrice remonte à 2016, pour un baiser public accordé au maître de cérémonie Laurent Lafitte. Soulagement, dans les rangs, de voir que la comédienne se porte bien. L’une des bagues de Deneuve roule au pied des fauteuils. Thierry Frémeaux, blagueur, la ramasse et fait mine de ne pas la rendre à son élégante propriétaire. Le triomphe n’en finit pas. «Allez, on va peut-être s’asseoir», tranche-t-elle.

Tout un foin palliatif

Deneuve confiera en conférence de presse : «Je pense que je n’ai jamais été émue comme ça à Cannes.» «Je ne suis pas naïve, je savais que la soirée serait avant tout celle de Catherine, que les gens l’attendaient davantage que le film», détaille Emmanuelle Bercot à France Info. Benoît Magimel, regard perçant et front pensif, incarne dans De son vivant un professeur de théâtre cancéreux. Sa mère, incarnée par Deneuve, ne l’aide en rien. La maladie le terrasse. On se prend à essuyer quelques larmes. Et à étouffer quelques rires devant les dialogues pas toujours brillants. Le personnage n’en finit pas de mourir. Surdose de pathos.

Catherine Deneuve a vécu le tournage de façon très personnelle. John MACDOUGALL / AFP

Face à la presse, Benoît Magimel affirme que son regard sur la mort a changé après ce film : «À l’âge que j’ai (47 ans, NDLR), quelque chose commence à germer en moi à ce sujet». Cécile de France dit avoir, elle aussi, gagné «humainement». Catherine Deneuve a vécu ce tournage de façon très personnelle. «Cette chose terrible est arrivée… Le film a pris une dimension et une force différente», explique-t-elle, enlevant avec élégance son masque rose fuchsia et se gardant bien d’évoquer plus précisément son accident. Puis, agacée, la comédienne tance (un peu injustement) Guillemette Odicino, notre consœur de Télérama, qui animait la conférence, lui reprochant de ne pas laisser la parole aux journalistes dans la salle.

Short de cycliste

Même sans les soirées limitées par le virus, les nuits cannoises sont plus amusantes que les jours. Le très attendu Suprême d’Audrey Estrougo a été diffusé en séance de minuit, samedi. Sur le tapis rouge, la «crew» menée par Théo Christine, dans la peau du Jaguar, et Sandor Funtek dans celle de Kool Shen, brûlait d’excitation. On aurait dit qu’ils avaient gagné l’Euro. JoeyStarr, dans le rôle du sélectionneur, se pavanait à leurs côtés. Selon Nice-Matin, l’ex-chanteur, également à l’affiche du film cannois Cette musique ne joue pour personne, aurait insulté les photographes. Dans la salle, un preux admirateur a lancé le crie de ralliement du cri de hip-hop : «Nique ta mère !»

Le Festival vire au vert avec la nouvelle sélection «Le Cinéma pour le climat», dont une conférence de presse s’est tenue ce dimanche. Louis Garrel présente La Croisade, une fable où les enfants «prennent le pouvoir pour protéger la planète» – scénario coécrit par Jean-Claude Carrière. Les autres films sélectionnés sont des documentaires, parmi lesquels Animal de Cyril Dion, réalisateur de Demain en 2015. «Quelques films ne suffiront pas à changer la donne, nous avons besoin que des centaines d’autres abordent ces problématiques chaque année et proposent d’autres représentations de l’avenir», peut-on lire dans une tribune publiée à l’occasion par ce même Cyril Dion et signée par Aïssa Maïga, Louis Garrel ou encore Marion Cotillard. L’actrice d’Annette avait d’ailleurs créé l’étonnement au début du festival en revêtant sur le tapis rouge un short de cycliste. Peut-être était-ce en réalité par engagement pour les mobilités douces ?


Cancans cannois

Sean Penn en conférence de presse. John MACDOUGALL / AFP

Penn contre Trump

Sean Penn, qui présente à Cannes son film Flag Day, a lourdement critiqué en conférence de presse Donald Trump pour sa gestion du Covid-19. «On avait l’impression que quelqu’un, avec sa mitraillette, tirait sur les communautés les plus vulnérables depuis une tourelle installée à la Maison blanche», a déclaré l’acteur.

Deux étoiles sur le maillot ?

Le réalisateur italien Nani Moretti présente Tre Piani, son quinzième long-métrage en sélection officielle. Il brigue une seconde Palme d’or, après celle reçue en 2001 Pour La Chambre du fils. La projection de gala aura lieu en même temps que la finale de l’Euro, qui oppose son pays à l’Angleterre.

Vitesse de Croisette

David contre Goliath

Il signe avec Christophe Tardieu l’essai* qu’ils ont coécrit dans la seule librairie de la ville restée ouverte lors du premier confinement, Autour du livre. Pour David Lisnard, « la culture nous sauvera ». Le maire de Cannes ferraille pour la défendre contre l’oubli, l’effacement, le règne du n’importe quoi. Il le fait sans prétention, sans phrases creuses ; c’est à cela qu’on voit qu’il n’est pas de gauche. Discret, il n’accapare pas le tapis rouge et ne craint pas d’ironiser sur « ceux qui se croient transgressifs quand ils ne sont que conformistes » ; on ne citera pas de noms. Conscient de la nécessité pour le festival de concilier les paradoxes, il pourfend l’indigénisme, le « wokisme », le « racialisme » ; tous ces carcans dont il est l’un des rares à souligner la menace qu’ils font peser sur notre civilisation. Il se souvient de ses frasques lorsqu’il s’infiltrait, gamin, dans les allées du festival. Il raconte comme il s’est faufilé entre Roger Moore, Jean-Claude Brialy et Jacqueline Bisset ; ça donne envie d’aller au cinéma. Il a grandi avec Stanley Kubrick, les épisodes du Parrain, les westerns spaghettis.
Parmi les œuvres récentes, il tient Tree of Life, de Terence Malik, ou Leto, de Kirill Serebrennikov, pour des chefs-d’œuvre. On pourrait lui décerner la palme du bon goût. S’il avait été président du jury à l’époque, il aurait défendu Les Tontons flingueurs ou Un singe en hiver. Il y a en lui une énergie joyeuse qui ne relève pas de la fiction.

*La culture nous sauvera , par David Lisnard et Christophe Tardieu, Éditions de l’Observatoire.

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