Dérobés par les nazis, un tableau de Pechstein et un sac de prières restitués à deux familles juives


Les deux objets ont été remis lors d’une cérémonie au ministère de la Culture. La toile était réapparue au Palais de Tokyo en 1966 et le sac retrouvé au Musée d’art et d’histoire du judaïsme en 2013.

Près de 90 ans après leur spoliation, les objets sont enfin revenus à leurs propriétaires légitimes. Jeudi, lors d’une cérémonie au ministère de la Culture, un tableau de l’expressionniste allemand Max Pechstein et un modeste sac à phylactères (sac de prières) ont été restitués aux ayants droit de deux familles juives. Deux objets très différents de par leur valeur matérielle, illustrant la diversité des spoliations effectuées par les nazis sous l’Occupation.

Le tableau est l’œuvre Max Pechstein, un peintre et graphiste originaire de Zwickau en Allemagne, reconnu pour sa maîtrise de l’expressionnisme allemand. Intitulée Nus dans un paysage, cette toile peinte en 1912 avait été volée pendant la guerre dans l’appartement parisien du banquier et collectionneur juif allemand Hugo Simon. Ce dernier s’était installé en France dès l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933. Opposé au nazisme dès la première heure, il aidait les réfugiés juifs en France et était décrit par les nazis comme «juif et capitaliste marxiste typique». Il finit par se réfugier avec sa famille au Brésil en 1941 sous une identité d’emprunt.

C’est son arrière-petit-fils, Rafael Cardoso Denis, qui apprit à l’âge adulte que ses ancêtres avaient été spoliés et qui a lutté pour la restitution du tableau. En 1966, le tableau était réapparu au Palais de Tokyo, avant d’être confié au Musée national d’art moderne Georges Pompidou (MNAM). Après sa restitution, les ayants droit vont le prêter provisoirement à ce musée, qui réservera une salle spéciale à l’amateur d’art réputé qu’était en Allemagne Hugo Simon avant 1933.

Quant au sac à phylactères, il avait été offert à Alger en 1888 pour sa bar-mitsvah au jeune Elie Léon Lévi-Valensin, qui devait devenir un artiste lyrique connu. Il fut volé avec d’autres objets lors du pillage en 1942 de l’appartement à Paris de son fils Marcel Georges, médecin réputé. L’arrière-petite-fille d’Elie Léon, Miléna Kartowski-Aïach, a raconté comment le hasard lui avait fait retrouver cet objet sans autre valeur que religieuse lors de l’exposition Juifs d’Algérie au Musée d’art et d’histoire du judaïsme en 2013. À la fin de son intervention, la jeune femme a chanté avec gravité une longue prière juive, le Kedoushat Keter, devant une audience recueillie.

«Ce petit sac porte une grande mémoire. Les objets quotidiens étaient la cible des éradicateurs. Les voler, les détruire, c’était s’attaquer à ce qui faisait l’intimité» des familles, a souligné la ministre de la Culture Roselyne Bachelot. Il s’agit de deux restitutions «dans des familles qui n’étaient pas du même milieu social», a-t-elle souligné, indiquant la ferme volonté du gouvernement d’accélérer les restitutions. Ainsi 24 œuvres et objets ont-ils pu être restitués l’an dernier, a-t-elle indiqué. Sur Twitter, Haïm Korsia, Grand Rabbin de France, a tenu à remercier la ministre « de si bien œuvrer à la réparation de ces terribles spoliations». «Même longtemps après, ces moments historiques sont source d’apaisement pour les familles si durement éprouvées», dit-il. On estime à quelque 100.000 les objets d’art et œuvres saisis en France par les nazis durant l’Occupation.

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