Bordeaux porte un toast à Dionysos


La Cité du vin remonte aux origines des libations avec une exposition consacrée au célèbre dieu.

À Bordeaux, la Cité du vin était au régime sec. Mais, les masques tombés, finie l’abstinence! L’endroit qui était avant la pandémie le quatrième musée le plus visité hors Île-de-France refait sauter les bouchons. Cela en dépit de l’absence de touristes étrangers (46 % de la fréquentation de 2019).

Tandis que son parcours permanent remet à l’honneur les vignobles du monde entier comme par le passé, qu’au belvédère, huitième étage avec vue panoramique sur la ville et la Gironde, les dégustations reprennent, une exposition temporaire, à consommer, elle, sans modération, invite à célébrer comme il se doit cette fin d’étrange et trop long carême. C’est-à-dire savamment. Y sont décrits par une cinquantaine de sculptures, vases peints et autres objets rituels ou vestiges les rapports entre le vin, les dieux et les hommes dans la civilisation gréco-romaine. Cela grâce à des prêts importants accordés par la Fondation Gandur pour l’art à Genève, le Louvre et le Musée national archéologique d’Athènes.

Maître de cérémonie

Le vin accélérateur et intensificateur de mythes? Certainement. Ici, même les plus terrestres des banquets évoqués sont sacrés: à travers eux les convives communiquaient avec l’Olympe et l’outre-monde. Tantôt jeune, tantôt vieux, nu ou bien costumé comme un roi oriental, parfois homme, parfois animal, Dionysos est le principal maître de cérémonie. C’est un médiateur fantasque. Un voyageur qui répand la culture de la vigne, gage de civilisation, là où rois ou empereurs passent.

Il lui suffit de nous toucher avec son thyrse, ce roseau coiffé d’une pomme de pin, caricature de sceptre ou d’arme, et nous voilà ivres, à la fois ailleurs et clairvoyants. En tout cas inclus dans le vaste symposium méditerranéen. Comment dit-on «in vino veritas» en grec?

Au cours de cette expérience, jadis perçue comme salutaire, on croisait Silène le vieux sage qui assume ses débordements et le fort Héraclès en premiers compagnon de beuverie. Les extrémités animales, jouant de leur flûte ensorcelante, aussi bruyants et excités que les folles bacchantes ou ménades à tambourins, les satyres apportaient leur touche de lubricité à la liesse. Dans les scènes peintes, sculptées ou gravées, Éros le dieu de l’amour apparaît aussi de temps à autre. Et, plus souvent, Pan le rustique protecteur des bergers et des troupeaux du Péloponnèse, connu pour ses pouvoirs sexuels gages d’abondance. Danse encore, parmi ce monde en transe, Ariane la belle mortelle devenue immortelle en buvant dans un cratère blanc lors de son mariage avec Dionysos.

De ce dernier (Bacchus chez les Romains) Euripide a dit toutefois qu’il était aussi enchanteur que charlatan. Pour ses caprices il pouvait devenir fourbe. Ce caractère, en somme, était imprévisible. Tout ce que l’on pouvait faire pour espérer se le gagner était de dresser de «gais banquets tout fleuris de couronnes» (Euripide). Et malheur à qui n’entrait pas dans la sarabande. On en sait qui se sont vu dépecés à mains nues par quelque suivante.

Alors, vraiment, pourquoi ne pas communier? À Athènes, la fête des fleurs, celle du vin nouveau, durait trois jours. Même les esclaves pouvaient boire. Les morts également étaient associés. Par comparaison notre journée nationale du beaujolais ou nos très touristiques ferias estivales, qu’elles qu’avinées qu’elles soient, semblent de bien pâles dérivés. Ajoutez-leur ce fond sacré qui leur manque et les dieux reviendront.

« Boire avec les dieux», jusqu’au 29 août à la Cité du vin, Bordeaux (33). Rés.: 05 56 16 20 20.

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