Une section de la première ligne de train japonaise inaugurée en 1872 découverte à Tokyo


ARCHÉOLOGIE – Témoin de la modernisation à toute vitesse du Japon au début de l’ère Meiji, une portion de l’ancienne ligne pourrait être bientôt classée comme site historique.

Si le système ferroviaire japonais fait souvent l’objet de tous les éloges, il en va moins de même de ses archéologues pourtant réputés. L’un et l’autre ont eu récemment l’occasion de partager l’actualité au Japon, à l’occasion de la mise au jour, au printemps, d’une portion de l’ancienne voie ferrée qui longeait, autrefois, le bord de la baie de Tokyo. Découverts à partir de 2019 lors d’un chantier d’archéologie préventive dans le secteur de la station de Takanawa, dans le quartier tokyoïte de Minato, quelque 800 mètres de la première ligne de train japonaise ont refait surface sous les fenêtres des bâtiments voisins. Inaugurée en 1872, au début de l’ère Meiji (1868-1912), cette ligne, qui courait jadis sur un remblai maçonné, pourrait être classée comme site historique dans les prochains mois, selon le souhait exprimé par le Premier ministre japonais Yoshihide Suga, qui a visité le chantier en mai.

L’éventuel classement de cette portion historique, proposée en mars par l’association japonaise d’archéologie, pourrait concerner une section d’environ 80 mètres du remblai, dont sa partie la plus exceptionnelle : le vestige de l’un des huit ponts qui avaient été aménagés le long de ce tronçon pour laisser passer de petites embarcations. Car s’il longeait bel et bien la baie, ce remblai avait été autrefois construit le long de la côte, au milieu des flots. Un contexte qui a bien changé, 150 ans plus tard, avec un front marin désormais situé près de 300 mètres plus loin, grâce aux travaux successifs de remblaiement qui, à Tokyo comme ailleurs au Japon, mangent peu à peu l’océan.

« , »« , »« ]’ tabindex= »0″>

Long de 2,7 kilomètres – soit près de 10% des 29 kilomètres que faisait alors cette première ligne ferroviaire -, ce remblai avait été construit par des équipes japonaises sur des modèles européens, avec une technique de construction mixte. L’ingénieur britannique Edmund Morel (1841-1871), mort de tuberculose à la fin des travaux, a supervisé le chantier et influencé le choix d’un écartement des rails de 1067 mm, le standard de l’Empire britannique. Le travail de maçonnerie, lui, invoquait des méthodes plus locales. «Je crois qu’il a été construit dans un style occidental par des artisans qui avaient appris les méthodes traditionnelles utilisées pour les châteaux de l’ère Edo», a commenté pour NHK le professeur Akio Tanigawa, de l’université de Waseda, qui étudie cet ensemble ferroviaire.

Un vestige de la modernisation Meiji

Illustrée par plusieurs gravures contemporaines de sa construction, la première ligne ferroviaire japonaise avait été planifiée en 1869, à l’époque de l’établissement de la capitale japonaise à Tokyo. Achevée en septembre 1872, elle reliait la ville à Yokohama, l’un des plus grands ports de l’archipel nippon. Le remblai avait quant à lui été construit afin d’éviter qu’il ne traverse les terres directement au sud de la capitale et qui relevaient alors du ministère japonais de la Guerre. Encore en activité au début du XXe siècle, la ligne a finalement été abandonnée après le développement d’un réseau ferroviaire plus complet.

«En tant que premier chemin de fer d’Asie de l’Est, la ligne revêt une importance considérable d’un point de vue historique mondial et pour la compréhension de la modernisation d’une nation», a déclaré en mars Tsuji Hideto, le président de l’Association japonaise d’archéologie. Entre Orient et Occident, «les vestiges montrent clairement à quoi ressemblait la modernisation du Japon», a également renchéri Akio Tanigawa. C’est donc à ce titre qu’elle se doit d’être en partie préservée, estiment les défenseurs du projet de mise en valeur du site. Après des siècles d’isolement, la diplomatie américaine de la canonnière puis le renversement du dernier shogun ont ouvert la voie à la modernisation et à l’occidentalisation du pays à la vitesse grand V. Surnommé le Bunmei-kaika («ouverture à la civilisation»), cette période est marquée par le développement d’infrastructures, d’usine, de lignes de télégraphes et, donc, de lignes ferroviaires. La patrimonialisation de la section exhumée près de Takanawa devrait, sauf déviation majeure, aller bon train.

.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*