Tétraplégique, Pone sort un album composé avec ses yeux pour seul instrument


Ancien membre du groupe de hip-hop Fonky Family, l’artiste est atteint de la maladie de Charcot depuis 2015. Paralysé et incapable de parler, il peut créer de la musique grâce à un logiciel de poursuite oculaire.

La vie n’a pas été tendre avec Pone, mais le producteur de musique de 48 ans a décidé de ne pas abandonner. Tétraplégique et dans l’incapacité de parler depuis quelques années, Guilhem Gallart alias Pone continue de faire ce qu’il aime: composer de la musique. Vendredi, il a sorti un troisième album composé grâce au mouvement de ses yeux, intitulé Listen and Donate. Les fonds récoltés seront reversés à l’association Trakadom, qui œuvre à faciliter le maintien à domicile des patients chroniques lourds.

Attiré par la musique depuis le plus jeune âge, Guilhem Gallart est originaire de Toulouse. Au lycée, il fait la rencontre de François Dilhan alias Don Choa. Ensemble, ils rejoignent Marseille et font la connaissance d’autres jeunes musiciens. Ils créent alors le groupe de rap et hip-hop, Fonky Family. En 1998, ils sortent leur premier album, Si Dieu veut…, pour lequel Pone se charge de la production. L’album est certifié disque d’or au printemps 2000. En 2001, leur deuxième album, Art de rue, est lui aussi disque d’or en seulement huit jours, et s’écoule à 450.000 exemplaires. Puis, après Marginale Musique en 2006, le groupe annonce sa séparation. Mais en 2015, tout bascule pour le producteur : il est diagnostiqué de la maladie de Charcot, également connue sous le nom de sclérose latérale amyotrophique. Il s’agit d’une maladie neurodégénérative grave qui se traduit par une paralysie progressive. Elle affecte également la production de sons, la respiration ainsi que la déglutition. La même année, le groupe se reforme le temps d’un concert à Marseille, en soutien à Pone.

«J’ai retrouvé le Pone que je connaissais avant»

Commence alors une douloureuse période pour Pone, qui n’a «pas fait de musique jusqu’en janvier 2019. C’est pas que j’avais pas envie, c’est que j’étais occupé à autre chose, survivre», a-t-il expliqué à l’AFP. «Quand le spectre de la mort à disparu, en grande partie grâce à la trachéotomie, j’ai retrouvé l’envie de composer, mais je pensais que c’était pas possible avec les yeux», a-t-il confié. Et pourtant, grâce à un système de poursuite oculaire qui guide la souris, Guilhem Gallart peut à nouveau écrire, parler via une voix générée par son ordinateur, surfer sur le Net et donc, composer de la musique. «Comme toutes les créations je pense, il y a d’abord ce sentiment d’être ailleurs, de ne pas voir le temps filer. Puis le bien-être procuré par la satisfaction du travail accompli, quand on arrive là où on voulait aller, a quelque chose de grisant et apaisant à la fois», confie l’artiste.

Une vraie renaissance pour celui qui avait perdu goût à la vie, précisait sa femme en 2019, à l’occasion de la sortie de son premier album composé grâce à ses yeux, Kate & Me: «il a accepté sa vie, différente aujourd’hui. Malgré sa maladie et le degré de son handicap, si on veut faire quelque chose, on peut. Il y a toujours la vie, même s’il n’a plus la possibilité de bouger», détaillait son épouse dans les colonnes du Parisien. Trois ans après, cette dernière est toujours ravie de voir que son mari a repris le goût de la musique: «J’ai retrouvé le Pone que je connaissais avant. Et encore plus fort qu’il était avant. La musique de Pone aujourd’hui a changé. J’ai l’impression qu’aujourd’hui son émotion, il la fait encore plus ressortir», a-t-elle confié à l’AFP.

«En tant que malade, tout est possible»

Cette fois-ci, c’est donc un mini-album de quatre titres d’électro que donne à écouter Pone, intitulé Listen and Donate. Pour cet album, il utilise une nouvelle fois les morceaux de Kate Bush, comme il l’avait fait en 2019 pour Kate & Me: «On lui avait envoyé ce disque et elle m’avait aussitôt écrit le plus incroyable mail que j’ai reçu dans lequel elle disait avoir adoré l’album et que j’avais sa bénédiction pour sampler toute sa discographie. J’ai mis trois jours à m’en remettre», s’amuse l’artiste. «C’est une immense artiste et elle est dans mon top 5 en compagnie de Bob Marley, Curtis Mayfield, Notorious Big et Claude Nougaro», s’est-il enthousiasmé.

Et pour ce nouvel opus, il ne s’agit pas juste de créer mais également d’aider: l’œuvre a pour but de récolter des fonds pour l’association Trakadom, créée par Pone et deux médecins pour former des soignants et des aidants afin d’encadrer le retour à domicile de patients appareillés. «En parlant de ça avec des médecins, des infirmières, des aides soignantes et des auxiliaires de vie, j’ai non seulement constaté que ce manque (de formation) était important, mais qu’il y avait chez la plupart d’entre eux, une volonté d’être formé», a détaillé l’artiste à l’agence de presse. Lui est alité, relié par des tubes à un respirateur artificiel, chez lui, à Gaillac (Tarn) et vit aux côtés de sa femme et ses deux filles.

Pour aider l’association, il suffit donc d’écouter sur les plateformes – ce qui génère des droits d’auteur reversés – ou d’acquérir un vinyle trois titres ou de sa version collector quatre titres. C’est l’artiste parisien JR qui a signé une série de photos illustrant les deux vinyles proposés en édition limitée. «Je suis fan d’art pictural, depuis toujours», a confessé Pone. «J’ai d’ailleurs commencé par le graffiti avant d’être happé par le son. Je vous cache pas que vu l’aspect caritatif du projet, on voulait faire un max de bruit. Et JR était la personne idéale pour ça. On lui a alors demandé et il a dit oui sans réfléchir. Je lui en suis infiniment reconnaissant». «S’il y avait un message, en tant que malade, ce serait que tout est possible», a conclu l’artiste, qui confesse avoir encore «plein d’autres projets».

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