Les 2 Alfred, Sans un bruit 2, La Nuée… Les films à voir ou à éviter cette semaine au cinéma


Deux expériences sensorielles à partager au cinéma, les frères Podalydès en grande forme et un premier film tout en justesse… Que faut-il voir cette semaine? La sélection de la rédaction du Figaro.

À voir

Sound of Metal , un drame de Darius Marder, 2h00

Dans Sound of Metal, premier long-métrage de Darius Marder dévoilé au Festival de Deauville, le Britannique d’origine pakistanaise en fait la démonstration fracassante. Cheveux peroxydés, corps ligneux couvert de tatouages, il campe Ruben, le batteur d’un groupe de métal qui sillonne les États-Unis avec sa fiancée et chanteuse, Lou. Le succès semble à portée de main lorsque Ruben développe une brutale perte de l’audition. Les médecins sont formels: elle deviendra totale. Sur les supplications de Lou et de son sponsor, l’ancien toxicomane se fait admettre dans le centre de rééducation pour sourds de Joe (Paul Raci, vétéran du théâtre élevé par des parents sourds) pour éviter toute rechute et se préparer à l’inévitable. Débute pour le spectateur une odyssée sensorielle et immersive dans un monde aux sons étouffés et grésillants. Le merveilleux travail – Oscar du meilleur son – de Nicolas Becker et son équipe qui osent les plages de silence épouse l’intensité de Riz Ahmed, qui a récolté une nomination historique de meilleur acteur. Son regard fiévreux de colère est scruté par une caméra alerte aux moindres mouvements et vibrations. Comme si un sens prenait le relais de l’autre. C.J

Les 2 Alfred , une comédie de Bruno Podalydès, 1h32

Avec Les 2 Alfred, les frères Podalydès s’en donnent à cœur joie, retrouvent l’alacrité de Versailles Rive gauche, enchaînent les gags et les quiproquos. Le monde du travail est un enfer souriant et coloré. La peur explique les rapports. L’hypocrisie est de rigueur. Pauvre Alexandre, le héros, dont les qualités principales sont « l’honnêteté, la gentillesse et le goût du délire ». Allez décrocher un CDD, avec ça. Le film galope, entre deux tours de manège au jardin public, un numéro de claquettes impromptu dans une rue la nuit. C’est un univers où la technologie s’affole, mais où l’amour reste possible une fois admis les tests de grossesse et les biberons. Voilà enfin une comédie où rire sans rougir, qui possède la tendresse lucide d’un Sempé. Le débonnaire Bruno donne la réplique à son frère Denis. Leur complicité fait plaisir à voir. Kiberlain est au-dessus de tous les éloges dans ce rôle de fausse Cruella bientôt rattrapée par ses sentiments. Le cinéma est fait pour danser un slow sur If You Leave Me Now à côté d’une auto en panne. Le slogan de l’été ? « Deux Alfred, sinon rien. »

Sans un bruit 2 , un film fantastique de John Krasinski , 1h37

Après le succès surprise de Sans un bruit, premier volet en 2018, l’acteur-réalisateur John Krasinski signe une suite décomplexée, et peut-être même plus profonde, à son thriller horrifique. A Quiet Place (titre original qu’on pourrait traduire par «Un endroit paisible») partait d’un principe simple : le monde voit soudain fondre sur lui une menace terrifiante, invisible, matérialisée par des créatures dotées d’une oreille absolue. Soudain, dans une nation hurlante où toutes les voix ont pris l’habitude d’être tonitruantes, le silence est d’or. Pour survivre, les humains sont obligés de baisser d’un ton tous les sons qu’ils émettent ordinairement à tue-tête. Une Amérique subitement contrainte au silence, condamnée à écouter le murmure des autres, l’allégorie sous-cutanée était astucieuse et surprenante…Film d’atmosphère, dont la mise en scène habile permet une tension maximale, Sans un bruit 2 doit se voir dans une salle de cinéma. Car de la même façon que les protagonistes deviennent méticuleux jusque dans les moindres gestes de la vie quotidienne, les spectateurs sont attentifs à la moindre variation de la bande-son. Ils prennent conscience des réactions de leurs voisins dans la salle. Cette émotion collective décuplée par le silence subtil du film vaut beaucoup mieux que le brouhaha classique des films d’horreur en streaming. O.D

Seize printemps , un drame de Suzanne Lindon, 1h14

Pour sa première réalisation, Suzanne Lindon trouve le ton juste, la note personnelle. Son film est une aquarelle, bercée par Christophe, Boris Vian ou Vincent Delerm. Elle a réussi son Diabolo grenadine. Être amoureux consiste à faire cliqueter dans le vide son stylo quatre-couleurs, à commander des tartines de confiture à la fraise, à remuer la tête en mesure sur des airs d’opéra. Elle est heureuse, ne touche plus le sol, danse seule dans la rue. Elle filme ce qu’elle connaît, la famille, les bistrots, une affiche de Pialat qui porte son prénom. Paris redevient ce décor magique où les sentiments existent comme s’ils avaient été inventés hier. La pudeur est de règle. Il ne s’agit pas de refaire Lolita , simplement de tenir ce faux journal intime. De tout cela, il lui restera des souvenirs. Elle se blottira contre eux, l’hiver, quand elle sera très vieille. Pour l’instant, elle grandira. C’est tout le mal qu’on lui souhaite. Les enfants de bourgeois ont aussi le droit de raconter leurs émois. Est-ce un péché d’être né dans le 6e arrondissement? Légèreté, grâce, désenchantement, peut-être que le cinéma français vient de trouver sa Sagan. Il était temps. E.N

Médecin de nuit , un drame de Elie Wajeman, 1h22

Dans Médecin de nuit, Vincent Macaigne est méconnaissable en oiseau de nuit, toubib qui sillonne en voiture les rues du Nord-Est parisien pour soigner des inconnus et des toxicomanes. Mickaël, son personnage, n’est pas un ange non plus. Il trafique du Subutex pour payer les dettes de son cousin pharmacien, Dimitri (Pio Marmaï), en affaires avec un Géorgien menaçant – Wajeman n’invente rien, un tel trafic vers les pays de l’Est, existe. Comme si sa nuit n’était pas assez agitée, Mickaël fait le grand écart entre sa femme (Sarah Le Picard) et sa maîtresse (Sara Giraudeau), qui n’est autre que la fiancée de Dimitri. Mais Médecin de nuit n’a rien d’un vaudeville. C’est un film noir, tendu, nerveux, qui rappelle le James Gray de Little Odessa et le Jacques Audiard de De battre mon cœur s’est arrêté. «Un personnage dostoïevskien, en quête de rédemption, un drogué de la nuit qui va vers le jour», dit Macaigne. Comme tout bon polar, le film est une tragédie grecque, respectant la règle des trois unités (lieu, temps, action) et le fatum en guise de happy end. Manteau de cuir lourd comme s’il était lesté de la misère du monde, valises sous les yeux, cheveux gominés et revolver à la main, la métamorphose de Macaigne impressionne. E.S

On peut voir

Un homme en colère , un polar de Guy Ritchie, 1h59

En 2003, Nicolas Boukhrief réalise Le Convoyeur, polar poisseux et bien fichu avec Albert Dupontel et Jean Dujardin. Une histoire de transporteurs de fonds et de braqueurs. Presque vingt ans plus tard, Guy Ritchie met son humour british en sourdine pour tourner le remake avec le monolithique Jason Statham et des moyens multipliés par 1000. Le résultat n’est ni indigne ni renversant. E.S

À éviter

5e set  , un drame sportif de Quentin Reynault, 1h53

En passant de Novak Djokovic à Alex Lutz, forcément le niveau baisse. Magie du cinéma (coach et numérique), l’acteur ne savait pas tenir une raquette avant de jouer Thomas, ancien espoir du tennis (Gasquet en blond) qui tente un come-back à Roland-Garros (les qualifications). Peinture crédible du quotidien d’un joueur ordinaire, le film peine à transcender son aspect documentaire (malgré Kristin Scott Thomas en mère castratrice). Et confirme que le tennis est quasiment infilmable au cinéma. À moins de s’appeler Hitchcock (voir le match à suspense de L’Inconnu du Nord-Express). E.S

La Nuée , un drame fantastique de Just Philippot, 1h40

Virginie, agricultrice et mère célibataire s’est lancée dans le commerce de sauterelles comestibles pour sauver sa ferme de la faillite. Mais l’intérêt qu’elle porte à ces orthoptères confinés dans cette serre en forme de dôme géodésique devient de plus en plus étrange… Pour son premier film, Just Philippot a voulu trop en faire. Qui trop embrasse mal étreint dit le proverbe. La Nuée se veut une multi-hybridation entre le film familial, la chronique sociale, le thriller fantastique, le tout plongé dans le drame horrifique. Entre La Mouche de Cronenberg, Les Oiseaux d’Hitchcock, Petit paysan d’Hubert Charuel, le spectateur est noyé de références. Si les stridulations des animaux sont menaçantes, les maladresses et le manque de moyens l’emportent finalement. Dommage. O.D

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