Dans le monde étrange du vivant avec Lydie Arickx


REPORTAGE – Pendant un mois et demi, l’artiste a puisé dans le fantastique tapi dans Chambord pour déployer ses «arborescences» dans l’architecture de fête du château (jusqu’au 17 octobre, commissariat Yannick Mercoyrol).

Ce n’est pas une exposition, c’est une métamorphose qui envahit le deuxième étage autour de l’escalier à double révolution dont la structure rappelle celle de l’ADN et constitue le symbole majeur de cette recherche picturale et sculpturale du mécanisme de la vie. Les formats sont gigantesques, les entre-fenêtres ont été à demi cachés par des cimaises temporaires (4,5 m × 3,5 m) pour accueillir les toiles monumentales.

Puis, en trois semaines, a été disposé ce théâtre de l’art. Il a fallu des grues pour hisser La Terre (Planetum) et sa bulle de 400 kg de résine depuis la cour du château, ou glisser, à 1 ou 2 mm près, le bas-relief sur les vanités racinaires à travers les portes pourtant larges, les genoux du deuxième squelette jaillissant de 40 cm (L’Evolution [Oscar] bas-relief en os et résine sur toile émeri, baptisé du nom de tous les écorchés des facultés de médecine).

Tableau de Bosch

L’échelle du lieu est un défi. «Je voulais habiller l’espace, faire comme des tapisseries, créer un rythme graphique autour des cheminées, en jouer comme des appels d’air», confie d’un air gourmand Lydie Arickx, 67 ans. En dix fois deux heures, perchée sur un échafaudage, elle a peint en direct, sous l’œil du public ébahi, des fantômes et des esprits qui dessinent un flux vital sur une réplique gigantesque du Printemps de Botticelli (6 × 4,7 m). «Depuis quarante ans, je tourne autour de tous les aspects de la création et du vivant. C’est le thème darwinien, la vie dans sa métamorphose, sa dimension métaphysique. Rien n’a de fin. J’ai conçu l’exposition avant la pandémie. C’est une coïncidence émouvante de se retrouver dans ce drame», dit ce petit format irradiant l’énergie. Son Planetum, où s’entassent les corps nus comme dans un tableau de Bosch est une sculpture qui tourne sur un petit moteur.

Son Arbre bronchique en bronze et résine donne de la matière précieuse à l’air de nos poumons. «Surréaliste, fantastique, pas morbide, il n’y a pas de fatalité, mon regard est décalé. Ici, à Chambord, le fantastique est partout. J’aime rendre visible cette énigme physique que nous portons en nous-mêmes, notre respiration existe comme une dentelle, un corail. On porte cette complexité incroyable et on ne le sait pas», explique Lydie Arickx, qui s’est «perdue pendant quinze ans dans la fac de médecine, rue des Saints-Pères» et revendique la «curiosité de Vinci et l’esprit de la Renaissance».

Du géant au miniature

Dans les quatre bras de croix, les salles hautes montent à 7 mètres. Hormis les cimaises postées aux entre-fenêtres, les modillons au départ des voûtes limitent l’accrochage à 3,2 m. S’y ajoutent les deux grands espaces fermés (6 m de haut) qui donnent chacun sur trois petits cabinets (3 m). Entre 150 et 200 œuvres de Lydie Aricks tapissent les lieux, de la grande fresque à l’huile et bitume sur toile, Les Origines (4,1 x 9,7 m), à La Fève, sculpture vert tendre saisissante sur l’évolution de la graine vers l’enfant de l’homme que les adultes ne veulent pas regarder et qui fascine les enfants.

Du géant au miniature, jusqu’au cabinet de curiosités, qui regroupe, en quarante pièces, son vocabulaire graphique. Cela crée une sorte de vertige. Dans la somptueuse chapelle de Chambord, elle a créé quatorze croix pour les quatorze stations du Christ, un «chemin de matières, de la ferrite au chanvre, un chemin de conscience sans martyrs», à partir de matériaux aussi inconnus que les pelotes de réjection des chouettes et hiboux récupérées au zoo de Labenne, près de Bayonne (elle les décortique et recrée un squelette humain minuscule à partir de ces restes animaux).

«L’art n’est pas inoffensif», rappelle Lydie Arick, artiste d’origine flamande (l’arbre généalogique remonte au temps de Charles Quint), qu’ont exposée les amateurs d’atypique, Jean Clair et Antoine de Galbert, qu’a photographiée superbement Sarah Moon. Celle qui était proche du peintre d’origine serbe Vladimir Velickovic, du terrible Topor et du génial Roman Cieslewicz se sent «plus proche des arts premiers que des expressionnistes». Elle déplore la perte du naturel, l’aptitude à être heureux, la saveur de l’aventure et sa jouissance. Et résume: «Ceux qui ne comprennent pas l’art ne comprennent pas le château».

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