Le Sénat s’engage à protéger les librairies indépendantes face à la concurrence numérique


La proposition de loi soutenue par le gouvernement et adoptée mardi vise notamment à établir un prix plancher pour les frais d’expédition.

Le Sénat a adopté mardi en première lecture, avec le soutien affirmé du gouvernement, une proposition de loi portée par Laure Darcos (LR), dont la mesure phare vise à protéger les librairies indépendantes d’une «distorsion de concurrence» des plateformes en ligne. «Le livre n’est pas un bien comme les autres», a souligné la ministre de la Culture Roselyne Bachelot, saluant un «texte bienvenu» porteur d’«un renforcement très important de notre régulation du prix du livre». Un amendement non adopté visait également à établir un prix unique du livre audio.

Très largement soutenu à droite comme à gauche, ainsi que par le gouvernement, le texte bénéficie de la procédure accélérée, ce qui laisse augurer un sort favorable à son arrivée à l’Assemblée nationale. Comme l’a souligné la ministre de la Culture, son adoption permettra «d’adapter le monde du livre à l’ère du numérique, de rééquilibrer les relations souvent complexes entre éditeurs et auteurs». Hasard du calendrier, l’examen de cette proposition de loi intervient quelques semaines seulement après le quarantième anniversaire de la loi Lang, qui avait établi le prix unique du livre.

Résister à Amazon

La proposition de loi vise en premier lieu à rééquilibrer la concurrence entre librairies et plateformes en ligne, alors que la crise sanitaire a relancé le débat sur la place des librairies. Elle propose ainsi la mise en place d’un prix plancher – fixé par arrêté – facturé au client pour les frais d’envoi de livres, afin de mettre fin à la gratuité de ces frais souvent proposée chez les acteurs numériques comme Amazon, et d’inciter les lecteurs urbains à se rendre dans leur librairie de quartier. Les sites de vente en ligne devraient en outre distinguer clairement les livres neufs et les livres d’occasion.

Pour Laure Darcos, l’argument selon lequel «Amazon serait le défenseur de la ruralité et des plus modestes» serait exagéré : «son marché principal se trouve dans les grandes agglomérations, auprès des catégories socioprofessionnelles favorisées, parfaitement capables d’absorber une augmentation des tarifs de livraison», a-t-elle affirmé. La rapporteure de la commission des Affaires économiques Martine Berthet (LR), a néanmoins souligné que cette disposition «devrait conduire à une hausse drastique du prix des livres (…), sans pour autant que les libraires ne gagnent de clients supplémentaires».

Le texte autorise en outre les collectivités à accorder une subvention aux librairies indépendantes, dans la limite de 30% de leur chiffre d’affaires, et encadre les soldes de livres par les éditeurs. Pour Jérémy Bacchi (CRCE à majorité communiste), «ce qui est en jeu ici, c’est la préservation des librairies indépendantes vis-à-vis des géants du net, la préservation du patrimoine culturel de la France et la protection des auteurs». «Nous défendons aussi un modèle de société», a souligné Catherine Morin-Desailly (centriste), tandis que la rapporteure Céline Boulay-Espéronnier (LR) jugeait essentiel d‘«encourager nos concitoyens à aller plus souvent dans les librairies». Le texte modernise par ailleurs le dépôt légal pour l’adapter aux spécificités du numérique et encadre certaines pratiques de l’édition.

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