Le Forum antique de Bavay achète une fausse urne antique pour l’exposer


L’urne d’Hirtius, pastiche romain en bronze, intègre les collections de ce musée situé dans le département du Nord. Elle pourrait même rejoindre une section dévolue à l’histoire de l’archéologie des XVIIIe et XIXe siècles.

C’est une acquisition surprenante pour le Forum de Bavay. Malgré son assortiment de motifs antiques, de son beau bucrane à son décor figuré en passant par ses frises ornementales, cette urne dite d’Hirtius n’a d’antique que le nom. Il s’agit d’un faux manifeste. Comble de la supercherie : les chiffres romains de ladite urne comporteraient une erreur dans leur numérotation. Ce musée archéologique des Hauts-de-France a pourtant décidé de l’exposer. Non pas au milieu des véritables antiquités romaines, ni au sein du fabuleux trésor de bronzes du Bas-Empire qui en font la renommée, mais dans un espace dédié à l’histoire de cette ville et de sa région.

Pour le musée de Bavay, cet objet devrait venir étoffer les collections modernes du Forum antique, qui consacre une partie de ses galeries à l’activité des antiquaires locaux aux XVIIIe et XIXe siècles. En précurseurs des archéologues contemporains, ces curieux érudits étaient partis les premiers à la redécouverte – plus ou moins habile – de l’antique cité romaine de Bagacum, devenue Bavay. L’un des pionniers de ce mouvement savant fut le Père Jean-Baptiste Lambiez, qui a découvert en 1790 le magnifique trépied de Bacchus conservé au musée archéologique Arkéos de Douai. D’autres antiquaires, aux côtés d’amateurs éclairés, se sont toutefois montrés plus intéressés par la simple accumulation d’une collection d’objets antiques. Au point de se laisser berner parfois par «des «mystifications archéologiques».

Faux antique, mais vrai objet d’histoire

L’urne d’Hirtius est précisément l’une de ces mystifications. En 1834, Hector Bochard, a prétendu l’avoir découverte près de la voie romaine reliant Reims à Bavay. L’objet passe alors pour être l’urne cinéraire du consul Aulus Hirtius, un ancien lieutenant de César décédé en 43 av. J.-C. face aux troupes de Marc Antoine, pendant la bataille de Mutina (l’actuelle Modène, en Italie). Ainsi ce précieux artefact, à l’origine si «noble», est-il l’objet de plusieurs ventes avant d’être perdu de vue en 1869, époque où son caractère frauduleux ne fait plus guère de doutes. Et à raison, puisque Hector Bochard est reconnu comme un marchand crapuleux.

Détail de l’urne d’Hirtius. Derrière le guerrier blessé s’affaire un étonnant putto (un enfant ailé), une figure pour le moins inhabituelle pour un bronze censé être du Ier siècle av. J.-C.. Forum antique de Bavay, musée archéologique du Département du Nord

Comme l’indique le Forum de Bavay dans un communiqué, «Hector Bochard est connu pour être adepte du commerce douteux de faux modernes dont il revendiquait la découverte dans la ville de Bavay afin de leur donner le lustre de l’Antiquité». Le nord de la France était à l’époque devenu une des centres de circulation de ces contrefaçons d’objets antiques. Aussi peu flatteur soit-il, ce réseau illicite fait également partie de l’histoire des Hauts-de-France, comme l’a encore rappelé, il y a une trentaine d’années, l’affaire des «grotesques d’Amiens». Découvertes en 1987 par des fouilleurs amateurs, une centaine d’étonnantes statuettes avaient suscité la perplexité des chercheurs avant d’être reconnues comme des faux, fabriqués de toutes pièces par leurs «découvreurs».

Récemment réapparue sur le marché des antiquités, l’urne a ainsi été acquise à dessein, en mars, par le musée archéologique de Bavay pour près de 7000 euros. «Si nous avons racheté cette pièce, c’est pour l’étudier, la comparer à d’autres pièces douteuses pour identifier si elles viennent d’un même atelier, etc.», a déclaré à 20 Minutes la directrice du Forum antique Véronique Beirnaert-Mary. «Ainsi, nous pourrons mieux comprendre l’archéologie à Bavay au XIXe siècle». Peut-être l’œuvre d’un faussaire italien ou hollandais, son inspection et sa mise en série pourraient permettre de mieux cerner ses origines précises, voire l’atelier dont elle est issue. De quoi identifier à l’avenir d’autres faux plus crédibles qui auraient échappé à la vigilance des conservateurs… à moins bien sûr qu’à la faveur d’un rocambolesque coup de théâtre l’urne se révèle authentique !

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