La cité d’Héliopolis-Baalbek revit à travers une reconstitution virtuelle des archéologues


ARCHÉOLOGIE – Une application donne à voir le centre monumental de la ville antique libanaise, à l’époque de son apogée romain, tel que l’imaginent les archéologues du Deutsches Archäologisches Institut.

D’un blanc étincelant sous les rayons d’un impitoyable soleil, le centre monumental d’Héliopolis se dévoile dans ses moindres détails. Ses majestueux propylées, ses enfilades de portiques ombragées, le pronaos du temple de Bacchus, la péristasis du colossal édifice dédié à Jupiter… Héliopolis n’est plus, et de ses monuments les plus augustes ne subsistent que d’imposants vestiges éventrés par le temps. Mieux connu son nom actuel de Baalbek, le site libanais autrefois occupé par une opulente cité romaine a virtuellement retrouvé le splendide état qu’elle présentait à son apogée, vers 215, à la faveur d’une nouvelle restitution numérique qui vient d’être mise au point par les archéologues allemands du Deutsches Archäologisches Institut (DAI).

Inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco et fouillé depuis 1998 par la mission archéologique allemande, le sanctuaire de Baalbek-Héliopolis était composé de plusieurs temples dont les deux plus importants, celui de Jupiter et de Bacchus, sont parmi les mieux conservés du monde romain. Réalisée en collaboration entre le DAI, le ministère libanais de la Culture et l’entreprise américaine Flyover Zone spécialisée dans les reconstitutions en 3D, Baalbek Reborn: Temples Baalbek ressuscitée : Temples») se développe autour de 38 étapes en visite virtuelle. Gratuite et compatible avec les smartphones, les tablettes et les ordinateurs, l’application donne l’occasion de prendre la mesure de l’état de la recherche archéologique du site ainsi que des dimensions écrasantes de ces lieux de culte.

« , »« ]’ tabindex= »0″>

Animée par un précieux commentaire (disponible en français), la visite fait alterner les hauts lieux les plus populaires de Baalbek avec les recoins qu’on devine d’habitude moins accessibles au commun des mortels. De la «pierre touristique», un monumental fragment de l’entablement du temple de Jupiter orné d’une magnifique gouttière léonine, les archéologues nous propulsent dans les hauteurs du sanctuaire jovien, au plus haut point des échafaudages qui surplombent l’ensemble du site. «Il y a quelque chose de très spécial dans cet endroit, a déclaré pour Al Jazeera Henning Burwitz, historien de l’architecture au DAI. Notre rôle était de nous assurer que des bonnes fondations scientifiques de l’ensemble. Nous voulons que vous ayez l’impression d’être sur place.»

À défaut de partager tout le pimpant d’une reconstitution vidéoludique qui aurait sacrifié la rigueur historique sur l’autel du grand spectacle, la balade virtuelle dans le centre d’Héliopolis compense par son application scientifique la rigidité gauche dont elle fait preuve. Mélangeant des photographies actuelles du terrain avec ses restitutions dernier cri, l’application offre autant d’occasions d’apprécier, à distance, ce site exceptionnel que de s’instruire. Voici, par exemple, qu’en dehors de la monumentalité des temples et de la prouesse raffinée de leur ornementation, trois blocs de pierres émerveillent encore aujourd’hui les archéologues. Le Trilithon de Baalbek, trois monolithes de calcaire long de près de 19 mètres chacun, composait une partie de l’assise du podium du temple de Jupiter : leur emploi architectural fut un vrai prodige d’ingénierie compte tenu des 800 tonnes que pèse chaque bloc.

« , »« ]’ tabindex= »0″>

Lovée dans la vallée fertile de la Bekaa, à mi-chemin entre les ports de la côte levantine et la grande cité caravanière de Palmyre, l’antique Héliopolis n’a d’ailleurs pas toujours été romaine, comme le rappelle volontiers le commentaire des archéologues. «Ce qui est fascinant à Baalbek, ce ne sont pas seulement les temples romains, mais son histoire vieille de près de 10.000 ans», a souligné dans un communiqué Margarete van Ess, directrice du département oriental du DAI et responsable des recherches scientifiques à Baalbek. À rebours de son image si romanisée, la cité est traversée de particularités d’une indéniable coloration locale.

Une romanité orientale

Petit centre urbain phénicien puis hellénistique, la cité se monumentalise à l’époque romaine, à partir de la fin du Ier siècle, sans noyer pour autant son identité sous de nouvelles parures de marbre et de calcaire. Le plan du sanctuaire, qu’entourent plusieurs successions de cours et de clôtures, témoigne de la survivance d’un ordonnancement de l’espace inspiré des traditions orientales, et ce malgré l’apparence classique des monuments. La statue de culte du Jupiter Heliopolitanus auquel était dédié le sanctuaire de la ville, représentait sans doute le dieu à l’orientale, vêtu d’une longue robe en fourreau et muni d’épis, un symbole de fertilité davantage attribué à Cérès dans le reste du monde romain. Ces choix esthétiques relèvent du syncrétisme du dieu tutélaire d’Héliopolis avec certains cultes orientaux, comme celui de la divinité phénicienne Baal, lui aussi associé à l’idée de fertilité. Ce ne sont là qu’une poignée de rappels éloquents parmi d’autres du brassage millénaire des cultures dans cette région stratégique de la Méditerranée orientale.

Outre ses qualités savantes et pédagogiques, la visite virtuelle que propose l’application Baalbek Reborn: Temples est enfin l’occasion, pour le ministère libanais de la Culture, de se rappeler au bon souvenir des touristes, puisque le Liban traverse depuis plusieurs années déjà une profonde crise économique. Aggravée depuis un an par la pandémie mondiale de Covid-19 et ses conséquences sur la mobilité internationale, cette crise a frappé de plein fouet le secteur-clé du tourisme qui s’est à son tour effondré. Dans un monde devenu plus connecté que jamais, le retour attendu des touristes passera également par la plongée dans ces environnements virtuels.

.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*