Un portrait de Marie-Thérèse Walter signé Picasso en vente chez Christie’s


Estimé à 55 millions de dollars, le tableau de l’égérie la plus solaire du peintre sera mis en vente le 11 mai à New York.

Elle s’était assise près de la fenêtre, un jour d’octobre 1932, offrant sa mise verte et rouge et la longueur de son cou aux morsures automnales du soleil normand. Marie-Thérèse Walter a 22 ans lorsque Pablo Picasso l’immortalise – une fois de plus – dans son château de Boisgeloup. L’imposant tableau est aujourd’hui intitulé Femme assise près d’une fenêtre. Vendue à Londres en 2013 pour 45 millions de dollars, la toile rejoindra bientôt une nouvelle salle de vente, new-yorkaise cette fois : présentée chez Christie’s à l’occasion d’une enchère organisée le 11 mai, la Femme assise de Picasso est désormais estimée à 55 millions de dollars.

Le portrait, une huile sur toile de 146 x 114 cm, représente la muse et l’amante du peintre, que Picasso avait rencontré en 1927 à Paris. Âgée alors de 17 ans, Marie-Thérèse Walter, blonde et compassée, exerce sur-le-champ une puissante fascination sur l’artiste espagnol de 45 ans, alors marié à la danseuse russe Olga Khokhlova. Cette liaison interdite inspire à Picasso une longue série de nus et de portraits sensuels de sa compagne qu’il produira dans une frénésie créatrice entre 1927 et 1935, avec un pic d’exaltation dense et féconde atteint en 1932. C’est dans cette «année érotique», ainsi que l’appelait l’exposition organisée en 2017-2018 par le musée Picasso et la Tate Modern, que se situe la création de la Femme assise près d’une fenêtre.

Un hymne à sa muse

Plus pudique que les autres toiles de l’époque, le portrait s’avère également moins énigmatique en montrant dans un rapport direct la fascination et le pouvoir mutuel qu’entretiennent l’artiste et son sujet. Marie-Thérèse Walter trône ainsi avec assurance face à son amant subjugué, un regard omniscient – presque divin – ancré sur lui. «Picasso a capturé ses formes voluptueuses avec des plans ondulants de couleurs vives et plates – un hymne peint à l’adoration de son corps – tandis que son visage est tracé à la manière d’une incarnation de l’idéalisme classique, dans le même langage formel que ses représentations sculptées», a décrit Christie’s à propos de l’œuvre.

Photographie d’identité de Marie-Thérèse Walter datée des années 1930. PVDE/Bridgeman images

Présenté à la vente aux côtés d’un Pont de Waterloo de Monet estimé à 35 millions de dollars, ainsi que d’œuvres d’Andy Warhol, de Giacometti et de Robert Delauney, le portrait de Marie-Thérèse Walter peint par Picasso sera décidément bien entouré à New York, lors de la vente à venir. «En tant que l’un des artistes les plus novateurs et les plus influents du XXe siècle, il est tout à fait approprié que ce tableau exceptionnel soit à la tête de la première vente du soir d’art du XXe nouveau format», a déclaré dans un communiqué la responsable chez Christie’s du département d’art du XXe siècle, Vanessa Fusco.

Peint en plein automne, le portrait atteste des plus éclatants élans créatifs de Picasso envers sa muse française dont il se commencera à se détourner deux ans plus tard, peu après la naissance de leur fille Maya et sa rencontre avec la photographe surréaliste Dora Maar. Père de quatre enfants, mariés deux fois et coureur de jupons, Pablo Picasso n’a jamais caché son appétit pour les femmes qui infusèrent, de bout en bout, l’ensemble de son œuvre. Ce trait de caractère a en partie été réévalué ces dernières années, à l’aune du mouvement #MeToo. «Marie-Thérèse a employé le mot viol. Françoise (Gilot) a eu une joue percée par une gauloise allumée et ne parlons pas de la tragédie sadomaso avec Dora Maar. Marie-Thérèse et Jacqueline (Roque) se sont suicidées. Maya, une de ses filles, et Marina, une de ses petites-filles, ont dit des choses sur leur gêne éprouvée gamines…», rappelait en 2018 au Figaro Sophie Chauveau, après la parution de sa biographie en deux tomes de Picasso.

Après une année 2020 très difficile pour le marché de l’art, bousculé par la pandémie mondiale de Covid-19, l’annulation de grands rendez-vous internationaux et par plusieurs affaires, les experts du milieu ont bon espoir de voir en ces hautes estimations le signe d’une confiance restaurée et d’une reprise du cours normal des affaires. Sauf surprise, la Femme assise devrait par conséquent relever toutes les espérances de vente.

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