entre Nomadland et Rocks, le saut dans le vide des César anglais


Réformée en profondeur, la cérémonie, qui s’étale sur deux nuits samedi et dimanche, va accoucher d’un palmarès ouvert comme jamais à la diversité et complètement affranchi de Hollywood. Un exemple à suivre ?

Longtemps traités de suiveurs sans imagination de Hollywood et de ses Oscars si glamour, les Bafta -l’équivalent britanniques des César- s’apprêtent à vivre un week-end historique. Pas seulement parce que la pandémie force le gala à se priver de tapis rouge, à se tenir en partie virtuellement entre Londres et Los Angeles sur deux nuits. Samedi seront annoncés les vainqueurs de toutes les catégories techniques (son, décors, costumes) et dimanche viendra le tour des trophées plus prestigieux, où les drames sociaux Nomadland de Chloe Zhao et Rocks de Sarah Gavron font figure de favoris. Les cinéphiles français pourront suivre le gala le dimanche à partir de 20 heures sur Canal+ Cinéma.

Quoi qu’il arrive, les Bafta vont accoucher d’un palmarès inédit dans son ouverture à la diversité. Il sera complètement indépendant de celui des Oscars du 25 avril, avec une liste de nominations déjà très originales. Comme les Oscars, les Bafta ont connu leur polémique «Baftasowhite». L’an passé, aucun talent issu de la diversité n’avait été cité dans les catégories performances. Idem pour les réalisatrices : aucune n’avait été retenue. Sommés de se réformer, les Bafta l’ont fait avec une énergie qui a surpris et qui a donné des résultats bien plus radicaux qu’ailleurs, y compris les Oscars qui ont augmenté leur corps électoral de plusieurs milliers de votants depuis six ans.

Une liste de films à voir obligatoire pour voter

En un an, les Bafta ont revu le processus de présélection des nominations, de vote, de campagne et ont convié mille professionnels du cinéma supplémentaires. Concrètement chaque votant s’est vu adresser une liste de films obligatoires à voir avant de pouvoir désigner les nominations. Le contrôle se faisait via la plateforme officielle de visionnage. Les catégories sont passées de cinq à six créneaux. Dans les faits, ce sont 50 films qui ont eu au moins une nomination cette année, contre 39 en 2020. Le coronavirus entraînant le retrait des blockbusters, cela a aussi profité aux films indépendants qui ont eu une meilleure visibilité. Sur les 24 nominations concernant les meilleurs rôles principaux et secondaires, 21 concernent des acteurs et actrices qui n’avaient jamais été sélectionnés au Bafta. Seize d’entre eux sont issus de la diversité.

Comme Carey Mulligan qui brille dans la satire vengeresse Promising Young Woman, plusieurs vedettes de poids ont été laissées sur le carreau au profit de jeunes pousses. Exit le trésor national Olivia Colman (Le Père), Gary Oldman et Amanda Seyfried (Mank), Sacha Baron Cohen (Les Sept de Chicago), Viola Davis (Le Blues de Ma Rainey). Beresina totale pour les têtes d’affiche du poétique Ammonite de Francis Lee, Kate Winslet et Saoirse Ronan. De même que pour la mutine Anya Taylor-Joy dans Emma. Bienvenue en revanche à Niamh Algar (Calm With Horses), Kosar Ali (Rocks), Dominique Fishback (Judas And The Black Messiah), Ashley Madekwe (County Lines), Yuh-Jung Youn (Minari), Bukky Bakray (Rocks) ou Radha Blank (The Forty-Year-Old Version).

Ces nominations 2021 ont aussi fait grand bruit avec sa catégorie meilleure réalisation. Quatre des six cinéastes en lice sont des femmes. Du jamais-vu. Jusqu’à présent, au mieux une rescapée graciait parfois cette catégorie. Et plus aucune depuis dix ans ! Symbole de cette révolution, sept nominations records ont été décrochées par Nomadland de Chloe Zhao et Rocks de Sarah Gavron. Suivent Mank, Promising Young Woman, Le Père et Minari sur l’installation d’une famille sud-coréenne en Arkansas avec six citations. Puis The Dig et Désigné coupable avec cinq.

Les réalisatrices plébiscitées

Grand vainqueur des Golden Globes, primé à Venise et Toronto, Nomadland est un hymne à la gloire de hippies modernes sillonnant les États-Unis dans leurs camionnettes. Rocks suit une adolescente londonienne de 15 ans abandonnée comme son jeune frère par sa mère mais soutenue par sa bande d’amies. Ils affronteront pour décrocher le trophée roi de meilleur film Le père où Anthony Hopkins campe un vieillard sombrant dans la démence, Désigné coupable, sur une avocate acharnée prenant la défense d’un Mauritanien accusé à tort de terrorisme par les États-Unis, le thriller féministe Promising Young Woman et le drame politique Les Sept de Chicago.

Dans la section meilleure réalisation, Chloe Zhao et Sarah Gavron sont rejointes par Shannon Murphy (Babyteeth) et Jasmila Žbanić ( Quo Vadis, Aida?). Le quatuor de femmes fera face à Thomas Vinterberg (Drunk) et Lee Isaac Chung (Minari). Deux réalisateurs en minorité. Et pas les plus attendus. David Fincher (Mank) et Aaron Sorkin (Les sept de Chicago) brillent par leur absence. Les Bafta n’ont pas forcément favorisé les talents «maison». Coqueluche outre-Atlantique avec son caustique et vengeur Promising Young Woman, Emerald Fennell échoue, comme sa comédienne star, à percer.

Trois longs-métrages ont décroché plus de nominations qu’attendu et semblent être populaires parmi les votants: Le Père de Florian Zeller, inspiré de sa pièce, Désigné Coupable avec le Français Tahar Rahim et Drunk du danois Thomas Vinterberg où rayonne Mads Mikkelsen. Mikkelsen et Rahim essaieront de ravir le titre de meilleur acteur au défunt Chadwick Boseman (Le Blues de Ma Rainey), Anthony Hopkins (Le Père), Riz Ahmed (Sound Of Metal) Adarsh Gourav (The White Tiger). Chez les actrices, la statuette se jouera entre Vanessa Kirby (Pieces Of A Woman), Bukky Bakray (Rocks), Radha Blank (The Forty-Year-Old Version), Frances McDormand (Nomadland) Wunmi Mosaku (His House) et Alfre Woodard (Clemency).

Une pléiade de stars

Pour célébrer les gagnants, les Bafta ont convoqué une pléiade de stars pour remettre les trophées du gala de dimanche : Priyanka Chopra Jonas, la révélation de la série La Chronique des Bridgerton Phoebe Dynevor, Chiwetel Ejiofor, Cynthia Erivo, Hugh Grant, Tom Hiddleston, Felicity Jones, Gugu Mbatha-Raw, James McAvoy, David Oyelowo de 12 Years A Slave, Pedro Pascal du Mandalorian et Jonathan Pryce. Ils seront secondés de Los Angeles par les comédiennes Rose Byrne, Andra Day, Anna Kendrick and Renée Zellweger. Plusieurs numéros musicaux sont au programme, dont un par l’ex One Direction Liam Payne. Le réalisateur de Raison et Sentiments et Brokeback Mountain Ang Lee recevra une statuette d’honneur pour l’ensemble de sa carrière.

Mécène des Bafta, le prince William devait intervenir samedi et dimanche mais on ignore si l’engagement, annoncé avant la mort de son grand-père le prince Philip, sera maintenu.

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