Dans le secret d’une matinée de rééducation féministe au Centre national du cinéma


Depuis le 1er janvier 2021, certaines aides du CNC sont conditionnées par le suivi d’une formation de l’AVFTL, association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail. Un producteur a confié son expérience dans les colonnes de l’hebdomadaire Marianne. Il y dénonce la culpabilisation, la judiciarisation à outrance, l’ignorance des métiers du cinéma doublée d’une rigidité inquiétante.

Un stage de sensibilisation aux violences sexuelles et sexistes pour conditionner des aides financières de la part du Centre national du cinéma. Depuis le 1er janvier, cette formation est désormais obligatoire. Mesure qui trouve un bien curieux écho avec la mise en examen de Dominique Boutonnat, son directeur, pour tentative de viol sur son filleul. Sous le pseudonyme d’Alain Langlois (en hommage à Henri Langlois, fondateur de la cinémathèque française), un réalisateur, producteur de cinéma et scénariste, raconte sa «matinée surréaliste de rééducation féministe au CNC» dans les colonnes du magazine Marianne .

Surréaliste, le mot est faible. Le producteur explique avoir reçu la convocation à ce stage à l’automne. Une «espèce de chantage opéré par le CNC qui conditionne désormais toute subvention publique à la participation à la chose». Plusieurs règles ont effectivement été mises en place afin de recevoir les précieuses aides de l’institution publique. Ainsi, «la mise en place d’un dispositif d’information dans les lieux de travail», «la désignation d’un référent harcèlement pour les structures de plus de 250 salariés», «l’élaboration d’une procédure interne de signalement et de traitement de faits de harcèlement sexuel», «la mise à disposition d’une cellule d’alerte et d’écoute» et, enfin, le suivi de cette formation sont imposés aux «employeurs du cinéma, de l’audiovisuel et du jeu vidéo», détaille le site de l’organisme.

« D’ici à la fin 2021, près de 1.600 professionnels seront obligés d’en passer par cette formation. Le CNC table sur 9.000 formés à horizon 2023. Le tout validé par l’obtention d’un certificat »

«Je pensai d’abord à un canular inventé par le site parodique du Gorafi, raconte Langlois. En réalité, il n’en était rien : c’était bien une initiative officielle décidée par le ministre de la Culture de l’époque — et oublié depuis — Franck Riester, et par Dominique Boutonnat, sous la pression de différentes associations « féministes » influentes dans le milieu du cinéma. En particulier le tout-puissant Collectif 50/50, dont un des titres de gloire est d’avoir obtenu qu’un film sur deux, dans les Festivals du type Cannes, soit réalisé par une femme.» Ce sont, aussi, les accusations de l’actrice Adèle Haenel, à l’encontre du réalisateur Christophe Ruggia, qui furent déterminantes dans la mise en place du dispositif.

Tous les quinze jours, donc, quarante à cinquante personnes sont soumises à des éducatrices, membres de l’association AVFT (Association européenne contre les Violences Faites aux Femmes au Travail). D’ici à la fin 2021, près de 1.600 professionnels seront obligés d’en passer par cette formation. Le CNC table sur 9.000 formés à horizon 2023. Le tout validé par l’obtention d’un certificat, délivré au terme d’un test de compétence.

« Nous sommes tous des Harvey Weinstein en puissance »

«Seuls sont conviés les producteurs qui – on n’est pas à un cliché près sont forcément riches et susceptibles d’abuser de leur pouvoir, s’indigne ce professionnel qui parle d’un discours culpabilisateur de la part de l’intervenante. Nous sommes tous des Harvey Weinstein en puissance, bien sûr. Les réalisateurs et les réalisatrices qui, c’est bien connu, n’ont aucun rapport de séduction ou de domination avec leurs acteurs ou actrices, en sont dispensés.» Il faut dire que les intervenantes ne semblent pas vraiment au fait de la réalité des métiers du cinéma. Les termes utilisés sont souvent approximatifs, les préjugés vont bon train et les analyses manquent cruellement de relief d’après ledit Alain Langlois. «Le stage débute par un speech où l’on explique le contexte : « Les plaintes pour harcèlement sexuel sont en général classées sans suite« , puis, où l’on analyse les « facteurs de risques » : les tournages sont des lieux où règne « la proximité des corps », où « se confondent rapports personnels et rapports professionnels » et où existent « des rapports de soumission entre assistants et chefs de poste ». Et même, cerise sur le gâteau : « des relations de fascination intellectuelle ». Merci, on était au courant», ne manque pas d’ironiser le producteur.

Les participants ont ensuite droit à tout un faisceau de réflexions saugrenues: «Pourquoi dit-on « l’homme de Cro-Magnon » et pas « l’être humain de Cro-Magnon ? »» ; «On laisse entendre que ce ne sont que des hommes qui ont construit les Pyramides alors qu’en réalité il y avait aussi beaucoup de femmes» ; «On ne peut pas empêcher les gens de se mettre ensemble pendant un tournage de film, mais ce n’est pas souhaitable. D’ailleurs, si un couple se défait, c’est votre responsabilité de producteur de vous en occuper», assène-t-on au producteur dépité.

«Judiciarisation absolue»

Rapidement, les discussions tournent autour de l’aspect juridique que revêt le harcèlement. Finalement, «il ne sera question, durant les quatre heures que dure cette session, que de dénonciation, de poursuites et de procès. Une sorte de judiciarisation absolue de ces problèmes». Rien concernant la prévention de ces violences, donc, ni sur l’accompagnement des victimes. «On nous expliquera ainsi, le seul but étant d’obtenir des condamnations, que la justice ordinaire est trop laxiste puisque c’est à la victime de faire la preuve des violences mais, qu’en revanche, aux Prud’hommes où règne le droit du Travail, c’est le contraire, puisque c’est à l’accusé de démontrer qu’il n’est pas coupable. Et qu’il faut donc que les victimes s’y adressent car leur seul témoignage y suffit à condamner sans autre forme de procès.» L’intervenant précise à cet égard « qu’il faut en user et abuser». Et de vanter au passage l’usage des enregistrements clandestins, d’affirmer que les «faisceaux d’indices concordants» suffisent et que «les témoignages extérieurs» sont souhaitables.

En somme, tous les moyens sont bons pour faire condamner le coupable désigné. Quid de la présomption d’innocence. La suspicion suffit dans notre société moderne où les femmes – comme toutes les autres «minorités» – sont des victimes de fait. L’erreur de jugement, l’exagération ou le mensonge ne font plus partie de l’ordre des possibles. Alain Langlois détaille: «Le problème n’est pas là pour les organisateurs : il s’agit d’expliquer que tout cela est de la responsabilité de l’employeur et que s’il n’a pas fait de prévention et pris des mesures, il sera condamné. […] Le producteur doit lui-même mener l’enquête et interroger toute l’équipe, au cas où, et tant pis si l’accusation s’avère inexacte, si l’on a affaire à un (ou une mythomane). L’important est de se débarrasser de ceux (ou celles) qui sont simplement soupçonnés.»

Bienveillante, l’animatrice prévient ses interlocuteurs que ce seront eux qui auront «des problèmes» si cette procédure n’est pas suivie. Et d’ajouter qu’elle et ses camarades s’attellent «à faire changer la loi afin que les agresseurs ne puissent plus s’en sortir». Avant d’expliquer que Sandra Muller, l’instigatrice du #BalanceTonPorc, avait eu raison de traîner son «agresseur» en justice puisque le SMS graveleux était exact. La dame avait finalement été condamnée pour diffamation, après avoir été déboutée.

« Bien souvent, l’ironie n’est là que pour camoufler la réalité de la pensée et permettre l’impunité de certains »

L’animatrice de la session

Enfin, comble du bonheur – ou de l’angoisse -, un portrait-robot dudit coupable est projeté au mur. «Cela peut être un bon père de famille», «un bon réalisateur», «gentil et attentionné», croit utile de préciser l’intervenante. Les avis de quelques participants sont sollicités. Les plus jeunes entrent alors dans une «séance de contrition digne des plus beaux moments de la Révolution Culturelle». «C’est à qui expliquera qu’il est « le plus solidaire » de la lutte des femmes, qu' »il a déjà vu sur un tournage un technicien homme caresser le bras d’une serveuse à la cantine », ou même « qu’il faudrait interdire les fêtes de fin de tournage car tout le monde se laisse aller à faire des blagues qui peuvent être sexistes »», raconte le producteur. L’humour, évidemment, encore et toujours conspué par cette nouvelle génération de militants, féministes ou antiracistes : «Bien souvent, l’ironie n’est là que pour camoufler la réalité de la pensée et permettre l’impunité de certains», explique l’animatrice. Langlois en demeure interdit et conclut : «Avec ce genre de personnages au pouvoir, l’humour juif serait définitivement interdit.»

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