Yann Moix estime que la justice est méprisée dans «l’affaire Richard Berry»


Dans une tribune publiée dans Paris Match, le réalisateur et romancier accuse «l’espace internautique» de n’être qu’«une bête aveugle». Il déplore un tribunal impitoyable et sans juge.

Il est depuis plusieurs années l’écrivain par qui le scandale arrive. Traité publiquement de tortionnaire par son frère, accusé d’avoir signé des textes et des dessins antisémites dans sa jeunesse, Yann Moix qui aura fait office de polémiste attitré durant trois ans chez Laurent Ruquier, vient de prendre sa plume pour écrire une tribune, sur «l’affaire Berry» qui voit la fille aînée de l’acteur, Coline, Berry accuser son père d’inceste.

Le romancier, prix Renaudot 2013, dans cet article, publié dans Paris Match, contre ce qu’il nomme lui-même le tribunal «internautique», n’est pas revenu sur la véracité ou non des accusations de la fille aînée de Richard Berry. Il préfère démonter les ressorts de ce qui est devenu sur les réseaux sociaux un procès sans juge. Il explique ce détournement en quatre points: la détestation supposée de Richard Berry, la prime à l’accusateur (à l’accusatrice en l’occurrence), l’absence du pardon sur le Web et l’obligation de devoir choisir un camp.

«À tort ou à raison, Richard Berry est détesté ; or, être détesté, cela revient à être détestable ; et être détestable, cela signifie être coupable. Ce qui compte, autrement dit, c’est au premier chef, non pas le bien-fondé de la dénonciation, mais sa crédibilité», écrit d’abord Moix, en connaissance de cause. Avant d’ajouter : «Admettons, par hypothèse de travail (je ne peux pas trancher), que Richard Berry ait tous les défauts, ait commis tous les crimes, soit en proie à tous les vices de l’univers à l’exception de celui dont il est accusé. Ne serait-il pas commode, pour le punir d’éventuelles autres tares, de se ranger derrière ce qui serait une accusation fondée sur un plus grand commun dénominateur ? L’accusation d’inceste étant une arme absolue, celui qu’on n’a pu écraser avec une tapette sera ainsi anéanti par un bloc de béton…»

Son plaidoyer se fait ensuite réquisitoire. Un réquisitoire sévère contre les réseaux sociaux. Et contre l’impitoyable tribunal populaire qui s’y met en branle. «…Celui qui tire en premier a gagné. L’accusé, même innocent, se voit déchiqueté par la meute à l’instant où son nom est cité. Il n’aura que quelques heures pour sauver cinquante ans de carrière qu’“on” aura décidé de détruire à coups de clics, sans jamais que quiconque sache qui est-ce “on”, anonyme et capricieux, contradictoire et diffus, chaotique et pressé, sorte de mouvement brownien numérique des instincts humains…, poursuit le romancier. Le grand nombre n’est pas là pour pardonner mais pour accuser ; l’accusé, quand bien même il apporterait, au tribunal ou sur Internet, les preuves de son innocence, ne verrait pas son sort s’améliorer. Les internautes ne consomment que du spectaculaire ; ils entendent, faisant feu de tout bois, se mettre quelque chose sous la dent… Ce qui compte : l’excommunication, le lynchage…» «Au mieux, si un jour les accusations contre Richard Berry tombent, sera-t-il considéré comme un innocent coupable ?», s’interroge-t-il.

Et de montrer enfin l’injonction actuelle, corollaire de ce procès «internautique» de choisir son camp. Celui de la victime, dont la parole est désormais toute-puissante. Ou celui de son prétendu bourreau.

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