l’icône rebelle et intemporelle des jeunes artistes


ANNIVERSAIRE – Mardi 2 mars, il y a 30 ans jour pour jour, l‘Homme à la tête de chou nous quittait. Des musiciens nés l’année de sa disparition et de tous bords musicaux témoignent de son héritage.

Il fut «Docteur Gainsbourg et Mister Gainsbarre». Lucien Ginsburg puis Serge Gainsbourg: le timide et le provocateur, le dandy et le sauvage, l’ancien et le moderne. L’artiste a disparu le 2 mars 1991. Le génie de Serge Gainsbourg survivra longtemps à son époque. C’est le propre des grands artistes. Mais, peut-être plus encore que le reste du paysage de la chanson française, L’Homme à la tête de chou séduit toujours autant les nouvelles générations.

Simple raison esthétique? Comme tout dieu de l’Olympe, l’image du chanteur-compositeur a des attributs très reconnaissables. À commencer par une barbe de trois jours (omniprésente aujourd’hui, elle n’était à l’époque pas du tout à la mode), qu’il dut raser sur le plateau de Philippe Bouvard dans les années 70. Autre exemple: en 2010, Joann Sfar actualise le mythe avec le biopic romancé Gainsbourg, vie héroïque. Chez les jeunes, les ventes de Repetto Zizi et de Gitanes Maïs sans filtre explosent. Il est toujours «in» auprès de la nouvelle génération d’artistes.

« Histoire de Melody Nelson doit être considéré comme le plus grand chef-d’œuvre de la musique française »

Le bassiste de Kazy Lambist

«J’aime sa manière de mettre sa vie en fiction dans ses chansons, son style de vie, ses conquêtes…», acquiesce le rappeur Retro X, né deux ans après la mort de Gainsbourg. D’un univers musical complètement différent, le jeune artiste apprécie autant le côté dandy que son iconoclasme: «Il est différent des autres artistes de Crumpa car il ne dissociait pas sa vie de sa musique. Ce qui la rend, à mes yeux, intemporelle. Il plaît toujours aux jeunes parce qu’il a su rester fidèle à lui-même».

Mais on ne peut résumer l’artiste à son charisme. Peintre découragé, considérant la musique comme un «art mineur», Gainsbourg est pour les nouvelles générations un exemple de modernité musicale et de transgression, malgré ses inspirations infiniment classiques. Chopin en tête, que l’on retrouve dans Lemon Incest, ou Antonín Dvořák dont la 9e symphonie a fortement influencé BB Initials. Ce que retient plus volontiers le bassiste de l’artiste électro-pop Kazy Lambist: «Il est à la fois un génie musical et littéraire. Histoire de Melody Nelson doit être considéré comme le plus grand chef-d’œuvre de la musique française. Gainsbourg aura été à sa manière (modeste et torturée) un continuateur de Debussy et Saint-Saens».

« Je dirai presque qu’il avait un côté “dangereux” que je ne retrouve pas chez les autres artistes de son époque »

Wendy Killmann, alias Rose Tiger

De la poésie chantée des Baudelaire, Arvers ou Nerval, au reggae de Kingston avec les choristes de Bob Marley jusqu’au disco sulfureux de Sea, sex and sun, le compositeur ne s’est jamais enclavé dans un genre. «La différence majeure avec ses contemporains: il était insaisissable, imprévisible, voire incontrôlable», confirme Wendy Killmann, alias Rose Tiger, musicien pour BB Brunes (groupe qui tire son nom d’un morceau du chanteur), Lescop et Bon Voyage Organisation (30 ans). «En changeant de style à chaque album, en allant toujours plus loin dans ses textes et ses interventions médiatiques, en fréquentant les plus belles femmes malgré un physique qui n’avait rien du play-boy (et en leur faisant chanter des textes parfois très osés…) Je dirai presque qu’il avait un côté «dangereux» que je ne retrouve pas chez les autres artistes de son époque», assure encore le compositeur de rock et d’électro-pop.

Idolâtré, mais dangereux? On pense à ces frasques qui ont contribué à créer le mythe. Comme l’épisode du billet de 500 francs, brûlé sur le plateau de Sept sur sept, la rencontre avec Whitney Houston ou ce vif échange avec Catherine Ringer. Chose que Gainsbarre n’a jamais cachée. Lui qui, dans une interview pleine de cynisme et à la limite du mauvais goût commentait sa propre mort et expliquait préférer le danger à la sécurité.

Amélie, membre du groupe de punk Versinthe 99 ,préfère s’inspirer du «poète surréaliste avec ses associations de mots loufoques, ses anglicismes, ses univers pop-rock, son look décadent». En revanche, la jeune fille avoue être gênée par le personnage, parfois «misogyne» et préfère garder «sa tête de chou et sa provocation à l’esprit», pour écrire ses chansons poétiques et engagées. Le personnage subversif plaît «encore plus que l’intemporalité de ses chansons», selon Killmann. «C’est le côté rebelle de son personnage médiatique qui marque les jeunes d’aujourd’hui. Et bien que certains le détestent pour ses provocations (dans ses textes où à l’antenne), il ne laisse personne indifférent, quelle que soit la génération».

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