Enfouis dans les limons de la vallée du Rhône, les vestiges d’une abbaye refont surface


ARCHÉOLOGIE – En Ardèche, à Cruas, un complexe conventuel d’époque romane livre le récit d’une lutte perdue d’avance contre les inondations à répétition.

C’est un décapage qui en cachait bien d’autres. Lors d’une opération de fouille menée en novembre dernier à Cruas, en Ardèche, les équipes de l’Inrap ont mis à jour des vestiges attenants à une ancienne abbaye romane à proximité de l’actuelle église abbatiale Sainte-Marie.

Organisées dans le cadre de l’aménagement d’un espace public en remplacement d’un îlot d’habitation, les fouilles ont dégagé un grand nombre d’éléments lapidaires – en particuliers des fragments de chapiteaux et des retombées de voûtes – provenant du cloître de l’abbaye et qui avaient été remployés dans les fondations des maisons voisines, à l’époque de l’essor urbain de Cruas au 19e siècle.

Un diagnostic précédent effectué par l’Inrap en amont des fouilles a également révélé, dans les caves des habitations jouxtant l’abbatiale, de belles élévations maçonnées datant de l’époque médiévale. Celles-ci circonscrivent un bâtiment dont la fonction, encore incertaine, serait d’être une zone d’accès à l’abbaye, telle qu’une porterie ou un accès à un cellier. Surtout, les vestiges ainsi décapés mettent en évidence des obstructions et des bouchages qui attestent de l’histoire pour le moins mouvementée de l’endroit.

Un site baignant dans les alluvions

L’ensemble de l’espace étudié est marqué par les multiples crues du Crûle, le ruisseau voisin, dont l’activité a de longue date obstrué les bâtiments environnants et accéléré l’élévation naturelle du terrain. L’abbaye a dû composer avec les inévitables soubresauts du ruisseau dont les débordements fréquents ont, jusqu’aux grands travaux de canalisation de Cruas entrepris en 1875, régulièrement nécessité des actions de désobstruction et des reconstructions.

Afin de limiter l’impact de ces crues, il semblerait que ces niveaux d’inondations aient été au bout du compte intégrés au reste des aménagements médiévaux, comme le suggèrent l’élévation du niveau de circulation et la transformation d’une bâtisse en élément de délimitation d’un espace ouvert, auquel un muret sera adjoint par la suite.

Porte voûtée de plus de 3 mètres de haut, les bouchages se succèdent depuis la base au fur et à mesure que le niveau de circulation monte. Guillaume Martin, Inrap

Les archéologues de l’Inrap en charge du site ont mené une fouille mixte en conjuguant l’étude du bâti et contextualisation sédimentaire sur un périmètre de plus de 180 m², et ce sont près de 4 mètres de stratification qui ont été passés au peigne fin par l’équipe dirigée par Guillaume Martin. Une datation au carbone 14, une étude du matériel archéologique et une analyse géomorphologique devraient affiner prochainement la chronologie du site.

Aujourd’hui disparue à l’exception de son église abbatiale, l’abbaye Sainte-Marie est progressivement tombée en ruine à partir de l’époque des guerres de religion. Ce complexe monastique ardéchois avait été construit au 11e siècle à l’emplacement d’une vieille structure paléochrétienne, elle-même édifiée sur les ruines d’une ancienne domus d’époque romaine.

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