Quand Robert Hossein racontait Jean Paul II, «un homme blessé, profond, douloureux»


Le comédien, décédé jeudi à l’âge de 93 ans, mettait en scène des écrits d’Alain Decaux sur la vie du pape polonais, composés de trente-trois tableaux et joué par Marc Cassot.

Le comédien et metteur en scène Robert Hossein s’est éteint jeudi 31 décembre à l’âge de 93 ans. En 2007, il avait confié à Armelle Héliot l’histoire de ses rencontres avec le pape Jean Paul II et comment cela lui avait inspiré la mise en scène de N’ayez pas peur, une biographie du pontife en trente-trois tableaux.

Il est heureux. Fatigué et heureux. Comme porté par une force dont il s’étonne presque et lorsqu’une charmante jeune fille s’approche de lui pour lui confier que pour elle, vingt ans et quelques, il est pour jamais le beau Geoffrey de Peyrac d’Angélique, marquise des Anges, un radieux sourire illumine son visage d’éternel séducteur et des étincelles de malice crépitent au fond des yeux sombres.
Robert Hossein n’a jamais été aussi près de ses origines : l’enfant de Samarkand, en Ouzbékistan – c’est là qu’était né son père, le compositeur André Hossein, qu’il vénère – l’Asiate aux pommettes hautes, œil légèrement bridé, lyrisme d’oasis au cœur de paysages arides, virilité de cavalier des grands horizons, s’est réconcilié au plus profond avec le Slave à l’âme douloureuse et déchirée du chrétien qui a toujours revendiqué sa foi et jamais craint les larmes.

Nulle sérénité en lui pourtant. Robert Hossein est un homme qui doute. Il a toujours été ainsi. Un homme qui souffre aussi et voit, dans un chagrin profond, disparaître ses amis.
Robert Hossein aime les défis. L’an dernier, au Grand Stade, il dirigeait un Ben Hur qui pourrait peut-être connaître une nouvelle production en Asie dans quelque temps… Il en avait rêvé des années durant. De même pense-t-il depuis très longtemps à raconter avec les moyens du théâtre la vie et l’œuvre de Karol Wojtyla. Il avait rencontré le Pape par le truchement de Mgr Lustiger qui avait beaucoup aimé Un homme nommé Jésus, spectacle pour lequel Bernard Buffet avait conçu une très belle affiche. Au Vatican, escorté de ceux qui avaient interprété les apôtres et qui avaient, chacun, posé avec Jean-Paul II pour une photo, Robert Hossein avait pu s’entretenir avec le Saint-Père. «Un homme blessé, profond, douloureux, un homme de foi et de prière, un homme qui comprenait le doute.» Quelque temps encore et ce sont les extraordinaires «JMJ», Journées mondiales de la jeunesse, à Paris. Hossein lit des Épîtres pour une foule immense, auprès de Jean-Paul II. «Dès ce moment, j’ai voulu raconter toute sa vie pour les croyants et les non-croyants.»

Robert Hossein monte un dispositif particulier pour trouver la production avec notamment La Société du Partage qui réunit des faisceaux d’actionnaires. La narration constitue le sol de la représentation : «Alain Decaux, qui a composé le texte, a travaillé avec deux conseillers très érudits, connaisseurs et du parcours, et de l’œuvre théologique, qui est très importante, Mgr Di Falco et Bernard Lecomte, journaliste, qui fut rédacteur en chef au Figaro Magazine, auteur d’une remarquable biographie du Pape. Trente-trois tableaux qui se succèdent à partir d’une ouverture que j’ai voulue forte : l’attentat de la place Saint-Pierre. À partir de ce moment, une vie se recompose. Mgr Villot (cardinal, il avait dirigé le conclave de l’élection d’un nouveau pape) est le narrateur tandis que le Pape revoit sa vie.»

«Moi aussi, j’ai été acteur»

Hossein sourit : la première fois que j’ai eu un entretien avec lui, il m’avait dit «moi aussi, j’ai été acteur». Et, en effet, on s’en souvient, le jeune Karol Wojtyla, ce géant du XXe siècle, né dans le sud de la Pologne le 18 mai 1920, a traversé bien des tragédies, mais connu aussi une jeunesse assez théâtrale et même écrit des pièces… «Guerre, nazisme, antisémitisme, communisme, il a tout vécu», souligne Robert Hossein. «Le jeune étudiant aime passionnément le théâtre et l’un des tableaux du spectacle le montre, répétant avec ses camarades, dont une jeune fille qu’il a aimée». Robert Hossein ne veut pas juger. Il convoque en scène les grands interlocuteurs de Jean-Paul II. Lech Walesa et Jaruzelski, Gorbatchev, le dalaï-lama. On le voit aussi à Auschwitz. Sur les affiches on aperçoit Fidel Castro, Hassan II, et Mère Teresa, bien sûr. N’ayez pas peur. Hossein ne veut pas que l’on oublie la leçon de celui dont Soljenitsyne avait affirmé : «Ce pape est un don du ciel !»

Ni Alain Decaux et ses conseillers ni Robert Hossein ne souhaitaient éviter les questions qui ont révélé cet homme d’ouverture. «C’est lors de la rencontre avec l’abbé Pierre que tout se dit et se discute, le sida, la contraception, le préservatif.» Comme tous les spectacles de Robert Hossein, les lumières, les mouvements, les plans larges et les cadres serrés, tout est d’une précision parfaite. 80 comédiens, essentiellement des jeunes, se partagent les rôles. Mais des acteurs célèbres sont là aussi. Marc Cassot joue Jean-Paul II dans sa maturité, Martine Pascal, de la grande famille Casadesus donne vie à Mère Teresa.

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