«Je suis fier d’amener de la diversité dans The Mandalorian»


INTERVIEW – L’acteur, séduisant méchant de Spike Lee ou Coppola, crève l’écran dans la série dérivée de Star Wars. Il répond aux questions du Figaro, et explique pourquoi il adore, depuis quarante ans, jouer les «bad guys» à Hollywood.

Il n’a cessé de jouer les méchants durant toute sa carrière à Hollywood. De Spike Lee (Do The Right Thing, Mo’ Better Blues) à Francis Ford Coppola (Cotton Club) en passant par Brian de Palma (L’Impasse) ou plus récemment son rôle de parrain de la drogue Gus Fring dans Breaking Bad, il s’est fait une solide réputation de «bad guy».

C’est en endossant la cape noire (et en maniant le sabre laser noir) du personnage de Moff Giddeon dans la saga The Mandalorian diffusé sur Disney+ que Giancarlo Esposito, 62 ans, a pourtant été reconnu du grand public. Nous l’avons interrogé alors que son personnage mystérieux revient dans la série.

LE FIGARO . – Quels souvenirs gardez-vous de votre rencontre avec Jon Favreau ?

Giancarlo ESPOSITO. – En réalité, Jon Favreau et moi nous connaissons depuis très longtemps. Je l’ai découvert en tant qu’acteur et humoriste, avant qu’il ne devienne scénariste, puis réalisateur. J’ai commencé par jouer dans l’une de ses pièces de théâtre il y a fort longtemps. Il a ensuite fait appel à moi pour une publicité concernant un jeu vidéo dans lequel j’incarnais un père lisant à son fils Le Livre de la jungle de Kipling. Durant une pause, sur le tournage de cette pub, il s’est mis à rêver de refaire Le Livre de la jungle… Et devinez quoi, un an plus tard, il m’a appelé pour que je double Akela, le chef d’une meute de loups. C’est également de cette manière qu’un jour, mon téléphone a sonné et que Jon Favreau m’a proposé un rôle dans une série. Il m’a dit : « J’ai écrit ce rôle en pensant à toi. J’espère que tu vas accepter de le faire. » C’était Moff Gideon dans la série dérivée de Star Wars, The Mandalorian !

Giancarlo Esposito : «Quand je suis arrivé sur le tournage, j’ai été stupéfait. Ma première journée a été un tourbillon. Ma scène consistait en un long monologue, seul avec 300 Stormtroopers derrière moi.» LUCASFILM LTD.

Que s’est-il passé quand vous avez mis les pieds sur le plateau ?

Quand je suis arrivé sur le tournage, j’ai été stupéfait. Ma première journée a été un tourbillon. Je n’ai eu qu’à plonger dedans. Ma scène consistait en un long monologue, seul avec 300 Stormtroopers derrière moi. Jon était là. La seule chose que j’aurais voulu faire, c’est le serrer dans mes bras et le remercier de m’avoir fait ce cadeau. Jon Favreau est un homme d’une grande intégrité. Et c’est un type fidèle.

Parlez-nous de la manière dont il souhaitait que vous incarniez ce méchant atypique de la saga…

Jon Favreau connaît l’univers Star Wars sur le bout du sabre laser. La première chose que j’ai faite quand je l’ai vu, mis à part le remercier en le serrant dans mes bras, et été de me renseigner sur le personnage de Moff Gideon. Même si j’avais fait certaines recherches de mon côté, je voulais quelques indications de sa part. À chaque fois, il ne m’a transmis que ce qui était nécessaire. Il voulait que je découvre progressivement le cheminement de ce personnage assez mystérieux.

Giancarlo Esposito : «Pour le rôle de Moff Gideon, j’ai regardé le jeu de Peter Cushing dans Star Wars IV Un nouvel espoir. Cushing joue également un « Moff », c’est-à-dire un haut dignitaire de l’Empire galactique.» LUCASFILM LTD.

Quelles sortes de recherches avez-vous faites sur Moff Giddeon?

Je suis d’abord retourné aux origines. J’ai regardé le jeu de Peter Cushing dans Star Wars IV Un nouvel espoir. Cushing joue également un « Moff », c’est-à-dire un haut dignitaire de l’Empire galactique. Mais le Moff Tarkin de Cushing est très différent de Moff Gideon. De par sa stature, Cushing lui confère un style très aristocratique. Moi, je suis plus pragmatique. Moff Gideon est un personnage capable de passer à l’action. C’est un chef et un guerrier. Il a de l’expérience sur le terrain. S’il a été nommé administrateur d’une partie de cette galaxie, c’est pour une raison que l’on ignore. Comment a-t-il obtenu toutes ces informations, et son sabre laser noir ? Nous l’ignorons. Il est doué d’une intelligence incroyable. Ce qui fait de lui quelqu’un de très différent de tous les autres Moff aperçus dans la saga jusqu’à présent…

Giancarlo Esposito : «Jouer les méchants ne me fait pas peur. » LUCASFILM LTD.

Pour les combats au sabre laser noir, j’ai passé beaucoup de temps dans mon salon à agiter un manche à balai !

Giancarlo Esposito

N’êtes-vous pas lassé que les cinéastes vous choisissent souvent pour jouer des méchants ou des gens un peu recommandables ?

Non. Jouer les méchants ne me fait pas peur. J’ai toujours été fasciné par le film Ennemi public, un classique du film de gangsters signé William Wellman sorti en 1931 avec James Cagney et Jean Harlow. J’adore ce film. Et notamment la dernière scène où James Cagney s’avance sur le balcon, en le comparant «au toit du monde». J’ai très tôt réalisé dans ma carrière, je crois que c’était à l’époque où je jouais un méchant dans le soap opera, Another World, que les spectateurs sont fascinés par la psychologie d’un personnage à la destinée noire… Ce qui me plaît, c’est d’injecter un peu d’humanité à certains méchants, faire apparaître un faisceau de lumière dans un tunnel d’obscurité. De Gus Fring dans Breaking Bad à Moff Gideon dans The Mandalorian, en passant par le loup Akela dans Le Livre de la jungle, c’est ma manière à moi de jouer les méchants de cinéma.

Pensez-vous que le fait d’avoir été choisi pour jouer un méchant comme Moff Gideon dans l’univers de Star Wars peut changer le cours de votre carrière?

En tout cas, jouer Moff Gideon m’a permis de me pencher sur moi-même. Pas seulement parce que je me suis dit : « Mon dieu ! C’est excitant de jouer avec une cape, un sabre laser, et pouvoir piloter un chasseur TIE ! » Non, cela m’a aussi permis de connecter mon personnage avec le monde actuel, grâce à une saga qui est à la fois contemporaine, mais qui se retourne vers son passé. Rendez-vous compte, il y a quarante ans, les acteurs qui jouaient des « Moff » étaient tous blancs. Le plus connu d’entre eux était Peter Cushing. Aujourd’hui, c’est à mon tour d’incarner un Moff et d’amener de la diversité dans l’univers de Star Wars. Cela me rend très fier.

Giancarlo Esposito : «Je suis un vieux fan de Star Wars, et j’aime à penser qu’il y a peut-être un lien entre mon personnage et Dark Vador. » LUCASFILM LTD.

Vous êtes-vous préparé spécialement pour les combats avec le « sabre laser noir »?

Eh bien, pour les combats au sabre laser noir, j’ai passé beaucoup de temps dans mon salon à agiter un manche à balai ! (Rires). Plus sérieusement, je suis un acteur physique. J’ai donc appris comment me battre en portant une armure et en maniant le sabre. Je suis un vieux fan de Star Wars, et j’aime à penser qu’il y a peut-être un lien entre mon personnage et Dark Vador. J’adore la performance de Dark Vador. J’adore ce que James Earl Jones en a fait…

La pandémie de Covid-19 a fait vivre au monde entier une année tragique. Quel parallèle dressez-vous entre cette réalité et une fiction telle que The Mandalorian ?

Depuis un an, nous avons tous été affectés par cette horrible pandémie. Bien sûr, les regards sont souvent tournés vers l’Amérique, qui est en train d’accepter un nouveau leadership. En ce qui me concerne, j’ai pu passer toute la durée de la pandémie de Covid-19 à la maison, avec ma fille de 16 ans. Mais j’ai également pu observer toutes les fractures qui fragmentent les États-Unis. Quand allons-nous cesser d’être divisés ? Moi, je suis un peu idéaliste, j’attends le Messie… C’est ce dont parle The Mandalorian, à bien des égards. C’est une saga qui embarque les spectateurs dans un voyage vers une galaxie lointaine, très lointaine. Son thème principal se concentre autour d’un personnage en quête de justice, qui espère la restauration de la paix, et la reconstruction d’une galaxie en ruine. Et j’ai le sentiment que cette série résume en grande partie ce que nous vivons aujourd’hui, mais d’une manière divertissante, drôle et pop… C’est pour cela que je trouve que cette galaxie n’est pas lointaine si on sait bien la regarder… C’est chez nous!

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