Le fisc britannique au service de Sa Majesté James Bond à coups de dizaines de millions d’euros


James Bond, un fonctionnaire (presque) comme les autres. Le think tank TaxWatch a révélé que l’agent secret préféré de Sa Majesté recevait des millions d’euros de crédits d’impôt au Royaume-Uni, via la société londonienne EON Production. Celle-ci génère peu de profit en Angleterre, ce qui ne l’a pas empêché d’amasser 120 millions de livres (plus de 130 millions d’euros) des caisses du gouvernement depuis 2007.

Comme le rapporte le Guardian , le film Spectre , sorti en 2015, a reçu 30 millions de livres sterling de la part du fisc britannique. Skyfall (2008) et Quantum of Solace (2012) ont respectivement obtenu 24 et 21 millions. Mourir peut attendre, le dernier volet de la saga, repoussé en salle à l’année prochaine à cause du coronavirus, a quant à lui bénéficié 47 millions de livres.

«Avec la fermeture des cinémas et des théâtres dans tout le pays et les travailleurs du secteur culturel confrontés à de réelles difficultés, vous devez vous demander si remettre des dizaines de millions de livres à une franchise aussi rentable est la meilleure utilisation des fonds publics», a réagi George Turner, directeur de TaxWatch. Pour qu’un film bénéficie de crédits d’impôt, il doit être certifié «culturally british» par le British Film Institute, précise le Guardian.

En vigueur depuis 2007, le Film Tax Relief propose un «allégement de 20 % sur 80 % des dépenses éligibles engagées au Royaume‐Uni», explique un rapport de L’Observatoire européen de l’audiovisuel.

EON Production ne finance pas ses films, elle fait partie de la holding Danjaq, basé dans l’État du Delaware, aux États-Unis, réputé pour ses avantages fiscaux. La société génère donc peut de profit dans son pays d’origine, ces derniers revenants à l’investisseur de base, Danjaq qui lui commande les films. Les longs-métrages sont tournés à l’étranger et en Angleterre, dans les studios de Pinewood au nord-ouest de Londres, propriété de EON. «Le film est vendu à un prix égal au coût total de production moins le montant reçu au titre des crédits d’impôt pour films britanniques», a déclaré Danjaq dans un communiqué, assurant que les revenus générés par James Bond sont soumis aux impôts britanniques et américains.

Du MI6 à la CIA

Ce type d’arrangement est légal, souligne le Guardian. TaxWatch estime qu’il serait profitable si les films, importants dans le rayonnement culturel britannique, ne dégageaient pas beaucoup de profits. Mais cela n’est pas le cas, Skyfall a notamment généré 1,1 milliard de de dollars à travers le monde, rapportant 232 millions aux distributeurs (la MGMLG et Sony) et 109 millions à Danjaq. Ces chiffres ont révélé en 2014 par des hackers nord-coréens qui s’étaient introduits dans la base de données de Sony Pictures Entertainement.

«Depuis les années 1960, Danjaq a choisi de tourner les films James Bond au Royaume-Uni via EON Productions, ce qui a entraîné un investissement de plus d’un milliard de dollars dans l’industrie cinématographique britannique, l’emploi de dizaines de milliers de personnes et la mise en valeur les talents des Britanniques dans le monde», a déclaré Danjaq, qui argue que les crédits d’impôt permettent à l’agent 007 de continuer à tourner en Angleterre, «au profit de l’industrie cinématographique britannique».

Une justification qui n’est au goût du directeur de TaxWatch. «Chaque entreprise qui reçoit une subvention fait valoir que l’argent public qu’elle reçoit est nécessaire pour conserver des emplois au Royaume-Uni», avance-t-il. «La réalité est que Bond a été produit au Royaume-Uni pendant des décennies et de nombreuses années avant l’introduction du système de crédit d’impôt pour films. Est-il vraiment crédible que le capitaine Bond déserte pour la CIA ?», assène-t-il, en référence à la holding délocalisée aux États-Unis.

Cette attaque de TaxWatch à l’encontre des producteurs de James Bond intervient dans un contexte de crise profond du secteur culturel britannique, en grande difficulté depuis le début de la pandémie mondiale. Malgré les 1,57 milliard de livres sterling débloqué par le gouvernement, les professionnels indépendants du milieu s’estiment lésés par une répartition très inégale des subventions.

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