Exsangues, les institutions culturelles du Royaume-Uni cherchent des raisons d’espérer


Fréquentation en chute libre, jours d’ouverture réduits, revenus laminés… À l’instar du pittoresque musée Charles-Dickens à Londres, les institutions culturelles britanniques sont étranglées financièrement par la pandémie.

Aucun visiteur ne déambule en début de semaine parmi les boiseries de la maison victorienne où a habité, au XIXe siècle, le célèbre auteur d’Oliver Twist, dans le centre de la capitale britannique. Pour cause, la demeure abritant de très nombreux effets personnels de l’écrivain, qui y a connu une période très féconde, est fermée quatre jours par semaine depuis sa sortie de confinement fin juillet.

«Quand nous avons dû fermer nos portes en mars, nous avons soudainement perdu 98% de nos revenus», les recettes du petit musée indépendant provenant de la billetterie et des ventes de souvenirs, explique à l’AFP sa directrice, Cindy Sughrue. «Sans préavis, nous avons dû voir comment nous allions survivre», explique-t-elle. Cette interrogation reste de mise aujourd’hui, avec une fréquentation, en temps normal de 60.000 visites annuelles, divisée par cinq.

Quarantaine pour les voyageurs étrangers, rassemblements entre différents foyers interdits en intérieur à Londres… Les quelque 50% de visiteurs étrangers ont déserté et les Britanniques se montrent frileux, leur pays dénombrant près de 44.000 morts, plus qu’ailleurs en Europe.

C’est un peu comme des montagnes russes

Cindy Sughrue, directrice du musée Charles-Dickens

«Chaque fois qu’il y a une nouvelle annonce du gouvernement ou de nouvelles restrictions, nos chiffres baissent avant de remonter progressivement. C’est un peu comme des montagnes russes», déplore Cindy Sughrue.

Institutions exsangues

L’impact est d’autant plus violent que cet établissement comptait bien marquer cette année le 150e anniversaire de la mort de Charles Dickens. Comme lui, les musées, théâtres et salles de concert, des plus confidentiels aux institutions mondialement connues, sont laissés exsangues par le nouveau coronavirus, avec la perte de centaines d’emplois à la clé. Certains n’ont pas rouvert, découragés par les contraintes sanitaires.

Dans l’urgence, le gouvernement a débloqué une aide de 1,57 milliard de livres, soit 1,72 milliard d’euros. Mais nombreux sont ceux dans le secteur culturel à déplorer un emplâtre sur une jambe de bois.

Je suis absolument certaine que nous rebondirons quand la pandémie sera finie et que le tourisme international reviendra, mais on ne sait pas quand cela arrivera

Cindy Sughrue, directrice du musée Charles-Dickens

Le musée Charles-Dickens a reçu environ 500.000 livres en aides diverses – pour un chiffre d’affaires annuel de 850.000 livres -, qui lui permettront de tenir jusqu’au printemps. «Je suis absolument certaine que nous rebondirons quand la pandémie sera finie et que le tourisme international reviendra, mais on ne sait pas quand cela arrivera», souligne Cindy Sughrue, qui se demande s’il sera vraiment possible de résister jusque-là.

Hockney en vente

Confronté à «la plus grande crise» de son histoire, avec des revenus divisés par deux, le Royal Opera House de Londres a pris une décision radicale : il vend jeudi aux enchères un portrait de son ancien directeur David Webster réalisé par le célèbre peintre britannique David Hockney. La vente devrait générer entre 11 et 18 millions de livres, soit 12 à 20 millions d’euros, selon le journal The Observer.

Vendre des œuvres d’art pour se maintenir à flot, comme l’a récemment osé le musée new-yorkais de Brooklyn ? Cette question très longtemps taboue s’est également invitée à la Royal Academy of Arts, où certains employés demandent que soit cédée une sculpture de Michel-Ange pour sauver 150 emplois, soit environ la moitié des effectifs.

«Vendre une œuvre d’art ou une pièce de la collection d’un musée est la dernière chose qu’une institution souhaite faire», explique Cindy Sughrue, soulignant que son établissement ne sauterait le pas qu’en tout dernier ressort.

Dans un rapport parlementaire paru en juillet, des associations muséales avaient mis en garde contre la vente de pièces de collection, en cas de faillite, qui «annulerait des décennies de dur labeur pour développer» ces institutions et se traduirait par «la perte, potentiellement irrécupérable, de l’accès du public à la plupart de notre héritage national».

En attendant des jours meilleurs, Cindy Sughrue essaie de voir le verre à moitié plein : la crise du coronavirus a aussi permis de mettre au point de nouveaux contenus en ligne, accessibles à un public bien plus large – à défaut d’être très rémunérateurs. «Un des plus grands bienfaits de cette pandémie, c’est qu’elle nous met aussi au défi de penser différemment».

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