découvrez le premier alphabet inclusif récompensé par la Croix-Rouge


Vous hésitez entre homme de lettres et femme de lettres ? Doit-on écrire une auteur, une auteure, une autrice ? Même l’Académie française n’est plus aussi catégorique aujourd’hui. Ou esquivez-vous la difficulté en vous rabattant sur une écrivaine, comme vous y invite le Larousse ? Ne vous torturez plus les méninges : L’inclusif-ve va vous simplifier la vie. C’est en tout cas ce que promettent cette nouvelle police de caractères et son créateur.

Le 15 octobre, lors de la 6e édition du prix Art Humanité à Genève, Tristan Bartolini a été récompensé du Prix du jury pour sa création, une police de caractères qui marque à la fois le masculin et le féminin ou ne différencie plus les genres. C’est selon le point de vue. Cette récompense, créée en 2015 par la Croix-Rouge genevoise et la Haute école d’art et de design (HEAD), couronne chaque année les projets qui allient élan artistique et engagement humanitaire.

Diplômé d’un Bachelor en Communication visuelle, passionné de typographies, Tristan Bartolini a choisi de travailler sur la question de l’écriture épicène pour son diplôme. «En accord avec mes engagements et convictions», explique-t-il à La Tribune de Genève . Conditionnée par la langue, la typographie ne parvient pas à traduire toutes les subtilités de la définition du genre et des possibilités existant entre le féminin et le masculin. «Entre les deux, estime-t-il, il existe une infinitude de possibilités de s’identifier.»

Les nouveaux signes se caractérisent par un mélange graphique des lettres qui composent les terminaisons masculines et féminines. Capture d’écran Twitter / @SandrineRoudaut

Tristan Bartolini imagine alors des signes permettant de marquer l’«inclusivité» et de ne plus différencier les genres dans notre langue. Pour cela, il élabore de nouveaux signes qui se caractérisent par un mélange graphique des lettres qui composent les terminaisons masculines et féminines. En les fusionnant il crée donc une police de caractères non-genrés. L’agglomération d’un r et d’un e donne ainsi un caractère nouveau capable de marquer aussi bien le masculin que le féminin, dans le mot étranger par exemple. Un autre fusionne a et e pour que les articles la, le, les désignent indifféremment les genres. Plus subtil encore, un m et un p sont fusionnés pour créer le mot «mpère». Combinés, tous ces caractères créent de nouveaux mots qu’il nous est impossible d’écrire (et de prononcer) avec notre alphabet latin et ses 26 lettres. Dans l’illustration ci-dessus, on peut par exemple découvrir «l[ae] [mp]arrain[ne]» qui confond parrain et marraine. Tristan Bartolini explique ainsi sa démarche : «avec l’inclusi­f-ve, il nous est permis de se définir en tant que père, fils, parrain, mais surtout en tant que femme».

«L’idée m’est tombée du ciel, explique-t-il. Il y avait beaucoup de débats autour de l’écriture épicène. Elle devenait de plus en plus fréquente dans les documents administratifs, les publicités. Je me suis dit que ce n’était pas qu’une affaire de linguistes, que l’on pouvait amener des solutions graphiques.» Après plusieurs mois de réflexions, sur la rhétorique notamment, Tristan Bartolini commence à travailler en mars à une forme graphique dont le maître mot serait la visibilité. Les caractères doivent être faciles à comprendre mais aussi à utiliser. «J’ai opéré d’interminables allers-retours, en poussant l’expérimentation au plus complexe pour souvent revenir au plus simple», avoue-t-il.

«J’ai simplement créé un outil de communication. D’autres pourraient l’utiliser pour faire passer un message», déclare Tristan Bartolini. Capture d’écran Twitter / @catode_

Pour parvenir à ce résultat, il invente au total une quarantaine de nouvelles lettres non-genrées qui peuvent s’appliquer à des pronoms, des adjectifs ou même à des noms directement créés par l’emploi de cette police. Son travail, prévoit-il, est appelé à intégrer d’autres créations. «J’ai simplement créé un outil de communication. D’autres pourraient l’utiliser pour faire passer un message», explique le jeune homme. Tristan Bartolini est-il le Gutenberg d’une nouvelle révolution syntaxique ?

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