rien de plus qu’un sinistre «Taratata»


On attendait une ambiance joyeuse et même assez légère au festival des festivals, qui s’est tenu jeudi soir au parc de Saint-Cloud en lieu et place de Rock en Seine. Après tout, le gouvernement avait communiqué des annonces de bon augure pour la filière culturelle l’après-midi même. Auréolée de cette réussite, la ministre de la Culture s’est rendue sur place pour rencontrer – et rassurer – les directeurs de festivals. Les patrons des Vieilles Charrues, du Printemps de Bourges, des Francofolies de la Rochelle et d’autres avaient fait le déplacement. La soirée, diffusée sur les antennes de France 2 et France Inter en direct avait été pensée comme un hommage à ces manifestations qui n’ont pu avoir lieu cette année pour cause de pandémie.

Pourtant, on était loin de retrouver l’atmosphère qui règne dans ces manifestations, qui constituent une de ces spécificités françaises (notre pays est celui qui comporte le plus de festivals dans le monde) à laquelle le public et les professionnels sont attachés.

Privés de concert, un aréopage de musiciens avait été choisi par Didier Varrod, directeur de la musique de Radio France, pour se produire sur la scène unique du parc de Saint-Cloud. Mais rien à voir avec la richesse de la proposition habituelle de Rock en Seine, qui offre cinq scènes et des plateaux internationaux de choix. L’an passé, The Cure célébrait ses 40 ans dans un concert mémorable aux allures de grand-messe. Cette année, il fallait se résigner à entendre une dizaine de chanteurs français se produire dans ce qui ressemblait davantage à un plateau de télévision, à mi-chemin entre les «Victoires de la musique» et «Taratata». D’ailleurs, c’est Nagui, accompagné de Leïla Kaddour, qui pilotait la soirée. Encore une fois, la télévision et ses contraintes ont tout écrasé, fragilisant encore plus le rapport entre les artistes et le public présent sur place. Il a ainsi fallu se colleter les interventions fastidieuses d’un chauffeur de salle et les faux applaudissements compensant la tiédeur du public.

Musicalement, on aurait préféré des morceaux un peu plus dynamiques pour marquer ces retrouvailles, plutôt que la tonalité mélancolique de la plupart des titres. Avec deux ou trois prestations chacun, les chanteurs n’ont guère pu installer un ton. Encore une fois, un concert – ou, a fortiori, un festival – n’a pas la même cadence qu’un show télé. À de très rares exceptions près, les performances auront été sans grand éclat. Paradoxalement, c’est dans les duos à la Taratata que la soirée s’est le mieux incarnée. Avec les divines Angélique Kidjo et Yael Naïm réunies pour rendre hommage à Miriam Makeba, Izïa et Jeanne Added sur une somptueuse reprise du Glory Box de Portishead, et dans une collaboration inédite entre Sébastien Tellier et Charlotte Gainsbourg, qui pourrait trouver son prolongement ailleurs.

Noble initiative mais coup d’épée dans l’eau que ce dispositif palliatif censé soulager une filière bien déprimée. À tout prendre, ne vaut-il mieux pas une vie sans concert du tout, en attendant que l’activité puisse reprendre à plein, plutôt qu’avec une soirée aussi frustrante ?

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