Dans la tête de David Lynch, youtubeur inclassable


Un coup d’œil jeté à sa fenêtre et le voilà présentateur météo, annonçant les températures à Los Angeles en degrés Celsius et en Fahrenheit ! David Lynch n’est décidément pas un artiste comme les autres. Depuis le 11 mai, il se met en scène chaque matin dans sa chaîne YouTube. Et la fin du confinement n’a pas freiné son élan créatif.

Le cinéaste américain profite de la plate-forme pour diffuser certaines de ses réalisations les plus sombres. Parmi elles, Fire (Pozar), mini-film d’animation en noir et blanc caractéristique de l’univers onirique propre à David Lynch ou 3R, un court-métrage d’où émerge un inquiétant canard en caoutchouc sur une bande-son angoissante de bourdonnements d’insectes. Insectes que l’on retrouve d’ailleurs dans sa dernière publication du 23 juillet, Ball of bees, 5 minutes 55 de gros plans sur un essaim d’abeilles.

Outre les huit courts-métrages disponibles, la série Rabbits qu’il avait réalisée en 2002 fait son grand retour en ligne. Elle met en scène trois lapins humanoïdes, Jack, Suzy et Jane, évoluant dans un petit salon sobrement décoré.

Des pépites visuelles déroutantes qui ne manquent pas de stimuler l’imagination débordante des fans du réalisateur d’Eraserhead, qui multiplient les interprétations en commentaire et dénichent des références aux précédents films de David Lynch dans des vidéos de moins de trois minutes. Ces très courtes créations sont aussi l’occasion de profiter du travail sonore pointu de l’artiste.

Après dix longs-métrages diffusés dans les salles de cinéma entre 1977 et 2006, le «David Lynch Theater» est une chambre intime dans lequel le réalisateur laisse libre cours à sa «folie» artistique, sans contraintes de productivité ou de rendement. Un lieu de tous les possibles.

Un labyrinthe artistique sans fin

La chaîne YouTube semble amuser le réalisateur américain, qui s’en sert pour partager son quotidien avec son public. Il diffuse ainsi de façon hebdomadaire des conseils de bricolage ou de couture, tranquillement installé dans son atelier californien, dans la série «Sur quoi travaille David aujourd’hui ?». Et avec l’aide de sa productrice de longue date, Sabrina S. Sutherland, il répond aux questions posées par ses fans, devant un symbolique rideau rouge, le même que l’on retrouve dans Blue Velvet, Mulholland Drive ou la série Twin Peaks. Car une chaîne YouTube, ça se décore et ça s’orchestre, comme n’importe quelle autre œuvre d’art.

En attendant une possible quatrième saison de Twin Peaks, l’inclassable chaîne permet de se replonger dans les premières œuvres de David Lynch et d’en savoir plus sur le regard qu’il porte sur son travail et l’actualité. Interrogé sur le projet dont il est le plus fier à ce stade de sa carrière, le nouveau youtubeur répond «Je suis fier de tout sauf de Dune», film de 1984 dont le tournage et les problèmes de budget ont frustré sa liberté créatrice.

Fidèle à lui-même, l’artiste protéiforme se montre optimiste pour les mois à venir : «Je crois que nous, dans le monde entier, traversons une transition. Ces temps soi-disant sombres sont nécessaires pour se rendre dans un endroit bien, bien meilleur». Peut-être cet endroit est-il le prolifique théâtre lynchien, grâce auquel on partage chaque matin une tasse de café fumante avec l’un des plus insaisissables créateurs de tous les temps.

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