Françoise Sagan, l’élégance de la tristesse


Françoise Sagan a toujours assuré ne pas comprendre les raisons du scandale déclenché par son premier roman Bonjour tristesse. Elle l’a écrit dans un café voisin de la Faculté où elle poursuivait des études qu’elle n’est jamais parvenue à rattraper. Elle n’imaginait pas que son histoire d’amour ferait scandale, et encore moins qu’elle se vendrait à plusieurs millions d’exemplaires.

Quand René Julliard, son éditeur, lui a annoncé la somme que représentait ses premiers droits d’auteur (500 millions d’anciens francs), elle a été abasourdie. Encore mineure- elle n’avait pas 21 ans, elle a demandé à son père ce qu’elle devait faire de tout cet argent. Cet industriel qui, derrière sa rigueur, dissimulait une certaine folie, lui a conseillé de le dépenser. Elle a suivi son conseil, un peu trop au pied de la lettre.

Elle a ainsi créé, petit à petit, une légende d’une femme futile, mondaine. Irresponsable. Cela a fait oublier à certains qu’elle était avant tout un auteur d’exception.

Entre deux livres à succès, rédigés entre minuit et six heures du matin, elle a brûlé sa vie et sa fortune. Aimant plus que tout sortir et boire, et s’amuser, elle a hanté, pendant des nuits entières, des bars et des discothèques, accompagnée d’amis (Juliette Gréco, Bernard Frank, Jacques Chazot, etc) que la presse s’échinait, disait-elle, à baptiser comme sa « bande d’énergumènes ».

L’amour du jeu lui a fait perdre beaucoup d’argent, sauf le 8 août 1958, au casino de Deauville. Ce soir-là, elle quitte la salle avec huit millions de francs. Résistant à la tentation de remettre cette somme en jeu, elle l’a investie dans l’achat d’un manoir à Équemauville, près de Honfleur. C’est là qu’elle va tenter, en vain, de se remettre d’un accident de voiture qui a changé son destin.

Par amour du risque, elle s’offre, dès ses débuts, des bolides aussi rapides que son ascension. Au milieu des années 50, elle multiplie des courses folles auxquelles ses proches la supplient de renoncer. En vain. Elle s’imagine invincible. Le 13 avril 1957, sur la RN 448, près de Milly-la-Forêt, elle perd le contrôle de son Aston Martin, lancée à 160 km/h. Souffrant de multiples fractures, elle passe plusieurs jours entre la vie et la mort et reçoit même l’extrême-onction. « Comme ça, je suis certaine d’aller directement au paradis », dira-t-elle plus tard, en souriant, pour mieux dissimuler une souffrance à laquelle seule la mort mettra fin.

À l’hôpital, pour calmer ses douleurs, les médecins lui administrent en effet pendant trois mois du Palfium 875, un dérivé de la morphine. Malgré une cure de désintoxication, la drogue devient essentielle à son quotidien. Elle gâche une élégance naturelle de vivre que le documentaire de Marie Brunet Debaines cerne parfaitement. « On ne peut perdre son temps qu’en pensant à le gagner », assurait -elle. Cette formule résume un parcours et une œuvre que Denis Westoff , son fils, continue à faire vivre. Grâce à lui, une plaque a été apposée sur la façade de l’immeuble où elle a grandi, à Paris, et sur la plage de Deauville, dont elle est restée une habituée, même pendant ses dernières années, quand elle s’est financièrement retrouvée sur le sable…

Retrouvez ici le magnifique documentaire de Marie Brunet Debaines. Abonnement gratuit sur Madelen deux mois, puis 2,99 euros par mois.

.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*