Tarantino se désole du niveau des critiques de cinéma aujourd’hui


«Je ne suis plus réalisateur, mais écrivain.» Les tarantinophiles sont prévenus. Après le dixième et dernier long-métrage qu’il lui reste à réaliser, Quentin Tarantino lâchera la caméra pour prendre le stylo. Devenir critique ? Un désir qu’il exprime depuis plusieurs mois, et dont il refait part aujourd’hui dans les pages de Première.

«Je ne réfléchis pas au futur de ma carrière de réalisateur, confie le cinéaste de 57 ans. Je me projette beaucoup, en revanche, dans ma carrière d’écrivain. Je veux écrire des pièces, des romans, des livres sur le cinéma. Et maintenant que je ne suis plus cinéaste à proprement parler, je me sens plus libre d’évaluer le travail des autres.»

D’ailleurs, le réalisateur de Pulp Fiction n’a pas attendu pour se pencher sur le travail de ses pairs. Depuis quelque temps, il rédige des critiques de films des années 60 et 70 sur le site du New Beverly, son cinéma basé à Los Angeles. Et selon lui, ses nouveaux confrères ne sont pas vraiment à la hauteur…

«J‘ai grandi en lisant des critiques écrites par des professionnels, explique le cinéaste, citant Pauline Kael et Andrew Sarris comme références. À une époque où, pour écrire sur les films, il fallait savoir construire une phrase, penser le cinéma, être embauché par une rédaction. Aujourd’hui, il y a une démocratisation où ces prérequis ne sont plus considérés comme essentiels, et qui produit un paquet de conneries.»

«Une révélation doit avoir lieu»

Selon Tarantino, ce manque de rigueur se lirait dans des articles, vidéos et podcasts de piètre qualité desquels toute analyse serait sinon absente, du moins très faible. «Maintenant la plupart des gens qui écrivent sur Internet ou enregistrent des podcasts sonnent juste comme des fanboys, poursuit-il. Il n’y en a pas assez de vraiment investis dans la théorie, l’analyse et l’écriture. Le bon côté, c’est que ça met encore plus en valeur ceux qui savent écrire.»

Parmi les rares plumes qui trouvent grâce à ses yeux aujourd’hui, Manohla Dargis, journaliste du New York Times dont il a admiré la manière de décrire une scène de son dernier film, Once Upon A Time… In Hollywood. «Quand Cliff Booth [Brad Pitt] pénètre dans la maison de George Spahn [Bruce Dern], il voit un rat pris au piège qui agonise dans un coin, explique-t-il. Le rat est en train de couiner. Manohla Dargis souligne que c’est comme si le rat criait le nom du personnage de Dakota Fanning, Squeaky. J’ai trouvé ça très malin. Voilà un truc marrant à écrire dans une critique».

Au fait, comment fait-il, lui, pour écrire une bonne critique? «D’abord, il faut que j’aie quelque chose d’intéressant à dire, explique le réalisateur de Pulp Fiction. Un argument à développer, une observation à faire, un truc à raconter sur un acteur, un thème ou un réalisateur. Puis, au fil de l’écriture, je dois découvrir quelque chose de plus profond – à propos du film ou de mes sentiments à son sujet. Je peux très bien commencer par écrire une critique négative et changer d’avis en cours de route ! Une sorte de révélation doit avoir lieu. Enfin, il faut une bonne chute, conclure d’une façon satisfaisante.»

En parlant de chute. Comment compte-t-il terminer sa carrière de réalisateur ? «Il me reste un film à faire, conclut-il. Je ne sais pas encore à quoi il ressemblera, mais je suis écrivain désormais».

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