Pedro Almodovar, les choses de sa vie sur Canal +


L’héroïne est une drogue décevante. On revoit des images de son enfance. La mémoire aurait suffi et cela aurait coûté moins cher. Voilà ce que c’est, de prendre soudain des substances prohibées quand on a la soixantaine. Salvador Mallo a des excuses: il ne va pas bien. Ce cinéaste espagnol plus ou moins en panne a des migraines et des acouphènes. Son dos le torture. Il tousse, s’étrangle. Des diagrammes animés résument ses multiples problèmes de santé. Le moral est au plus bas.

Douleur et gloire [VOST] [Bande annonce] – Regarder sur Figaro Live

La Cinémathèque de Madrid veut lui rendre hommage. On a restauré Sabor, l’un de ses premiers films. Pour l’occasion, il renoue avec son acteur Alberto, à qui il n’a pas adressé la parole depuis des siècles. Ensemble, ils s’en fourrent plein les narines. Salvador fait ça avec un enthousiasme de néophyte. La poudre a le don de chasser le dragon. Le présent s’éloigne au galop et les flash-back plongent dans un passé enchanté, retournent dans ce village brûlé de soleil, aux murs blanchis à la chaux, où des lavandières chantaient en riant. Salvador a été cet enfant de chœur qui s’exerçait aux vocalises, cet écolier qui apprenait à lire et à écrire au maçon qui retapait la maison et qui se demandait si Liz Taylor reprisait les chaussettes de Robert Taylor.

Dans son appartement moderne, peuplé d’œuvres d’art, le réalisateur se tourne les pouces, lit Éric Vuillard, repense à Niagara et à La Fièvre dans le sang. Visiblement, son époque le déçoit. Il n’a plus goût à rien. Les visites chez le médecin se succèdent. Son assistante le secoue. Les hôpitaux sont devenus ses résidences secondaires. Il a quand même écrit une pièce intitulée Addiction.

Bas les masques

Douleur et gloire (bof, le titre) est un film chuchoté, songeur et désabusé, un long soupir désolé, une sorte de pauvre sourire. Almodovar a abandonné ses fanfreluches habituelles. Ses aficionados trouveront sans doute que l’œuvre manque cruellement de bonnes sœurs atteintes du sida. Ils auront tort. Ce patchwork fourmille de petites anecdotes, de moments fugitifs. Les digressions abondent. Il y a une affiche de Huit et demi, ce qui ne constitue sûrement pas un hasard. Salvador s’immerge dans une piscine en apnée, se souvient du corps nu d’un ouvrier analphabète, retrouve un ancien amant dont il sait bien qu’il aurait pu être l’amour de sa vie. Ils ont tous deux été lâches. Quels idiots! Combien d’années se sont-elles écoulées depuis ces choses? Le temps ne passe plus. Il coule.

Antonio Banderas s’est fait le visage de l’emploi. Il est coiffé comme s’il avait mis sa tête dans une centrifugeuse. Almodovar tombe le masque. C’est un gamin sensible qui a grandi dans les jupes de sa mère. Quand il l’évoque, il lui offre le physique de Penélope Cruz. On entre dans ses rêves et ses soucis. On pénètre dans ses regrets. Ils sentent la poussière, l’encens, le ciment frais. Ils ont une odeur de fantômes et de nostalgie. Pedro Almodovar s’attendrit sur lui-même avec une tristesse non feinte. C’était donc cela, sa vie, ça n’était que cela?

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