«Le snobisme de la réclusion»


CHRONIQUE – Nous poursuivons notre feuilleton consacré aux chefs-d’œuvre de la littérature confinée. Cette semaine, À rebours, de Huysmans (1884), le portrait d’un agoraphobe blasé.

Par Frédéric Beigbeder

Frédéric Beigbeder
Frédéric Beigbeder François BOUCHON

Le duc Jean Floressas des Esseintes, 30 ans, choisit de quitter la haute société parisienne pour s’enfermer dans sa maison de Fontenay-aux-Roses. Il devient l’ermite le plus décadent de l’histoire littéraire, jusqu’à influencer Oscar Wilde, qui lui rendit hommage dans Le portrait de Dorian Gray.

Cet esseulé volontaire se gave de dîners de couleur noire, s’abreuve de cocktails mixés avec un «orgue à bouche», caresse les grimoires latins et grecs de sa bibliothèque, s’entoure de peintures morbides et de bibelots précieux, bref, il jouit du raffinement le plus misanthrope comme un esthète hypocondriaque, jusqu’à la folie: il promène dans son salon orange et bleu une tortue dont la carapace est incrustée de rubis (la pauvre bestiole finit par en mourir), il cultive un jardin de plantes carnivores, et fantasme sur une prostituée ventriloque. Des Esseintes aurait détesté le Covid-19 qui a démocratisé le cloisonnement. Sa réclusion est en effet l’aboutissement d’un snobisme: il s’enferme parce

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