Les théâtres d’Avignon jugent «inconcevable» un maintien du festival cet été


«Le courage bien souvent est dans la prudence, parfois dans le renoncement.» A la lecture du communiqué, on devine qu’il n’a pas été facile à écrire. Scènes d’Avignon, le collectif des «théâtres ouverts toute l’année» dans la cité des Papes, a pris position sur l’épineuse question d’un maintien de l’édition 2020 du festival au temps du coronavirus. Quelques jours après les déclarations d’Olivier Py, patron de la manifestation, qui rappelaient qu’il se tenait prêt mais que la décision ne lui revenait pas, les patrons des salles avignonnaises se montrent plus pressants.

«Il va de soi que tous les acteurs culturels et économiques souhaiteraient la tenue en bonne et due forme de cette grande célébration de l’art que représente le Festival d’Avignon. L’annulation représente des moi d’efforts, de travail et de créativité réduits à néant», expliquent les représentants de Scène d’Avignon. Ils s’alarment bien évidemment des «grandes perte économiques» qui mettraient à mal leurs structures et du «déchirement» pour les artistes et le public que constituerait une année sans édition.

Il nous paraît inconcevable d’imaginer un public masqué et apeuré parcourir nos théâtres et la cité des Papes

Communiqué du collectif Scènes d’Avignon

Mais les inquiétudes sont au moins aussi fortes en cas de maintien de la manifestation expliquent les patrons de théâtres. «Quel public fréquentera les salles ?, s’interrogent-ils. Quelle serait la fréquentation des théâtres dans un contexte de crise économique mondiale ? Et dans quelle atmosphère ?» «Le théâtre étant le lieu d’expression privilégié de la pensée et des sentiments humains, d’ouverture sur le monde, il nous paraît inconcevable d’imaginer un public masqué et apeuré parcourir nos théâtres et la cité des Papes.» Le message est sans ambiguïté aucune : le Festival d’Avignon ne peut pas se tenir cet été en raison des risques que fait peser la crise sanitaire. Mais encore faut-il le décider et prendre la responsabilité de l’annoncer.

«Il ne revient ni aux Scène d’Avignon, ni au festival Off, ni au festival In de prendre la décision», estime le collectif qui «presse les autorités à prendre position». Cette demande est d’autant plus pressante que la France, l’une des plus importantes destinations pour le tourisme culturel au monde grâce, notamment, à ses festivals d’été, peine à arrêter une ligne de conduite contrairement à beaucoup de manifestations à l’étranger.

Pour Avignon, ville de 90.000 habitants, et ses environs, les enjeux sont, il est vrai, immenses. En 2019, plus de 200.000 places ont été vendues (dont 106.000 pour le seul festival In) auxquelles il faut ajouter 30.000 entrées à des manifestations gratuites. Les centaines de compagnies présentes, les milliers d’artistes et de techniciens mobilisés, proposent chaque année environ 1500 spectacles différents. Le département estime que plus de 150.000 personnes viennent à Avignon spécifiquement pour le festival, avec autant de retombées pour les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, etc. De son côté, le ministre de la Culture Franck Riester a annoncé en début de semaine dernière la création d’une cellule pour «apporter un accompagnement au cas par cas aux organisateurs».

Mais le temps presse. Pour le festival In d’Avignon, Olivier Py a expliqué mercredi dernier qu’il se tenait prêt et qu’il attendait une réponse des autorités avant le 15 mai, date au-delà de laquelle les contraintes, notamment techniques, ne lui permettront plus de préparer l’édition du festival 2020. La région Paca a également demandé au gouvernement d’arbitrer les plus vite possible pour mettre fin à l’incertitude. Depuis, les perspectives se sont encore assombries avec l’annulation de nouvelles manifestations en France comme Lollapalooza à Paris ou le Hellfest près de Nantes.

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