Avec le Covid-19, le calendrier des salons et des foires d’art vire au casse-tête


Reports ou annulations, le calendrier des foires est mis à mal avec le coronavirus qui touche tous les continents. Collectionneurs, fondations, musées et institutions s’apprêtent à vivre un marathon intenable à la rentrée – voire dès juin – où tous les évènements vont se bousculer, voire se télescoper, en un temps très court. Il leur faudra choisir…

Initialement décalée du 28 au 31 mai, la 29e édition du Salon du dessin au Palais Brongniart a finalement été annulée. Mais pas encore Drawing Now, consacré à la période contemporaine, au Carreau du Temple, qui devait avoir lieu en même temps, pendant la traditionnelle semaine du dessin à Paris offrant une multitude d’expositions et de ventes aux enchères, entre Drouot, Christie’s et Sotheby’s. Celui-ci est toujours maintenu du 29 mai au 1er juin.

«Une édition en ligne du salon du dessin ne correspond pas à l’esprit des collectionneurs de dessins, la décision se fait toujours devant l’œuvre elle-même. Pour ce domaine, il y a une présence physique de la feuille indispensable pour juger de son intérêt et de son état que rien ne peut remplacer», a commenté son président Louis de Bayser. «Beaucoup d’exposants sont soulagés par cette décision. Entre les incertitudes de l’évolution de la crise sanitaire, la peur des visiteurs se retrouver dans un lieu confiné, et le fait que les collectionneurs, notamment Américains n’auront pas envie de venir en Europe, il était irréaliste de vouloir maintenir le salon, ajoute-t-il. D’autant que nous n’avons aucune visibilité sur comment va réagir le marché mis à mal avec la crise financière et bien d’autres paramètres…»

«Maintenant, je me concentre sur la rentrée avec la préparation du salon Fine Arts Paris, du 18 au 22 novembre, dans la cour du Dôme des Invalides. Nous serons 70 exposants mais du coup, on aura peut-être plus de demandes», explique encore Louis de Bayser. Créé en 2017 par les organisateurs du Salon du dessin, en partenariat avec Paris Tableau, ce salon dédié aux Beaux-Arts de l’Antiquité à nos jours, avait déjà récupéré les mécontents de la Biennale des antiquaires au Grand Palais, rebaptisé Biennale Paris. Sous la houlette de Georges de Jonckheere, grande figure du marché de l’art spécialisé dans la peinture flamande (et membre de longue date du Syndicat national des antiquaires; le SNA), cette manifestation qui pourrait renaître de ses cendres aura lieu du 17 au 21 septembre sous la verrière.

Il faudra s’armer de courage pour le marathon car, après, vont s’enchaîner les foires: la Frieze de Londres (du 8 au 11 octobre) à Regent’s Park, en même temps que le Pad Londres, à Berkeley square (à partir du 5), puis la Fiac (du 22 au 25 octobre) et, en même temps, le Pad Paris aux Tuileries dont la décision de report est tombée ce mardi (du 22 au 25 octobre). Il était initialement prévu du 12 au 17 mai, trop tôt, compte tenu du confinement.

Cette nouvelle date pourrait lui être favorable avec la venue des collectionneurs internationaux pendant la Fiac qui crée une effervescence à Paris. Mais elle posera inévitablement un problème à certains marchands qui font les deux et même certains, comme Jousse et Kreo, la Fiac. Le calendrier ne sera pas tenable. Il faudra ne pas lasser les collectionneurs et trouver de la marchandise… Du côté d’Art Paris, la date est maintenue, du 28 au 31 mai. Mais il y a fort à parier que celle-ci sera décalée à juin, du fait du report d’Art Basel (initialement prévue du 18 au 21 juin) du 17 au 20 septembre prochain. Déjà décalée d’avril à fin juin (du 25 au 28), la foire Art Brussels sera-t-elle maintenue?

Face à cette avalanche de reports qui ne sont pas de nature à donner confiance, l’envie d’acheter de l’art reviendra-t-elle avant l’été? C’est la question que tout le monde se pose car personne ne sait encore comment il ressortira de cette crise. Il faut se préparer psychologiquement et tous auront sans doute d’autres priorités. «Nous avons envoyé certains dessins à des clients mais nous n’avons eu aucune réponse à ce jour. Cela veut tout dire. Chacun a ses soucis du moment» confirme Louis de Bayser. L’annulation du salon Masterpiece il y a quelques jours en est la conséquence. Les organisateurs ont préféré parer la catastrophe, en remboursant aux exposants 85% du prix de leur stand et en leur demandant de payer 15% pour leur garantir une place en juin 2021.

Cette voie de la sagesse, tous ne l’ont pas suivi. Ils n’ont pas vu la vague arriver ou n’y ont pas cru. Et ils s’attirent aujourd’hui les foudres du marché de l’art! «Il est vrai qu’un salon, c’est beaucoup de préparation et d’investissement financier. Quand on est le nez dedans, on est dans une bulle, et on est jusqu’au-boutiste. Il faut que cela se fasse coûte que coûte. C’est ce qui s’est passé avec la Tefal Maastricht dont la date est mal tombée. J’ai senti le danger mais je ne me suis pas rendu compte à quel point c’était grave, jusqu’à ce que la foire ne ferme prématurément, le 11 mars, quatre jours avant la fin», explique un de ses exposants.

Une centaine d’entre eux touchés par le Covid19 réalise maintenant à quel point la situation est grave. Près de 29.000 visiteurs se sont réunis dans le hall d’exposition au final. Et les cas, dont certains en soins intensifs, se sont multipliés parmi les exposants et les visiteurs (des collectionneurs aux conservateurs en passant par certains de nos politiques) à leur retour, dans les deux semaines suivant la fermeture. Certains marchands furieux se sont indignés sur les réseaux sociaux, mentionnant que la foire n’aurait pas voulu les rembourser de toutes les façons et qu’ils ne reviendraient pas l’année prochaine.

Fallait-il tout annuler? Un marchand d’art italien – cas déclaré asymptomatique dont on sait maintenant qu’il peut transmettre le virus – dit avoir fait savoir, dès le lundi, quatre jours après l’ouverture, qu’il était testé positif. Et la foire a portant mis deux jours à réagir avant sa fermeture. Mais le président de la Tefal, Nanne Dekking (fondateur d’Artory basé à New York) qui estime «être quelqu’un de très responsable» dit avoir «été obligé de mener l’enquête émanant d’une simple rumeur, pour savoir qui contacter, faute d’avoir son numéro de téléphone».

Il ajoute: «99% des exposants voulaient quand même faire la Tefal. Ils ont été consultés un par un. Le maire de Maastricht , la province du Limbourg sud, les autorités des Pays-Bas, personne n’avait donné d’ordre d’interdiction aux vues des conditions sanitaires. Il y a un comité de 7 personnes, je ne suis pas tout seul à décider. Nous avons eu des réunions avec tous les experts du sujet tous les matins pour faire le point sur la situation». La Tefal n’a pas prévu de dédommager les exposants pour l’annulation des quatre dernières journées. Elle n’avait pas prévu non plus de les rembourser si la foire était annulée. Le nerf de la guerre dans tout ce chamboulement reste bien l’argent.

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