Les apocalypses confinées de Philippe Druillet et François Avril


L’image est si étrange, si puissante et belle, qu’elle fonctionne quasiment comme une apparition surréaliste. Le ciel y est laiteux, éclairé par une série de lunes doubles. La ligne d’horizon, fracturée de hautes montagnes fantômatiques, découpe un horizon inquiétant …

Au premier plan, une sorte de grand totem vert lovecraftien se détache de la brume. Il tient en main un sceptre… à moins qu’il ne s’agisse du manche brisé d’une épée. Le paysage laisse deviner un alignement d’idoles similaires, toutes plus effrayantes les unes que les autres.

On pense furtivement aux immenses statues de l’île de Pâques. Cette grande toile peinte entre également en résonnance avec les alignements de Carnac, ou le site mégalithique de Stonehenge. Bouches ouvertes, criantes de vérité, ces impavides déités muettes disent plus de choses que n’importe quel aboyeur de fausses nouvelles.

Entre l’univers calme, élégant et architecturé de François Avril et celui plus bouillonnant de Philippe Druillet, la connection n’était pas évidente… et pourtant ça marche. Philippe Druillet François Avril /éditions Barbier 2020

En feuilletant l’ouvrage «Apocalypses» qui compile les 42 pièces (dont 27 toiles grand format) créées à quatre mains par les deux dessinateurs de BD Philippe Druillet et François Avril, on ne peut s’empêcher d’être impressionné.

Rencontre au sommet

Voici une rencontre au sommet pour le moins inattendue. Entre l’univers calme, élégant et architecturé de François Avril (Le voleur de ballerines) et celui plus bouillonnant de Philippe Druillet (Les voyages de Lone Sloane, Carthage ou dernièrement Babel), la connection n’était pas évidente. Et pourtant, le résultat est là, extraordinaire, singulier, prodigieux de beauté, et d’originalité.

Entre Druillet et Avril l’alchimie a fonctionné. Lle résultat est là, extraordinaire, singulier, prodigieux de beauté, et d’originalité. Philippe Druillet/ François Avril aux éditions Barbier

«Ce projet est parti d’une idée que j’ai eue en achetant un dessin de Philippe Druillet, il y a longtemps maintenant, raconte François Avril. C’était une image pour Excalibur, un décor à plusieurs lunes… Un paysage de bord de mer avec des formes qui sortaient de falaises, des gueules hurlantes et calmes à la fois. Ou plutôt, il y avait des espaces calmes. Quelque chose dans lequel je me suis retrouvé, quelque chose de… moi.»

Philippe Druillet – François Avril… ou le tandem étonnant de deux artistes aux styles diamétralement opposés, qui ont réussi à forger une oeuvre à quatre mains absolument somptueuse. Philippe Druillet/ François Avril aux éditions Barbier

Ces deux grands artistes ont ainsi trouvé leur marque l’un par rapport à l’autre. C’est ce mariage réussi entre l’eau et le feu qui provoque la beauté et l’attirance sur chacun des tableaux de cette apocalypse apaisée, confinée.

«Il faut respecter l’autre, énormément, parce qu’il ne s’agit pas de tirer la couverture à soi, explique encore François Avril, le véritable maître d’oeuvre de cette aventure artistique innovante. Ce n’est pas un combat, c’est un accord. Et c’est ce que nous avons réussi à faire, je crois.»

Cette collaboration magique entre Druillet et Avril s’expose à la galerie Barbier comme une évidence. Philippe Druillet/François Avril éditions Barbier

Philippe Druillet ajoute quant à lui: «On peut parfois s’associer avec quelqu’un pour une exposition et puis on voit qu’il y a des erreurs ou – comment dire – une incompréhension. Mais, ici, chaque fois que je vois le travail terminé, je me dis mais c’est l’évidence même.»

Les éruptions graphiques dont Druillet est coutumier sont l’occasion de mettre en scène des montagnes hallucinées en pleine éructation, ce qui suggère des cataclysmes terribles telle la tragédie du Vésuve à Pompéi, en 79 av. J-C. Philippe Druillet/François Avril éditions Barbier

L’évidence de cette collaboration magique s’expose ainsi à la galerie Barbier. Les 42 pièces (dont 27 toiles) accrochées au mur sont un régal pour l’oeil. «Deux tiers des oeuvres présentées ont déjà été acquises par des collectionneurs ou de simples amateurs», précise même le galeriste Jean Baptiste Barbier.

Et même si la galerie est actuellement fermée compte tenu de la crise sanitaire traversée par le pays, on peut toujours aller sur le site admirer les oeuvres, ou bien commander le catalogue de l’exposition.

«Apocalypses» de François Avril et Philippe Druillet, 112 p., Éditions Barbier,150 €. Galerie Barbier, 10, rue Choron, 75009 Paris Rens.: https://www.galeriebarbier.com/

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