Sekou Doumbouya, année 1 : condensé original entre grosses promesses et prise de conscience essentielle pour l’avenir


La NBA compte officiellement un Français de plus en ses rangs depuis le 21 juin dernier. Passé par le labo Centre Fédéral avant de faire connaissance avec les adultes du côté de Poitiers et Limoges, Sekou Doumbouya a fait le grand saut et joue aujourd’hui dans la cour des grands. Un an après son arrivée dans la Grande Ligue, on se pose et on fait le point sur la saison rookie du gamin. Spoiler… c’est difficile à suivre.

La Draft

21 juin 2019, Barclays Center de Brooklyn. « With the 15th pick in the 2019 NBA Draft, the Detroit Pistons select Sekou Doumbouya from Orléans, France. » Le genre de phrase en forme de trampoline, le genre de phrase parfaite pour coller en édito du roman de toute une vie. Sekou et sa bande s’attendaient peut-être plutôt à atterrir du côté des Wizards – les Sorciers possédaient le pick 9 – mais la franchise de D.C. privilégiera finalement la piste japonaise en faisant all-in sur Rui Hachimura. Soit. Le quart d’heure suivant sera long, long, looooong pour la Doumbouya Fam’, et après d’autres destinées choisies par les FO des Hornets, des Wolves, du Heat ou des Celtics, c’est finalement avec le pick 15 que les… Pistons jetteront leur dévolu sur la liane de Conakry. Casquette de Detroit vissée sur la tête pour le premier Frenchie de l’histoire à enfiler ce mythique jersey, l’histoire n’attend plus que lui…

Le process s’annonce long

Après les premiers éclats de joie logique – le gars est en NBA, merde – faisant suite à sa Draft, les premières updates sont synonymes de sourire grand comme les bras de Sekou. Les vétérans Andre Drummond, Blake Griffin ou encore Reggie Jackson valident le choix de leur franchise et accueillent à bras ouvert le Français, c’est déjà ça. Rapidement néanmoins… un orage violent va s’abattre sur la Team Pressés : un orage commandé par Dwane Casey. Pour le coach des Pistons notre Sekou national est encore bien vert et il ne faudra pas s’étonner si le gamin effectue tout ou presque de sa saison rookie… en G League.

« Il aura tout le mois de septembre et d’octobre pour vraiment travailler et essayer de comprendre ce que nous faisons, mais pour jouer ces matchs, on verra où il en est à la fin du camp d’entraînement. S’il est prêt à jouer avec nous, il sera avec nous. Mais si ce n’est pas le cas, il y passera du temps [en G-League, ndlr]. »

Une décla assez brutale évidemment, mais qui finalement… fait plutôt sens. On rappelle ici que le Doumb’ est juste le… plus jeune joueur de la Ligue – il a fêté ses 19 berges en décembre – et que, comme le dit bien l’adage céréalier, rien ne sert de courir sans Cherrios. Sekou devra aller chercher ses minutes, la base hein, et le stop est en tout cas officiel pour ceux qui imaginaient voir leur sauce rentrer dans le cinq dès le début de saison : il faudra être pa-tient. Dwane Casey n’est néanmoins pas fermé et attend juste de voir ce que donne son Super Poulain, décidément cet article est sponsorisé petit-déjeuner.

Les débuts

Ils sont timides, plutôt logique. Nous sommes le 23 novembre, c’est la Saint-Clément et le monde croit encore que pangolin est le nom d’un dessin animé qui passe dans Midi les Zouzous. Sekou Doumbouya ? Toujours l’âge de kiffer ce genre de programme mais ce soir-là il foulera surtout le premier vrai parquet NBA de sa carrière. On oublie volontairement la pré-saison hein, et ce jour-là c’est donc au Fiserv Forum de Milwaukee que l’ancien Limougeaud écrit les premières pages de son nouveau bouquin. Les premiers gribouillages en fait. Un match déjà plié depuis long time, deux remises en jeu, youhou, un rebond arraché à lui par… Andre Drummond, une tentative de béquille par cet empaffé de Dragan Bender, un backdoor évitable laissé à D.J. Wilson et, cerise sur le gâteau, un énorme air-ball à 3-points histoire de (ne pas) prendre confiance. Ça y est, Sekou est un joueur NBA et c’est déjà pas mal. Quelques jours plus tard les premiers points tomberont face aux Spurs, le mois de décembre parait long mais si le gamin ne voit le terrain qu’avec parcimonie, il a désormais un pied et demi dans un semblant de rotation. Remember les propos de Dwane Casey, on est plutôt pas mal niveau process.

L’explosion

Janvier 2020, Sekou Doumbouya a 19 ans, quel grand garçon. Son total de points en 2019 ? Neuf, y’a pas de quoi fouetter un chat et tant mieux, car on rappelle que fouetter un chat est passible de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende. Mais revenons aux humains. Le début de la fin commence à se faire ressentir du côté de Detroit et les nombreuses absences propulsent Doumbouille… titulaire. Face aux Clippers. De Kawhi. Paye ton baptême du feu mais le petiot ne se défile pas. Une défense solide, une énorme intensité déployée, un gros putback fêté comme il se doit par son banc et quelques buckets dans une fin de match débridée ? 10 points et 11 rebonds ? On est sur une première réussie, clairement, et la suite n’en sera que plus belle. Car suite à cette vraie naissance en tant que joueur NBA qui compte, Dwane Casey va décider de redonner sa confiance à son U20. Et bien lui en a pris, clairement. Deux jours plus tard les Pistons poursuivent leur tour de la Côte Ouest et affrontent cette fois-ci les Warriors au Chase Center. Cette fois-ci Sekou fait péter un second double-double en deux matchs (16 points et 10 rebonds) mais agrément tout ça d’un énorme chase-down et d’un 4/7 du parking de Beaublanc. La hype monte tranquillement, Detroit a peut-être trouvé sa nouvelle darling… et nous aussi. Nous aussi car quelques jours plus tard, après avoir défendu comme il le pouvait sur LeBron James et/ou Anthony Davis, Sekou passe la seconde et as-sas-sine Tristan Thompson en le mettant sur l’un des plus gros posters de l’année, sans aucun chauvinisme on vous jure. Pour les curieux tapez Doumbouya Thompson sur YouTube, et n’oubliez pas de rappeler que vous avez plus de 18 ans.

La suite ? Une vraie intégration dans le roster, quasi 27 minutes de moyenne en janvier et l’annonce d’une fin de saison très probable de Blake Griffin, le malheur des uns fait décidément le bonheur des autres. Le pic de forme de notre Gaulois arrivera en tout cas dans la nuit du 15 au 16 janvier, à Boston, dans une étonnante victoire des siens face aux Celtics. 24 points en 27 minutes, à 10/13 au tir, et la validation tout haut de ce que tout le monde pense tout bas depuis trois semaines : les Pistons tiennent une vraie pépite. Le microcosme qui le côtoie ne s’y trompe d’ailleurs pas et apprécie le show :

« Je suis juste impressionné par son absence de peur à chaque match-up. LeBron, Kawhi, Paul George, Draymond, K-Love. Il les prend les uns après les autres et il s’en fout. C’est comme ça que ça se passe dans cette Ligue, les enfants ne sont pas acceptés. » – Derrick Rose

« C’est un bon gamin. Il veut apprendre. Il va devenir chaud. Une chose est sûre, il n’a pas peur. Il ne sait pas vraiment ce que c’est que la NBA mais il va se battre tous les soirs. Il se comporte comme un joueur plus âgé. En tant que vétéran, c’est ce que j’attends d’un rookie. C’est mon gars. […] C’est ‘The Prince’. Vous verrez, dans cinq ans il portera Detroit sur son dos, je vous le promets. Il fait un travail incroyable en tant que titulaire et il a un grand futur. Il est en train de faire changer les choses ici. » – Markieff Morris

« Il apprend vite. Les nuances et tous les petits détails, couvrir le terrain. C’est incroyable toutes les bonnes choses qui arrivent lorsque l’on court des deux côté du parquet. Si tu trottines, ça peut vite se compliquer. Il a plutôt bien intégré ça. C’est sûrement l’un de nos meilleurs joueurs pour les cuts, il lit bien le jeu et sait comment s’y prendre pour punir dès qu’un adversaire est un peu endormi. En plus il met des tirs à 3-points, il s’est bien intégré. […] Je ne veux pas sur-réagir mais j’aime ce à quoi pourrait ressembler son futur. » – Dwane Casey

Tout va bien dans le meilleur des mondes, si Sekou continue ça sent le Rising Stars à plein nez, et on commence même à se demander où placer l’ado entre Jordan et LeBron dans la course au GOAT. Tout. Va. Bien.

Le retour sur Terre

Sauf que toute « bonne » saison rookie connait son rookie wall, et celui de Sekou va être violentissime. Les fameux 24 pions à Boston ? Profitez-en car de telles performances il n’y en aura plus des masses, il n’y en aura même plus du tout. La faute à… plusieurs choses. La première, et c’est très logique, la NBA connait désormais Sekou Doumbouya et les passe-droits n’existent plus. Les cut ne sont plus aussi tranquilles, on lui met régulièrement un vrai défenseur sur le dos, et les chiffres s’en ressentent forcément. En parallèle à ça et c’est plus problématique, son coach ne semble guère goûter à ce coup de frein à main et met alors un giga coup de pression après un non-match de son junior :

« Le plus/minus de notre rookie ce soir était de -20 en 7 minutes. Je ne sais pas à quel point il faut mal jouer pour en arriver là. Il faut que nous l’aidions à retrouver la flamme parce qu’il a perdu ce zeste, ce feu qu’il avait en lui dans les premières semaines. On va le remettre sur pieds. Encore une fois, c’est encore un jeune joueur et on va l’aider à retrouver la flamme. C’est beaucoup pour un joueur qui a à peine 19 ans. Il doit grandir. Il a le talent, on doit juste continuer à le développer, pas seulement en tant que basketteur mais aussi en tant qu’homme. Il doit comprendre ce que ça veut dire d’être un pro. Il y a des chances pour qu’il retourne en G League, juste pour avoir plus de temps de jeu et retrouver cette soif, travailler sur ses fondamentaux et qu’il ait plus de temps pour s’entraîner parce qu’on ne s’entraîne pas beaucoup. On va regarder tout ça dans les prochains jours. »

Ciblé par les défenses et ayant donc beaucoup de mal à trouver des alternatives, Sekou semble également avoir un peu de boulot à faire côté comportement. Les proches du joueur le savent, le dilettantisme a souvent guetté notre ami sauf que là on parle d’une carrière NBA et le moindre écart peut très vite construire une réputation. On le voit par exemple partager ses highlights… à la mi-temps d’un match, alors que ses échauffements solo sont souvent constitués de… jongles de footeux. Soit, génération nan-nan on veut bien mais il semblerait qu’il y ait un tout petit effort à faire de ce côté-là. Son comportement un peu flâneur donc, lié à un body language mi-poker face mi-j’men bat les yeuks, donnent à Sekou l’image d’un jeune qui profite mais qui ne taffe pas des masses, et c’est justement cette image qu’il devra taffer à l’avenir. Un avenir à réfléchir avec le souvenir d’un cœur d’hiver somptueux et pas d’un combo février/mars difficile, un avenir qui s’annonce toujours aussi radieux malgré le mur pris à pleine vitesse lors des deux derniers mois de compétition.

La suite

On ne sait pas vraiment si c’est une chance, mais Sekou Doumbouya est aujourd’hui au cœur d’un immense chantier de reconstruction. Andre Drummond est parti, Reggie Jackson est parti, Blake Griffin et/ou Derrick Rose devraient suivre, et les noms mentionnés aujourd’hui pour faire renaitre Detroit de ses cendres seraient plutôt Christian Wood, Bruce Brown, Svi Mykhailiuk et donc notre Sekou Doums national. Ce qui ne bouge pas ? C’est que, même la saison prochaine, le Français sera toujours un gamin. Ce qui pourrait changer ? C’est qu’il lui sera permis encore moins de sorties de route, car la franchise du Michigan mise gros sur son ailier. Il y a les stats, et il y a le reste. Montrer de l’intérêt pour le jeu, servir de relai à son coach, ne jamais rien lâcher et faire au moins semblant de se satisfaire d’être là. Les quelques aperçus de janvier sont incroyables et la base est donc là, reste à peaufiner tout ça pour faire d’un corps de freak une vraie menace pour toute la Ligue. Quoiqu’il arrive Sekou fait partie des plans et la balle est dans son camp.

Six mois passés à la vitesse de la lumière, aussi rapidement que lui lorsqu’il fond sur un adversaire croyant terminer pépère une contre-attaque. Six mois passés à douter, à prendre sa chance, à défendre sur Kawhi ou LeBron, à postériser du vétéran, à hausser les épaules parfois un peu trop, six mois à apprendre que rien ne sera facile s’il veut mener à terme son projet. La vie banale, finalement, d’un gamin qui met le nez dans le monde des adultes, au détail près que ce gamin est peut-être l’un des plus gros potentiels et talents brut que la France du basket n’ait jamais connu. Ça vaut le coup de se mettre au taf non ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*