Disparition de l’acteur Max von Sydow à 90 ans


Dans Le Septième Sceau d’Ingmar Bergman, on le découvrait jouant une partie d’échecs face à la Mort. L’acteur Max von Sydow est décédé dimanche, à 90 ans, ont annoncé ses proches.

«C’est le cœur brisé et avec une infinie tristesse que nous avons l’extrême douleur de vous annoncer le départ de Max Von Sydow le 8 mars 2020», a annoncé la productrice Catherine Von Sydow, confirmant une information de Paris Match.

Avec une centaine de films et de productions à son actif, aux États-Unis comme en Europe, Max von Sydow est l’une des figures majeures du 7e art depuis la Seconde Guerre mondiale. Né le 10 avril 1929 en Suède, Carl Adolf von Sydow a grandi dans une famille bourgeoise de Lund où il s’exerce d’abord au théâtre. Repéré par le réalisateur Ingmar Bergman, il se voit d’abord confier un rôle dans une pièce au théâtre de Malmö en 19595 avant d’être engagé pour le grand œuvre du cinéaste suédois, Le Septième Sceau, en 1957. Il joue le personnage principal: un ancien croisé de retour en Suède en proie à des questionnements métaphysiques. Jusqu’en 2015, où il apparaît à l’affiche du septième épisode de la saga Star Wars, le comédien aura enchaîné les rôles divers et les films cultes avec une régularité exemplaire.

Après avoir tourné une dizaine de fois pour Bergman, sa carrière prend un nouveau tournant en 1973: derrière l’objectif de William Friedkin, il incarne le Père Lankester Merrin dans L’Exorciste. Suivent des longs-métrages variés, des Trois jours du Condor de Syndey Pollack, à Flash Gordon (Mike Hodges, 1980), Conan le Barbare (John Milius, 1982) ou Dune de David Lynch (1984). Sa carrière trouve un nouveau souffle au début des années 2000. Il est le grand méchant de Minority Report pour Steven Spielberg qui adapte K. Dick (2002), le docteur Naehring de Shutter Island pour Martin Scorsese (2010) ou encore le beau-père de Marianne dans le Robin des bois de Ridley Scott la même année. A la télé, on l’a encore vu dans la série Game of Thrones.

À l’occasion d’une rétrospective consacrée à Ingmar Bergman en 2014, l’immense acteur avait raconté au Figaro quels liens il était parvenu à tisser avec le réalisateur.

Le FIGARO. – Impossible de vous séparer de Bergman, depuis qu’il a fait de vous le chevalier du Septième Sceau.

Max VON SYDOW. – Il m’a tout appris du métier, au théâtre d’abord, puis au cinéma. Il travaillait de la même manière pour l’un et pour l’autre: il avait un talent de chef d’orchestre pour accorder tout le monde dans la même passion pour l’œuvre. Je lui dois la discipline de travail, un peu de philosophie, et une amitié exceptionnelle. Nous avons eu le même environnement, des familles très cultivées et très religieuses. Ses parents étaient comme les miens, de stricts luthériens. Nous avons beaucoup discuté de religion ensemble. Il avait une foi profonde, et mon regret est de n’avoir pas bien mesuré cette profondeur, alors, parce que j’étais jeune et en réaction contre le protestantisme. Mais j’ai compris plus tard. Il y a dans l’écriture des difficultés insurmontables et des choses qui vous parlent au cœur. Il faut entrer dans le mystère et accepter le doute. La foi est toujours liée au doute. Mais il ne faut pas cesser de questionner.

Quels souvenirs vous restent du Désert des Tartares, tourné avec Jacques Perrin en 1976?

La lumière, l’espace… Une beauté remarquable. Et tous les rêves perdus de ces hommes dans une forteresse isolée, qui se voudraient héroïques, et en même temps ont peur. Mon personnage est un honnête homme, qui comprend mieux que d’autres l’illusion et la menace. Mais lui aussi finit par se laisser décourager. Quand Jacques Perrin m’a proposé le rôle, j’ai été subjugué par cette histoire amère, profondément troublante. De tous les acteurs qu’il a réunis, nous ne sommes pas nombreux à être encore de ce monde…

Et la citadelle de Bam, en Iran, où vous avez tourné, a disparu dans un tremblement de terre…

Oui. Le film reste un document très émouvant pour moi. Quand on voit le décor à l’écran, cela semble un paysage désolé, mais à côté, il y avait une ville très vivante. Nous habitions des caravanes prêtées par le chah, ce n’était pas encore le temps des ayatollahs. J’étais fasciné par cette citadelle, et par le désert.

C’est la première fois que vous découvriez le désert?

J’ai été émigrant plusieurs fois. Je suis parti pour les États-Unis, dans les années 1960, sans ambition de devenir une star hollywoodienne, mais parce que c’était intéressant et stimulant. Le bilan est mitigé. Quels personnages offrir à un étranger avec accent? Souvent des méchants, parfois des savants ou des artistes… J’ai vécu en Italie deux ans, parce que j’étais séduit par Rome et par la langue italienne, que je trouvais drôle et charmante. Mais c’est seulement en France que je suis devenu citoyen.

Qu’est-ce qui vous a fait choisir la nationalité française?

L’histoire, la culture. Je n’aurai pas le temps de goûter tous les vins, ni tous les fromages. Ni d’étudier tous les mouvements d’un passé extrêmement compliqué, du mélange entre les Gaulois et les Romains à l’émergence d’un pouvoir central. Mais j’explore cette richesse avec bonheur. Mon père était un universitaire spécialisé dans le folklore irlandais, il avait étudié le gaélique. Il nous a nourris de légendes et de traditions celtes et nordiques. Je tiens de lui mon intérêt pour les cultures populaires. J’aime la fête de Noël en Provence, j’aime la sagesse et la connaissance de la nature qu’on rencontre encore chez quelques bergers qui vivent comme il y a deux cents ans.

Et la société actuelle?

Je vois qu’elle a la même obsession de l’égalité qu’en Suède. On n’a pas le droit d’être meilleur ou différent. C’est ennuyeux. En voulant simplifier les choses, on les complique énormément. Parce que c’est dur d’être différent, on veut forcer tout le monde à être pareil. Mais pourquoi ne pas accepter simplement les exceptions en tant qu’exceptions?

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