Face à la fronde de ses employés et de Ronan Farrow, Hachette lâche Woody Allen


Après des mois à avoir trouvé portes closes dans le sillage des révélations sur Harvey Weinstein, Woody Allen pensait avoir trouvé une maison d’édition pour ses mémoires. Mais tout est à refaire pour le cinéaste new yorkais, accusé par une de ses filles adoptives d’abus. Face à la fronde de ses employés et du fils de Woody Allen, Ronan Farrow, que Hachette publie également, le groupe a annoncé vendredi soir avoir renoncé à sortir le livre du réalisateur de Minuit à Paris et Blue Jasmine.

L’ouvrage, censé retracer en détail la vie professionnelle et personnelle de l’artiste de 84 ans, auteur de dizaines de longs-métrages dont les légendaires «Manhattan» et «Annie Hall», devait être publié le 7 avril aux États-Unis par une filiale d’Hachette, Grand Central Publishing.

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«La décision d’annuler le livre de M. Allen a été difficile (…), nous n’annulons pas de livre à la légère. Nous accordons une grande valeur à notre relation avec nos auteurs et nous continuerons à publier des livres difficiles et donner échos à une multitude de points de vue», a indiqué la porte-parole de Hachette Book Group USA (HBG). «La direction de HGB a eu de longues discussions avec le personnel et d’autres. Après avoir écouté, nous sommes arrivés à la conclusion que maintenir la publication n’était pas faisable pour HBG», précise Hachette qui rendra «tous les droits» achetés au réalisateur.

Woody Allen devait être publié chez Stock en France

Ce revirement survient au lendemain d’une manifestation d’une centaine d’employés d’Hachette, qui sont sortis de leurs bureaux à New York pour dénoncer la collaboration entre Hachette et du cinéaste. Leur mobilisation fait suite à la condamnation publique de Ronan Farrow de ce partenariat.

Le journaliste du New Yorker et un des lauréats du prix Pulitzer 2018 pour son enquête sur les agressions sexuelles commises par Harvey Weinstein regrettait sur Twitter avoir appris par la presse que Hachette, qui a publié son propre livre Catch and Kill (Les faire taire en France) sur les dessous de l’affaire Weinstein, allait publier le livre de son père. Ronan Farrow avait alors déclaré qu’il ne travaillerait plus avec le groupe Hachette.

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Le journaliste qui soutient Adèle Haenel reprochait à Hachette de ne pas avoir vérifié les affirmations de Woody Allen dans ses mémoires et de lui avoir «caché» cette collabortion pendant qu’il travaillait sur Catch and Kill, «un livre qui traite de la façon dont les hommes de pouvoir, y compris Woody Allen, évitent d’être tenus responsables d’abus sexuels». «L’attitude de Hachette montre un manque de compassion et d’éthique envers les victimes de harcèlement».

L’autobiographie du réalisateur, intitulée Apropos of Nothing (le titre français prévu est Soit dit en passant) , figurait vendredi soir toujours sur le site de vente en ligne Amazon. Elle était étiquetée «best-seller», ce qui suggère que le site avait reçu un volume important de précommandes. D’après Crumpa, Hachette avait déjà imprimé les exemplaires et versé une première partie d’à-valoir à Woody Allen

Hachette n’a pas immédiatement précisé s’il annulait également la sortie du livre dans d’autres pays. Les mémoires de Woody Allen devaient sortir le 29 avril en France, chez Stock.

Réserves de Stephen King

Woody Allen a toujours réfuté les accusations de Dylan Farrow. Après deux enquêtes de plusieurs mois dans les années 90, le procureur du Connecticut chargé du dossier avait décidé de ne pas l’inculper. Mais soutenue par son frère et sa mère, Mia Farrow, Dylan Farrow les a relancées début 2018, dans la foulée du mouvement #MeToo.

Après avoir déjà salué les employés d’Hachette jeudi, Dylan Farrow leur a témoigné sa «reconnaissance»: «Pour quelqu’un qui s’est longtemps senti seul avec son histoire, la journée d’hier rappelle qu’on peut faire une différence quand les gens s’unissent pour ce qui est juste», .

Woody Allen n’a pas immédiatement réagi. Mais sur les réseaux sociaux, certains ont critiqué Hachette, comme l’écrivain Stephen King. «La décision d’Hachette de laisser tomber Woody Allen me met très mal à l’aise. Ce n’est pas lui, je me fiche de M. Allen. Ce qui m’inquiète, c’est qui sera muselé au prochain coup», a tweeté l’auteur de nombreux best-sellers adaptés au cinéma. Et de poursuivre: «Si vous pensez que Woody Allen est un pédophile, n’achetez pas son livre. N’allez pas voir ses films ou assister à ses concerts de jazz au Carlyle. Votez avec votre porte-monnaie en le conservant fermé. C’est comme cela que l’on fait aux États-Unis». Le romancier n’était pas non plus tendre avec Hachette: «Publier Woody Allen après avoir publié son fils est une grande preuve d’insensibilité».

C’est la deuxième fois depuis le début du mouvement #MeToo en octobre 2017 que Woody Allen voit un contrat annulé. En 2018, Amazon avait annulé la sortie américaine de son film Un jour de pluie à New York , avec Timothée Chalamet, Selena Gomez et Jude Law. Le cinéaste avait attaqué le géant de l’internet devant la justice américaine pour rupture abusive de contrat, lui réclamant 68 millions de dollars. Avant d’abandonner les poursuites après avoir trouvé un accord confidentiel avec Amazon.

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