Maeterlinck, Handke, Labiche ou Steinbeck… Que voir au théâtre cette semaine?


Pelléas et Mélisande

Pelléas et Mélisande, de Maurice Maeterlinck, n’est pas facile à mettre en scène: forêts, grottes, la mer et un château servent une ambiance médiévale. Aux Ateliers Berthier, Julie Duclos transforme le château en maison contemporaine. Pour présenter les personnages, elle convoque la vidéo XXL. Golaud (Vincent Dissez) découvre Mélisande (Alix Riemer) perdue dans la forêt. Ils se marieront. Puis on suit Pelléas (Matthieu Sampeur) accompagnant Mélisande dans une grotte. Julie Duclos a travaillé un ensemble éthéré pour mieux se concentrer sur le texte. Sublimes, les lumières contribuent à exprimer les anxiétés des amoureux cachés et les interrogations de l’époux trahi. Tous cherchent la clarté, physique ou intime. Si l’utilisation de la vidéo semble judicieuse au départ, elle empêche les acteurs d’inscrire une continuité dans leur jeu. D’où cette sensation de distance même quand la maison est scindée en deux pour se rapprocher du public. L’amour entre Pelléas et Mélisande reste ainsi flou. Restent les silences intérieurs de Mélisande, suffisants à créer une tension ininterrompue.

» Jusqu’au 21 mars aux Ateliers (17e).

Julie Duclos a travaillé un ensemble éthéré pour mieux se concentrer sur le texte de Maurice Maeterlinck. Simon Gollelin

Les Innocents, Moi et l’Inconnue au bord de la route départementale

De quoi s’agit-il? D’une route qui ne vient pas plus de quelque part qu’elle n’aboutit à un endroit précis. Dans un décor qui fait songer à un Hopper craquelé et squatté (voir photo de tête) – la route se fissure et un Abribus a été détourné de son objet initial pour devenir une sorte de paillote. Les acteurs (tous excellents, d’une abnégation admirable, notamment Gilles Privat) disent leur texte, et c’est à ce point que le travail d’Alain Françon, le metteur en scène, se complique beaucoup. Une mise en scène n’est pas en effet un boa chargé d’avaler un texte trop grand pour elle.

Pour ce spectacle, Peter Handke a tiré un feu d’artifice intertextuel. Son texte, trop indigeste, fait songer à une préparation massive d’artillerie pour une offensive terrestre qui n’aura pas lieu, parce que le propos n’est jamais conclusif, toujours ouvert sur un prochain stade d’errance métaphysique. C’est un texte très riche et généreux, mais qui n’a que des énigmes à partager.

» Jusqu’au 29 mars au théâtre de la Colline (20e).

Toute nue

Monsieur Ventroux a des ambitions et le vent en poupe. Fraîchement élu député, il brigue désormais le ministère de la marine. C’est l’été. Clarisse Ventroux meurt de chaud. Elle court le Tout-Paris pour représenter son mari. Son unique fonction… Avec la compagnie Ex Voto à la Lune, Émilie Anna Maillet fait un pari risqué: métisser le génie comique de Feydeau avec les écrits psychosociaux (beaucoup moins drôles) de Lars Norén. Le loufoque et l’austère se rencontrent donc sur fond d’anachronismes. Dans un appartement ultramoderne, Georges Clemenceau appelle en FaceTime. Victor, le valet, joue de la batterie au milieu du salon. Le maire de Trifouilly-les-Oies vient disputer le bout de gras. Un journaliste zélote harcèle le couple pour quelques images. C’en est trop pour Clarisse qui finit par se déshabiller entièrement. De femme invisible et excédée, Madame Ventroux devient une héroïne féministe alors que tout son petit monde part (littéralement) à vau-l’eau. Rafraîchissant!

» Jusqu’au 21 mars au théâtre Paris-Villette (19e).

De femme invisible et excédée, Madame Ventroux devient une héroïne féministe alors que tout son petit monde part (littéralement) à vau-l’eau. Maxime Lethelier

Room with a view

Une expérience qui porte le sceau de la nouvelle direction du Châtelet: renouveler les formes anciennes en les réalisant avec des ingrédients contemporains. Ici, le DJ Rone, qui brille dans le répertoire de la musique électro. Et le Ballet de Marseille sous la houlette des chorégraphes du collectif La Horde. Le sujet? Les jeunes danseurs d’une rave party dans une carrière de marbre au moment où le monde s’effondre. À quoi ressemblera l’ensemble? Difficile à dire… La reprise du ballet de Marseille, alors dans un état assez critique, par des artistes d’avantage marqués par le show que par la danse contemporaine ou classique est un pari. On espère que cette nouvelle direction lui aura permis de retrouver une identité. Sur scène les 18 danseurs vont exprimer ce qu’est devenu ce ballet, depuis que Roland Petit l’avait créé il y a une bonne quarantaine d’années, et en avait fait la seconde compagnie française.

» Jusqu’au 14 mars au Théâtre du Châtelet (4e).

Labiche repetita

Sur les pentes de la butte Montmartre, deux soirs par semaine, Coralie Lascoux, 18 ans d’autoproduction dans le baluchon, met en scène un Labiche. La Main Leste, comédie-vaudeville en un acte. Mais plutôt que de commencer par la première scène, sa pièce débute une demi-heure avant le lever de rideau, alors que les comédiens déboulent en coulisses, haletants et désillusionnés. Celle qui se voyait Célimène joue les soubrettes ; tel autre qui s’imaginait en Aiglon doit jouer les vieux les messieurs. Chacun pourtant garde l’espoir qu’il tutoiera bientôt Michalik et invitera Vuillermoz à sa table. Ce n’est qu’une question de temps. De temps, la compagnie «L’espoir fait vivre» en manque justement. À quelques minutes du lever de rideau, une comédienne manque à l’appel, qu’on remplace à la diable par la régisseuse. Plus grave, la porte censée claquer reste coincée, ce qui est embêtant pour un vaudeville… Tout ça sent le vécu comme l’époisses sent les pieds. C’est habilement troussé et superlativement interprété…

» Jusqu’au 30 mars au Funambule Montmartre (18e).

Plutôt que de commencer par la première scène, sa pièce débute une demi-heure avant le lever de rideau, alors que les comédiens déboulent en coulisses, haletants et désillusionnés. Théâtre le Funambule Montmartre

Des souris et des hommes

Il y a George. Le petit. Le malin. Il est flanqué de Lenny, son frère de galère, grand colosse aux idées courtes. Un vrai couple de cinéma. Tous deux parcourent les routes à la recherche de travail. Leur périple, au début des années 1930, annonce Les Raisins de la colère. Sur scène, Thierry Bilisko incarne à lui seul les deux compères. Accompagné par la musique country d’un artiste live (Éric Nemo), il délaisse la partie road trip du roman pour s’intéresser au huis clos d’un ranch. George et Lenny y rêvent d’une petite ferme avec des lapins. L’espoir les fait tenir debout. Le destin, plus cruel, prend la forme d’une séduisante danseuse qui ne dit mot. On connaît la fin, elle est terrible. Et Bilisko prouve qu’il a le coffre pour porter toute l’humanité du chef-d’œuvre de Steinbeck.

» Jusqu’au 15 mars au Lucernaire (6e).

Sur scène, Thierry Bilisko incarne à lui seul les deux compères du roman de Steinbeck. Chloé Fidanzi

Est-ce que j’ai une gueule d’Arletty?

Éric Bu et Élodie Menant ont conçu un spectacle musical enlevé, drôle et empreint de nostalgie sur la vie mouvementée de la chanteuse qui lançait avec sa gouaille de titi parisienne: «Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ,» à Louis Jouvet dans le légendaire Hôtel du Nord de Marcel Carné. Mise en scène virevoltante de Johanna Boyé, interprétation au cordeau, à voir absolument.

» Jusqu’au 10 mai au Petit Montparnasse (14e).

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