Jean-Jacques Beineix, l’amour en fuite du cinéma


Jean-Jacques Beineix n’a qu’un mot d’ordre: «Être libre». Pas étonnant que Cyrano de Bergerac ait bercé son adolescence. Et si le cinéma a longtemps été «un lieu de liberté» pour créer, l’artiste de 73 ans glisse désormais vers la littérature. Il signe son premier roman, Toboggan, chez Michel Lafon. À cette occasion, Jacques Pessis a reçu sur Sud Radio, dans Les Clefs d’une vie, le réalisateur de Roselyne et les Lions. À des années de distance, il rend hommage à ses maîtres.

Jean Becker, avant tout. En 1965, adolescent, Beineix planche à ses côtés sur la série Les Saintes Chéries. «Un paradis!», jure-t-il, même s’il est surtout chargé de veiller sur le matériel et de conduire Micheline Presle. Ce qui, à 20 ans, n’est pas rien… Le bac? Il le passe en dilettante. Heureusement qu’il a vu Daniel Sorano en Cyrano quelques jours plus tôt. Son panache l’inspire pour sa copie de Français.

Par la suite, Jean-Jacques Beineix loupe l’IDHEC de peu. Il a «peur d’aller vers le cinéma». Les 400 Coups de Truffaut le font rêver. Il choisit de suivre «l’école buissonnière». Et y trouve d’illustres professeurs. René Clément fait appel à lui comme assistant-réalisateur, puis Claude Zidi, «cet homme aimable qui s’amusait en faisant du cinéma».

Aujourd’hui il n’y a plus de place pour les gens comme moi. Il n’y de place que pour les maîtres d’œuvre et plus pour les artistes.

Jean-Jacques Beineix

Moshé Mizrahi, qui a mis sur grand écran le chef-d’œuvre de Romain Gary La Vie devant soi , lui enjoint de passer derrière la caméra. En 1977, son premier court-métrage reçoit des éloges. Mais six ans plus tard, son premier film, La Lune dans le caniveau, est traîné plus bas que terre à Cannes. «Je ne m’en suis toujours pas remis», confie le cinéaste à Jacques Pessis. Trois ans plus tard, 37°2 le matin lui vaut, cette fois, la consécration.

«J’aime les mots»

Jean-Jacques Beineix, âgé de 73 ans, parle ici à cœur ouvert. Il regrette de n’avoir pas accepté les propositions américaines grand public reçues dans les années 1980. «Même Stanley Kubrick a accepté de réaliser un Spartacus», est-il obligé de concéder. Avant d’analyser, à propos du succès: «Ce qui nous est donné est toujours repris un jour». Suffisamment pour abandonner le cinéma? Le dernier film de Jean-Jacques Beineix, Mortel transfert, est sorti il y a vingt ans.

Selon le réalisateur, c’est l’inverse qui s’est passé. «Aujourd’hui il n’y a de la place que pour les maîtres d’œuvre et plus pour les artistes», maugrée-t-il. Même si le 7e art le fuit, l’homme n’a pas dit pas son dernier mot. Il y a l’écriture. «J’aime les mots», insiste le primo-romancier de 73 ans. Avec son Toboggan, il s’intéresse au «moment où l’on se rend compte que l’on est arrivé à son dernier grand amour». Quand la vie est derrière soi. Faut-il reconnaître une part d’autobiographie? Jean-Jacques Beineix ne dit pas non.

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