je t’aime, moi non plus


Il y a les spectacles dont on sort franchement enthousiaste ou clairement déçu. Et puis il y a l’entre-deux, qui n’a malheureusement pas le goût de l’Entre-Deux-Mers. C’est un peu ce qui s’est passé au tomber de rideau de Trahisons au Théâtre de la Madeleine. Nous serions-nous trop habitués aux fantaisies baroques de Michel Fau au point de ne pas adhérer à d’autres propositions de sa part? Car pour la mise en scène de cette pièce qui date de 1978, il est resté sage. Trop sage sans doute. Autant dans le décor que dans la direction d’acteurs.

Mais revenons au début. Ou plutôt à la fin, puisque le vaudeville du dramaturge anglais qui met face à face le mari, l’amant et la femme commence à la fin de l’histoire. Robert (Michel Fau), éditeur à succès, et Emma (Claude Perron), galeriste en vue, sont mariés. Jerry (Roschdy Zem), agent littéraire sachant détecter les talents, est le meilleur ami du mari et l’amant de la femme. Leur liaison est terminée depuis deux ans. C’est donc une remontée dans le temps à laquelle on assiste, des tensions au sein du couple légitime comme du couple illégitime aux reproches, soupçons, aveux et jusqu’à la naissance de la liaison. Soit un découpage temporel et spatial en neuf tableaux annoncés en lettres rouges sur le mur du fond.

L’alcool triste

On a d’abord cru que ce décor en trois murs blancs striés de lignes rouges qui sert de salle de squash pour introduire les deux amis serait utilisé efficacement par la suite. Il n’en est rien. À chaque nouveau lieu et rendez-vous, des cubes de différentes tailles ornés de dessins colorés, détails de toiles célèbres, viennent encombrer la scène. La touche baroque de Michel Fau pour compenser la froideur de l’ensemble?

Cette froideur, c’est justement l’Entre-Deux-Mers sans goût. Michel Fau s’est surtout concentré sur le texte. Rien ne passe entre les comédiens. Alors qu’ils dialoguent autour d’un déjeuner, Robert et Jerry n’ont pas un regard l’un pour l’autre. De même, aucun désir ne transparaît entre Jerry et Emma.

Roschdy Zem, dont la présence au cinéma peut être tellement dense, reste ici presque transparent. Il faudra attendre la toute dernière scène pour qu’il vibre et nous fasse vibrer. Claude Perron offre quelques belles émotions face aux deux hommes de sa vie. Alors pourquoi nous faire rire, mais si peu, avec ces répétitions de répliques entre personnes qui n’ont plus rien à se dire? Omniprésent, l’alcool ne réchauffe pas l’atmosphère, pas plus que les couleurs vert pâle, violette ou bleue qui tapissent les murs à tour de rôle.

Quant à l’acteur Michel Fau, il joue toute en discrétion, avec, bien sûr, le talent qu’on lui connaît. Mais, comme Roschdy Zem, il n’incarne pas vraiment son personnage. À l’image de la partie de squash du début, où les mouvements de raquette ne sont pas bien coordonnés avec le bruit des balles (invisibles), la distance voulue entre les personnages n’a pas la bonne longueur. Trop courte quand il aurait fallu l’étirer au maximum.

● «Trahisons», Théâtre de la madeleine,19, rue de Surène (8e), Tél.: 01 42 65 07 09. Horaires: 20 h 30. Places: de 14 à 59 €. Durée: 1 h 40.

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